Dernier monarque du Népal, Gyanendra Shah prépare-t-il (enfin) son retour sur le trône ? La question est sur toutes les lèvres et irrite le gouvernement de la coalition marxiste. En tentant de lui interdire la semaine dernière l’accès à la capitale, pour des raisons de covid-19, la coalition au pouvoir a déchaîné les passions, quelques jours après les festivités qui ont célébré la fin de la monarchie. L’arrivée du roi à Katmandou n’est pas passée inaperçue dans la presse locale qui a ergoté durant des jours sur la récente passe d’armes qui a eu lieu entre le gouvernement et l’ancien souverain à qui on a prédit un retour son trône.
Confiné dans sa résidence de l’Himalaya Mahalaxmi Tea Garden, une vaste propriété située à Damak, le roi Gyanendra a annoncé qu’il entendait revenir dans sa capitale en dépit des mesures sanitaires décrétées par le gouvernement. Une annonce qui n’a pas été du goût du gouvernement qui ne cesse de reprocher au monarque déchu de se comporter comme s’il était toujours régnant. Officiellement, le roi Gyanendra bénéficie de certains droits comme l’utilisation de gardes du corps et de véhicules qui lui permettent de se déplacer dans tout le pays. En révoquant maladroitement ce droit et en limitant les déplacements du monarque lundi 11 mai, le ministre de l’Intérieur (et actuel leader du Parti communiste népalais), Ram Bahadur Thapan ne s’attendait pas à ce que la presse s’empare de l’affaire et s’indigne des méthodes du haut-fonctionnaire. Critiqué par des médias unanimes, le ministère de l’intérieur a dû rétropédaler, s’excuser et autoriser de nouveau Gyanendra à bénéficier des avantages auxquels il a droit.
Si le roi a fini par débarquer vendredi dernier dans la capitale népalaise, l’incident a ouvert un large débat au Népal sur l’attitude et l’influence que le roi Gyanendra exerce toujours à travers le pays. Dernièrement, Gyanendra a mis le ministre de la Santé au pied du mur en débloquant lui-même des fonds d’urgence en faveur des premières victimes du Covid-19, gênant les actions de la république fédérale contrainte d’accepter cet humiliant don royal alors qu’elle peine à gérer les 430 cas recensés sur l’ensemble du Népal. Le leader du Congrès népalais, ancien soutien et tombeur de la monarchie, a accusé le gouvernement de céder au roi et donner plus de privilèges à celui que ses adversaires appellent «Shah» que l’ancien président du pays (2008-2015), Ram Baran Yadav, lui-même. « Il serait temps de se poser des questions et revoir le niveau de droits accordés à Shah » a déclaré le député Krishna Prasad Sitaula.
Depuis plusieurs mois, les rumeurs d’une éventuelle restauration de la monarchie se font entendre et le gouvernement a menacé plus d’une fois le roi Gyanendra s’il continuait à faire de la politique. «Au cours des derniers mois, les principaux dirigeants des partis au pouvoir, dont le Premier ministre Khadga Prasad Sharma Oli ont évoqué le danger potentiel (…)» que représentent les partis royalistes du Népal note dans un de ses éditoriaux, l’Anapurna Express. Preuve s’il en est, le Premier ministre Oli a été obligé de convoquer le 20 août 2019 une réunion multipartite et a demandé aux différents partis politiques «de défendre et de renforcer» le système républicain démocratique fédéral. Lors de la réunion, Oli a affirmé que certaines forces tentaient de compromettre la constitution - faisant clairement allusion aux activités croissantes de l'ancien roi Gyanendra Shah » renchéri le journal qui affirme également que «le gouvernement a été informé que Shah avait intensifié son lobbying - national et étranger - afin de lancer un vaste mouvement contre le système politique actuel ».
Les tensions entre la coalition marxiste au pouvoir et le roi Gyanendra sont désormais publiques. Depuis que les trois mouvements royalistes (Rastriya Prajatantra Party) ont annoncé leur unification sur la demande du roi et que l’Inde nationaliste voisine s’est clairement positionnée pour le retour de la monarchie en recevant le descendant de Prithivî Nârâyan Shâh, le gouvernement ne décolère pas. Pis les deux pays sont au bord d’un conflit frontalier qui menace de dégénérer en guerre ouverte. Ce retour du roi à Katmandou, quand même bien serait-il à titre privé puisqu’aucune précision n’a été apportée à ce soudain déplacement,- un lourd cortège, selon la presse locale-, n’est donc pas vraiment apprécié par les communistes dont le pouvoir reste fragile et qui craignaii que cette arrivée ne soit accompagnée de manifestations en faveur du retour de la monarchie. Chaque déplacement du roi drainant derrière lui des milliers de népalais qui souhaitent voir leur demi-dieu, relayé sur les réseaux sociaux. Avec en fonde de toile, les prochaines élections législatives qui pourraient voir de nouveau les royalistes au gouvernement.
«Jamais deux sans trois » comme le dit l’adage ? Gyanendra Shah a été déjà été deux fois souverain de son pays, entre 1950 et 1951 puis de 2001 à 2008. Son rôle dans le massacre de la famille royale n’a jamais été clairement établi et bien qu’il se soit toujours défendu d’avoir armé le bras de son neveu sous l’emprise d’opiacés, c’est entaché d’une accusation de fratricide qu’il est monté sur un trône vacillant. En tentant de restaurer l’absolutisme et en instituant un pouvoir personnel (2005-2006), il a signé sa chute. Après le refus du roi d’abdiquer en faveur de son petit-fils le prince Hridayendra Shah, âgé de 17 ans aujourd’hui) ou d’accepter de ne plus être qu’un monarque doté pouvoirs théocrates, ses anciens soutiens se sont retournés contre lui et ont signé un accord avec la petite rébellion marxiste, financée par la Chine. La fin de la monarchie était actée. «Avec une popularité et une confiance retrouvées en faveur de l'ancien roi du Népal, Gyanendra Shah, de nombreux népalais se demandent s'ils ne seront pas de nouveau des citoyens d'un royaume. Les publications et les discussions sur les réseaux sociaux montrent que les gens n'ont pas encore oublié la monarchie» notait récemment la version anglophone de « Online Khabar». «Après l'abolition de la monarchie, les népalais avait mis de grands espoirs dans les nouveaux partis politiques. Ils pensaient que le Népal allait entrer dans une ère différente». Ils espéraient que le Népal lui-même se présenterait au monde comme un nouveau pays libre, souverain, prospère et digne. Cependant, force est de constater que leurs rêves se sont rapidement brisés. Le Népal n'a pratiquement rien gagné au cours d’une décennie de république. La promulgation de la constitution n'est pas un grand succès et chômage, la criminalité et l’émigration des jeunes sont montés en flèche » analyse le média d’informations en ligne. « Étant donné que tous les autres partis ont déjà tous été testés, la meilleure option que le Népal puisse espérer désormais est le rétablissement de la monarchie » conclu l’éditorial d’«Online Khabar».
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