L’information s’est étalée en une des journaux sud-africains à la veille d’un important discours du président Cyril Ramaphosa sur la crise sanitaire liée à l’apparition du Covid-19 L’Aba Thembu, le roi Buyelekhaya Dalindyebo, a été arrêté après avoir saccagé le palais royal, le 13 mars. L’affaire aurait pu passer inaperçue si l’intéressé, également sous le coup d’une accusation de fraude et tentative de meurtre et d'incendie, n’était pas le neveu de l’ancien président Nelson Mandela.
Vendredi matin, très tôt, le roi a pénétré très violemment dans le palais royal de Bumbane, à la recherche de son fils, le régent Azensthi Zanelizwe Dalindyebo. Ce dernier et son épouse, blessés, n’ont leur vie sauve que grâce aux gardes du palais qui se sont interposés entre lui et l’ancien souverain, armé d'un hache. Buyelekhaya Dalindyebo a exigé de son fils que celui-ci lui restitue tous ses pouvoirs dont il a été privé sur décision du gouvernement fédéral. C’est, en effet, en octobre 2015 que le souverain des Thembus a été destitué de sa couronne après sa condamnation pour violence, meurtre et tentative d’assassinat. Un an auparavant, une fronde avait éclaté parmi les principaux chefs traditionnels de la cour qui avaient écrits au président Jacob Zuma afin de se plaindre de ce monarque sud-africain monté sur le trône en 1986, au décès de son père.
Situé dans la province de l’Eastern Cape, le royaume Thembu est dirigé par la maison royale AmaDlolo (ou AmaHala) depuis le XVIIIème siècle. Venus du Zoulouland, ce sous-groupe de l’ethnie Xhosa avait rapidement pris son indépendance avant de sombrer dans les guerres de successions. Un affaiblissement de son autorité qui avait permis à la colonie britannique du Cap voisine d’annexer le royaume en 1876. Le roi Ngangelizwe avait même accepté sa destitution contre la reconnaissance aux Thembus de leurs terres agricoles afin de les préserver de l’appétit des boers. La délimitation géographique du royaume, une décennie plus tard, servira d’ailleurs aux autorités sud-africaines pour créer un jour, le futur bantoustan du Transkeï. Dès lors son histoire devait se confondre bientôt avec celle du régime sud-africain de ségrégation raciale en devenir.
Un « roi diabolique ». C’est dans ces termes que le président Jacob Zuma avait qualifié Buyelekhaya Dalindyebo après avoir reçu les princes rebelles qui avaient jugé le comportement du roi, « indigne de sa charge ». Il est vrai aussi que le souverain était un membre de l’Alliance Démocratique et son leader local, opposant au gouvernement dirigé par l’African National Congress (ANC). Une rivalité qui puise aussi son origine dans l’Afrique du Sud de l’apartheid.
C’est dans ce contexte que naît Nelson Rolihlahla Mandela en juillet 1918, petit-fils du roi thembu Ngubencuka (1790-1880) et dont le statut de prince lui permettra de faire des études à Fort-Haré, la seule université qui accepte des noirs. Mais également les frères Mantazima, Kaiser (1915-2003) et Georges (1918-2000), petit-fils du roi Mthikrakra (1819-1849) qui dirigeront conjointement le Transkeï de 1976 à 1986 avant d’être renversés par un coup d’état. Les deux cousins seront chacun d’un côté de la barrière comme la famille royale .Mandela contre le régime de Pretoria, les frères Mantazima avec les afrikaners. Entre les trois rivaux, le roi Sabata Jonguhlanga Dalindyebo (1928–1986). Le souverain Thembu entre rapidement en conflit avec les Mantazima qui réduisent son pouvoir à celui d’un chef traditionnel. Il sera arrêté en 1979 et exilé en Zambie où il y décédera.
Retour bref à la case prison pour le roi Buyelekhaya Dalindyebo, pourtant partiellement gracié en décembre 2019. Il lui est désormais interdit de s’approcher du palais, qui bénéficie d’une nouvelle protection policière. « Le régent a peut–être obtenu un droit de restriction contre son père mais rien n’arrêtera Dalindyebo de reprendre sa place qui est la sienne au palais » a déclaré le porte- parole du monarque déchu.
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Publié le 18/03/2020