Deux rois pour un trône. C’est un «Dallas africain» qui passionne actuellement toute l’Afrique du Sud. En réclamant que le régent Azenathi effectue un test ADN afin de prouver qu’il est bien son fils, le roi des Thembus, Buyelekhaya Dalindyebo, tente de récupérer par tous les moyens, un trône dont il a été déchu en 2014.
Le 13 mars dernier, Buyelekhaya Dalindyebo a surgi dans l’enceinte royale, hache à la main et a ravagé le palais de Bumbane avec ses partisans. Ivre de colère, il a fallu l’intervention des gardes afin d’éviter le pire. Un des témoins présents sur place a évoqué « une scène d’une violence inouïe » sur les ondes de la SABC, une des chaînes de la télévision sud-africaine. L’épouse du régent Azenathi a même dû être évacuée dans un hôpital. C’est en 1986 que Buyelekhaya Dalindyebo, neveu du président Nelson Mandela, monte sur le trône de cette tribu, une sous-ethnie xhosa. Le destin de ce souverain traditionnel bascule en mai 2005. Arrêté sous l’œil des caméras, il est inculpé pour fraude, incendie, kidnapping et meurtre sous l’emprise de stupéfiants. Le roi s’est mué en véritable dictateur et il faudra l’intervention de différents chefs de la tribu, qui le décrivent comme «un être diabolique», pour qu’il soit destitué de son trône. Depuis, il n'a cessé de ronger son frein.
Un de ses fils, Azenathi, est alors désigné à la tête d’une régence., le temps qu'il purge ses 12 ans de prison. pardonné en décembre 2019 par le président Cyril Ramaphosa, il réclame de nouveau son trône lors de sa libération. En vain. Buyelekhaya Dalindyebo, consommateur de dagga, la marijuana locale, va renouer rapidement avec ses démons. « Le régent a peut–être obtenu un droit de restriction contre son père mais rien n’arrêtera Dalindyebo de reprendre sa place qui est la sienne au palais » a averti le porte- parole du monarque déchu, peu de temps après l’incident du palais. C’est désormais deux clans familiaux qui se regardent en « hyènes de faïences ».
Dernier rebondissement en date de ce «Dallas africain», l’envoi d’une lettre de Buyelekhaya Dalindyebo au régent. «J'ai décidé de vous annoncer que vous n'êtes pas mon fils biologique et que je ne suis pas votre père. En d'autres termes, vous n'êtes pas non plus un Dlomo [nom de clan-ndlr]. Si vous ne me croyez pas, soumettez –vous à un test ADN. En ce qui me concerne, je ne vous reconnais plus» a déclaré le souverain sur un ton cinglant. La réponse à cette allégation ne s’est pas faîte attendre. Le chef Thandisizwe Mtirara, qui dirige le conseil royal, s’est porté au secours du régent et a affirmé devant la presse qu’Azenathi était bien le fils de Dalindyebo. «Même s'il n'était pas présent dans sa chambre avec Nokholeji [la mère d'Azenathi-ndlr, aujourd’hui divorcée du roi], nous confirmons que Zanelizwe [nom de naissance du régent-ndlr] est le fils de Zwelibanzi [nom de naissance de Buyelekhaya-ndlr] » a déclaré cet opposant au roi et qui fait remarquer que celui-ci a toujours été indigne de la charge qu’il porte.
La faction qui soutient Buyelekhaya Dalindyebo a écrit au gouvernement sud-africain afin de savoir pourquoi Azenathi continuait de percevoir une rente de Pretoria alors que selon elle, la période de régence était officiellement terminée. Le frère de Thandisizwe Mtirara, le prince Thanduxolo, a renchéri en rappelant que le roi, bien qu’en liberté conditionnelle, n’avait pas été formellement destitué lors de son incarcération et qu’il demeurait légitimement le souverain de sa nation « jusque qu’à ce que la maison royale décide de ne plus le reconnaître comme tel» précise t-il. Tout en dénonçant une « véritable coup d’état orchestré par les partisans du régent ».
«Il y a une certaine manière de se comporter quand on est un royal» s’est agacé le prince Siganeko Dalindyebo qui a rappelé que Buyelekhaya Dalindyebo a toujours eu des rapports exécrables avec l’African National Congress (ANC), le parti qui dirige le pays depuis la fin de l’Apartheid en 1994. Dans l’antichambre du palais royal, se joue également une joute politique. « Un royal doit avoir de très bonnes relations avec le gouvernement, car nous dépendons de lui pour générer des revenus et développer nos communautés. En rejoignant le parti de la Democratic Alliance (opposition), Buyelekhaya Dalindyebo s'est donné pour mission de détruire la royauté afin qu'il n'y ait plus de monarque après lui », a déclaré un très agacé prince Siganeko.
«Le roi a purgé sa peine et nous n’avons pas à le punir encore plus. Depuis qu'il est sorti de prison, il est traditionnellement et toujours l'héritier amaDlomo. Il est l'héritier du royaume des abaThembu. Il n'y a pas de discussions à ce sujet. Azenathi aurait dû remettre la couronne le jour de la libération de son père », a déclaré Thanduxolo, navré d’apprendre que le régent ait refusé de se soumettre aux tests ADN. Contacté, le porte-parole du gouvernement pour les affaires traditionnelles, Xolile Nqatha, s’est refusé au moindre commentaire sur le conflit dynastique en cours, préférant laisser à chaque faction le soin de s’expliquer publiquement. Faute d’accords entre le régent et le roi, la justice s’est toutefois emparée de cette affaire qui divise autant qu’elle fait rire les 700 000 sujets d’un royaume qui ont sorti les pop-corns afin de suivre ce royal télé-réality show en live.
Depuis plusieurs années, l’Afrique du Sud est confrontée à des revendications de toutes sortes de la part de ces rois et reines qui constellent cette République fédérale. Conflit foncier ou dynastique, demandes d’augmentations de salaires et privilèges, menaces de proclamation d’indépendance, le gouvernement a bien du mal à gérer les réclamations diverses des souverain(e)s qui exigent désormais de retrouver leurs regalia perdues sous le régime de ségrégation raciale.
Copyright@Frederic de Natal