Retour des Petrópolis sur la scène politique ! Tout est dans la symbolique. Le prince Pedro-Thiago d’Orléans-Bragance a annoncé sur les réseaux sociaux qu’il allait se présenter comme conseiller municipal dans l’ancienne ville impériale de Petrópolis et sous les couleurs du Parti rénovateur travailliste brésilien (PRTB). Une entrée en politique surprenante pour cet héritier au trône du Brésil qui a fait plus d’une fois les titres des médias.
«Je m’appelle Pedro d’Orléans-Bragance, avec beaucoup de fierté, je fais partie de l’histoire du Brésil et de notre ville de Petrópolis. Avec le colonel Viera Neto et le PRTB, je vais me porter candidat à un poste aux prochaines élections municipales (…) ». Le 3 avril, le prince Pedro-Thiago d’Orléans-Bragance a surpris les brésiliens et les monarchistes en annonçant sur les réseaux sociaux sa candidature sur une liste d’un parti conservateur de droite, le Parti rénovateur travailliste brésilien. Agé de 41 ans, cet héritier au trône (petit-neveu de feu la comtesse de Paris, Isabelle d’Orléans-Bragance et cousin du comte de Paris, Jean d’Orléans) n’est pas un inconnu de ses concitoyens.
Sa vie a été marquée par le sceau de la tragédie dès le berceau. Deux jours après sa naissance, le 14 janvier 1979, sa mère Rony Kuhn de Souza décède, laissant son père, le prince Pedro-Carlos d’Orléans-Bragance (actuel chef de la maison impériale pour la branche des Petrópolis), inconsolable. Pour une partie des monarchistes brésiliens, l’enfant représente tous les espoirs d’une dynastie, renversée en 1889 par un coup d’état après soixante-dix ans de règne sur cette partie du continent sud-américain. Son père se remarie avec Patricia Alexandra Branscombe (1964-2009) et de ce mariage naitra le prince Felipe en 1982. C’est au sein d’une famille recomposée que le prince impérial va grandir.
Alors que la question monarchique resurgit au Brésil, le prince Pedro-Thiago va faire les titres des médias malgré lui. Sur le chemin de l’école, au petit matin, le 26 mai 1992, il est victime d’un enlèvement par 4 hommes lourdement armés qui prennent la fuite dans deux véhicules. L’affaire fait la une des journaux télévisés qui évoquent la disparition de l’arrière-arrière-petit-fils du dernier empereur du Brésil, dom Pedro II. Sa libération va tenir en haleine tout un pays. C’est une véritable opération de guerre qui est montée par le gouvernement et la police pour le libérer. 7 jours après son enlèvement, cette dernière donne l’assaut dans un des quartiers de la ville impériale et libère le prince, sain et sauf, arrêtant les 7 membres du gang qui avaient réclamé plusieurs millions de dollars à la famille impériale. Pour le jeune Pedro-Thiago, l’expérience aura été traumatisante mais formatrice. « Il sera policier » explique-t-il. Un projet de jeunesse qui s’arrêtera net en 2002. Un an auparavant, il avait pourtant fait les démarches pour intégrer l’école de police tout en poursuivant ses études d’architectures (qu’il abandonne en 2004 pour faire brièvement du mannequinat). Pedro-Thiago va de nouveau faire parler de lui. Mais cette fois-ci dans le cadre d’une affaire de vol. Accusé d’avoir vendu illégalement un lot de 47 porcelaines anciennes, propriété de sa tante, la princesse Cristina d'Orléans-Bragance, le prince retrouve son nom étalé dans la presse brésilienne qui se délecte de ce fait divers et met à jour les divisions dynastiques qui règnent au sein de la maison impériale.
Divisée en deux rameaux qui se disputent le trône, les Petrópolis (libéraux) et les Vassouras (conservateurs), ils ont chacun des personnages phares : le prince Dom João Henrique d’Orléans –Bragance pour les premiers ou Dom Bertrand et Luiz-Philippe d’Orléans-Bragance pour les seconds.
Aujourd’hui tout cela est derrière le prince Pedro-Thiago d’Orléans-Bragance. Il entend faire ses preuves sur le terrain politique local, « dans la ville de ses ancêtres », résidence d’été des empereurs et la capitale de l’état de Rio de Janeiro jusqu’en 1902. Le prince Pedro-Thiago entend réhabiliter le nom de sa famille malmenée dernièrement. En effet, plusieurs voix se sont élevées pour que cessent les rentes distribuées légalement par la ville aux Orléans-Bragance. Le «Pacto por Petrópolis », la liste sur laquelle figure le prince, a une couronne impériale en son centre. Il a placé sa campagne sous le triptyque de « Dieu, famille, Patrie ». Le mouvement ne soutient pas ou plus le président populiste Jair Bolsonaro, qui pourrait être bientôt destitué dans le cadre d’une enquête ordonnée lundi dernier par la plus haute juridiction brésilienne. Une campagne monarchiste est même menée actuellement pour qu’un de ses cousins, le député Luiz-Philippe d’Orléans-Bragance, soit porté à la tête de la présidence du Parlement.
La monarchie, le prince Pedro-Thiago d’Orléans-Bragance s’irrite régulièrement des perpétuelles critiques qui sont faites à l’encontre d’un système qui a construit, enrichi le Brésil et aboli l’esclavage. Sur son compte officiel, le prince impérial multiplie les publications sur cette époque–phare de l’histoire de son pays. Et que partage parfois son colistier, le colonel Neto, qui n’a pas hésité à publier des photos du charismatique dom Pedro d’Alcântara Gastão d’Orléans –Bragance, prétendant au trône entre 1946 et 2007. Un prince qui avait porté l’idée monarchique dans les plus hautes sphères de la politique brésilienne.
Le 20 mars, il s’est aussi porté au chevet des brésiliens, durement touchés par le coronavirus, appelant dans un communiqué ses concitoyens à suivre « les recommandations sanitaires des autorités compétentes et se protéger autant que possible ». Ses chances d’obtenir un siège au conseil municipal sont pourtant assez faibles. Toutefois, le prince est tenace et mène campagne, participe à des réunions. S’il est élu, il devra faire ses preuves en attendant de viser la députation. Une autre ambition que l’héritier au trône, sportif accompli, n’avait pas caché lors d’une interview en 2004. En attendant le vote populaire d’un scrutin prévu en octobre prochain, ce prince Petrópolis vient de signer le retour inattendu de sa branche, longtemps absente des radars monarchistes, dans la politique tumultueuse du Brésil.
Depuis le début du scandale Petrobras (2014), qui a révélé une corruption à tous les niveaux de l'état et fait chuter deux présidents, l’idée d’un retour de la monarchie a refait surface au Brésil. Particulièrement actif, les monarchistes se sont considérablement regroupés et manifestent régulièrement dans les rues des principales villes aux côtés de leurs princes qui n’hésitent pas à haranguer la foule entre deux selfies. Ils ont envoyé sur les bancs de l’assemblée 15 députés favorables à l’idée ou apparentés comme tels sous diverses étiquettes, la plupart soutiens du président Jair Bolsonaro.
Durant deux ans, une commission sénatoriale a étudié la proposition 18/2017, intitulée «Referendo pela Restauração da Monarquia Parlamentarista no Brasil» (Référendum pour la restauration de la monarchie parlementaire au Brésil) avant de rendre un avis défavorable sur cette question, le 29 octobre 2019. En dépit d’un soutien de 45000 signatures, celui appuyé de l’Assemblée législative de Rondônia ou du Minas Gérais et un certain nombre de députés fédéraux, le sénateur (Démocrates) Marcos Rogério a expliqué les raisons de ce refus. « Si la constitution de 1988 a été amendée pour permettre un référendum sur la question d’un retour de la monarchie », la commission estime dans ses conditions que les brésiliens ont déjà répondu à cette question en 1993, « avec une majorité écrasante en faveur de la république ». Elle conteste également le fait que la proposition n’évoque pas le système républicain comme étant un choix éventuel et que le renversement de la monarchie a été définitivement acté avec la « clause de pierre » (qui empêche la remise en cause des institutions républicaines) a poursuivi l’élu. Avant de conclure : «un appel à un nouveau référendum par l’actuelle assemblée ne peut avoir lieu sans une nouvelle modification de la constitution » précise la commission qui conclu qu’«aucun fait de nature pertinente ne s’est produit depuis lors, capable de discréditer la république et favoriser le retour de la monarchie », enterrant tout projet d’un nouveau référendum sur cette question.
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