« Kongo, à la recherche du royaume détruit », une énigme africaine
« Kongo, à la recherche du royaume détruit », une énigme africaine
« Kongo, à la recherche du royaume détruit ». Ce n’est pas le titre du prochain opus de la franchise Indiana Jones mais celui d’un documentaire historique. Puissant et prospère royaume de l’Afrique centrale, progressivement colonisé par le Portugal, les rois chrétiens du Kongo ont connu leur « guerre des Deux-Roses », leur Jeanne d’Arc, leurs rois usurpateurs ou fantoches... Une dynastie nappée d'un profond mystère. Il y a presque cinquante ans, après 5 siècles d'un règne tumultueux, les Manikongos (souverains) ont subitement disparu. Nul ne sait où ils se trouvent actuellement. Le producteur et réalisateur africain Ne Kunda Nlaba s’est lancé dans une quête afin de retrouver les héritiers sébastianistes de cette histoire fascinante qui reste encore ancrée dans le subconscient des Africains.
« Il était une fois au cœur de l’Afrique, au centre du monde, le long de l'océan Atlantique, un Empire des plusieurs grandes sources d’eau, des grandes rivières, des fleuves, des léopards, des matières précieuses et des grands hommes qui existait depuis plusieurs centaines d’années avant le 15e siècle. L’Empire était développé, puissant, fort et prospère. Il sera détruit plus tard par l’invasion de l’Europe, l’esclavage, les guerres civiles et le pillage de ses minerais. Il est connu autrement, sous le nom du royaume Kongo, Kongo Dia Ntotila ». C’est avec une voix de stentor que le producteur et réalisateur africain Ne Kunda Nlaba vous invite à suivre son périple à travers toute l’Angola et le Congo afin de retrouver les souverains d’une monarchie aussi vieille que celle des Capétiens, qui ont subitement et mystérieusement disparu. Il a dû attendre la fin de la pandémie de covid-19 pour révéler au festival le documentaire qu’il a réalisé sur cette énigme fascinante.
Un empire fabuleusement riche
C’est au cours du XIVe siècle que le roi Lukeni lua Nim décide d’unifier les différentes tribus présentes dans l’actuel Congo afin de créer un formidable empire qui va baser sa prospérité sur le commerce lucratif des esclaves. Une richesse qui va attirer l’œil des Portugais qui ont compris tout l’intérêt commercial que l’Afrique représente pour eux. Ils n’hésitent pas à envoyer une importante ambassade auprès du Mani (roi) Nzinga a Nkuvu (1437-1506). Très impressionné, le monarque va accueillir favorablement ces mundeles (« blanc » en Lingala) qui sont aussi venus avec des missionnaires. Le Portugal est à l’avant-garde de ce que sera plus tard la colonisation du continent africain par les Européens. Une mission réussie puisque Nzinga a Nkuvu acceptera, brièvement, de se convertir brièvement au catholicisme (Joao Ier) et de rebaptiser sa capitale Mbanza-Kongo du nom de Sao Salvador. Face à cette ingérence religieuse, le royaume ne tarde pas à se diviser et sombrer dans une guerre fratricide avec les deux fils du roi. La victoire du parti cristão, dirigé par le roi Afonso Ier (1457-1543), va installer définitivement la religion chértienne dans tout l’Empire. Une victoire miraculeuse qui aurait une origine divine. Selon la tradition orale, Afonso aurait « vu dans l’air une Croix-blanche et le bienheureux apôtre Saint Jacques, avec de nombreux cavaliers armés et vêtus de blanc, les combattre et les tuer ». La suite est connue.
Une guerre des Deux-Roses africaine
A sa mort, le roi Afonso Ier laisse derrière lui un Etat moderne. Il a noué des liens avec des cours européennes et le Vatican, réorganisé le système administratif (l’Empire se fédéralise) et juridique du pays, mis fin au fétichisme et donné naissance à une élite aristocratique calquée sur le modèle portugais. Lesquels restent très omniprésents à la cour du Manikongo. Pensant éviter tout risque de guerre civile entre les descendants du roi Nzinga, il place les princes des différentes maisons à la tête du Sud (réservés aux héritiers du trône), le Centre à la branche de Nsaku et le Nord à celle de Mpanzu. Sans le savoir, il sème à long terme, les graines d’une rivalité dynastique qui n’aura rien à envier à la « Guerre des Deux-Roses » qui va secouer l’Angleterre durant tout le Moyen-âge et la Renaissance. Au cours du XVIIe siècle, toutes ces maisons vont se quereller durant 40 ans pour un trône qui connaît plusieurs crises de succession et un certain nombre d’usurpateurs qui se renversent mutuellement au gré de leurs alliances avec les Portugais. Des colons qui renforcent au fur et à mesure leur emprise sur le Kongo. C’est dans ce contexte anarchique que va émerger la figure de Kimpa Vita (1684-1706).
La Jeanne d'Arc de l'Afrique
Véritable « Jeanne d’Arc » de son temps, aussi connue sous le nom Dona Beatriz, elle est la fondatrice et la prophétesse du mouvement syncrétique antonianiste. Elle va se donner pour mission de restaurer les rois légitimes du Kongo après avoir reçu des révélations. Elle annonce que « Dieu punira les habitants du royaume si ce dernier n'est pas réunifié ». Si Kimpa Vita ne fait pas l’unanimité auprès des Manikongos qui se méfient de son mysticisme (selon elle, le Kongo est la véritable « Terre sainte » et Sao Salvador, la « Jérusalem céleste »), elle est de plus en plus populaire auprès de la population. On dit d’ailleurs qu’elle s’entretient avec Dieu, meurt et ressuscite à chaque fois. Dès lors, elle lève le drapeau de la rébellion, conduit des armées sur son cheval, aidé de l’aristocratie locale qui ne rêve pourtant de se débarrasser d’elle. Supposée être vierge, une relation avec un de ses disciples et son accouchement va finalement mettre à mal toutes les croyances qu’elle a distillé. Elle sera arrêtée, traduite devant la justice portugaise et condamnée aux flammes du bûcher. Son syncrétisme a survécu de nos jours à travers divers mouvements religieux ; son visage est devenu celui du nationalisme africain.
Une dynastie mystérieusement disparue
L’Empire se meurt. Les rois Kongos deviennent des fantoches sans autorité, installés par les Portugais. Le royaume du Kongo sera démembré par la colonisation et une révolte en 1914 sera le prétexte trouvé par les Portugais pour destituer le roi Manuel III Afonso (1872-1927), « instruit dans les manières et les coutumes des hommes blancs ». Si la monarchie est restaurée un an plus tard, elle est vide de sens. Les monarques qui se succèdent n’ont plus aucun pouvoir et ce qui reste de cet empire fabuleux tombe une nouvelle fois dans la guerre civile en 1955 avec la mort du Mani Pedro VIII. On se dispute un trône qui vacille et qui fait l’amusement des colons portugais préoccupés par l'émergence du nationalisme angolais. Faute de consensus, deux ans plus tard, une régente (Isabelle Maria da Gama), son épouse, est nommée jusqu’en 1962. Le dernier monarque, Pedro IX meurt après quelques semaines de règne la même année et la monarchie définitivement abolie en 1975 à l’heure des indépendances. Les roi Kongos disparaissent subitement sans laisser de traces derrière eux. Or, il est peu probable que les différentes lignées aient été passées par les armes. Un mystère que tente de résoudre Ne Kunda Nlaba dans son documentaire : «Kongo, à la recherche du royaume détruit ».
« Kongo, à la recherche du royaume détruit », une véritable quête pour l'Histoire
« De nos jours, nombreux ont peut-être entendu parler du royaume Kongo, un empire qui a existé au cœur du continent Africain et le long de la côte Atlantique depuis plusieurs siècles avant l’arrivée des Européens en Afrique mais peu connaissent l’histoire de cet empire développé, puissant, fort et prospère en profondeur; notamment son origine, son peuple, sa création, ses leaders, ses rois et prophètes, son déclin occasionné par l’invasion de l’Europe, la Christianisation, les guerres civiles, le pillage de ses minerais, l’esclavage et les déportations, mais aussi sa contribution dans l’humanité » affirme celui qui est également le président de l’Institut Panafricain du cinéma . « En dehors des fouilles archéologiques, les écrits des historiens, sociologues et Anthropologues Kongo et la tradition orale nous aide également à reconstruire cette histoire riche en se servant des ouvrages, des correspondances entre les rois Kongo et Portugais, des portraits, des témoignages des chefs traditionnels et des guides » explique encore le réalisateur. « (…) Me servant du peu qui reste notamment ses ruines, son musée des rois, sa capitale Mbanza Kongo devenue patrimoine mondial de l’Unesco, ses principales villes, ses sites historiques, je me permets de reconstituer ce patrimoine historique en faisant un voyage dans le temps » ajoute Ne Kunda Nlaba.
Les rois cachés du Kongo n’ont rien à envier au mythe de la survivance des Papes d’Avignon contée par Jean Raspail dans son ouvrage « L’anneau du Pêcheur ». Leur souvenir reste ancré dans le subconscient des Angolais et des Congolais. « Kongo, à la recherche du royaume détruit » est un documentaire qui se veut un film historique, une introspection dans l’histoire d’un empire qui fut l’égal des plus grands d’Europe. En 2019, le gouvernement de Luanda a nommé un nouveau monarque Kongo sans aucune affiliation avec la maison royale d’origine. Une maigre consolation. Ils sont encore nombreux à penser que les souverains Kongo reviendront un jour sauver l’Afrique. L’histoire dit que l’héritier au trône, le prince José Henrique da Silva Meso Mankala, petit-fils de Pedro VIII, vivrait secrètement au Cabinda. Une province reculée de l’Angola où il aurait été proclamé roi, le 19 novembre 2000. Selon le droit coutumier, d'autres prétendants existeraient, tous issus des diverses branches de la maison royale mais aucune source probante ne les cite réellement autement que par la tradition orale. Un sébastianisme qui perdure, une énigme qui n’a pas encore révélé tous ses secrets.