Le Président Ian Khama IV restauré sur le trône Bamangwato

Ancien président du Botswana, fils du père de l’indépendance, le prince Seretse Ian Khama a retrouvé son trône. Il devient le nouveau roi des Bamangwatos.

Lors d’une cérémonie mémorable, l’ancien président Seretse Khama Ian Khama, 71 ans, a officiellement prêté serment en tant que Kgosikgolo (roi) du peuple Bamangwato, sous le nom de Khama IV. Un événement qui marque la fin d’une régence de plusieurs années pour cette célèbre tribu du Botswana qui a mené son pays vers l’indépendance en 1966.

#JustIn: Khama sworn into Ntlo ya Dikgosi

Kgosi Ian Khama was this morning introduced and sworn into Ntlo ya Dikgosi, following his return as Kgosi ya Bangwato last year pic.twitter.com/fpnnnSr5P9

— Mmegi (@MmegiOnline) January 20, 2025

Le président Ian Khama restauré dans ses regalia

Dans un serment solennel, le roi Khama IV, qui a dirigé son pays entre 2008 et 2018,  a prêté allégeance à la nation et à la constitution : « Moi, lieutenant général Kgosi Dr Seretse Khama Ian Khama IV, je jure que je serai fidèle et porterai une véritable allégeance à la République du Botswana, et que je préserverai, protégerai et défendrai la Constitution du Botswana telle qu’établie par la loi. Que Dieu me vienne en aide. », a déclaré le nouveau souverain.

Cette prestation de serment officielle, à laquelle ont assisté des dignitaires, dont le président de la chambre des chefs et rois du Botswana, le Kgosi Malope II, marque le retour de Khama IV sur un trône qui mêle son héritage politique à ses fonctions traditionnelles de chef suprême des Bamangwatos.

Un retour triomphal pour le roi

Un retour qui fait suite également à une période d’exil volontaire, après qu’il ait quitté le Botswana en 2021, invoquant une persécution politique mise en place par le gouvernement du président Mokgweetsi Masisi, son successeur. Malgré de multiples défis juridiques, notamment des accusations de possession illégale d’armes à feu, Ian Seretse Khama a été accueilli dans la liesse populaire par ses partisans et les chefs traditionnels à travers tout le pays.

Dans le discours qui a suivi la cérémonie, Khama IV a réaffirmé son engagement à préserver le riche patrimoine culturel du Botswana tout en cherchant à relier les systèmes de gouvernance traditionnels et modernes. Il a exprimé sa gratitude pour la confiance placée en lui par le peuple Bamangwato et s’est engagé à servir la communauté avec honneur et intégrité.

Le Ntlo ya Dikgosi, entre tradition et modernité

Bien que ne faisant pas officiellement partie du Parlement, la Chambre des Chefs du Botswana (en setswana : Ntlo ya Dikgosi) joue un rôle essentiel dans la préservation et la consultation des traditions coutumières du pays. Selon l'article V-5 de la Constitution, ce Parlement, créé à la fin de la colonisation britannique, est uniquement constitué d'un président et de ses membres élus à l'Assemblée nationale. Toutefois, l'article 88 impose une saisine obligatoire de la Chambre des Chefs lorsque des textes législatifs concernent des domaines spécifiques liés à la tradition et à l'organisation tribale.

La Chambre des Chefs, composée de 35 membres, intervient principalement sur des questions sensibles touchant aux modes de désignation des chefs traditionnels, aux compétences des juridictions traditionnelles, à la loi coutumière ainsi qu'à l'organisation et la propriété tribales. Bien qu'elle ne dispose pas d'un pouvoir législatif direct, son rôle consultatif lui confère une importance significative dans la préservation des structures traditionnelles du Botswana. La durée du mandat des membres de cette chambre est alignée sur celle de l'Assemblée nationale, cinq ans, assurant ainsi une continuité dans la représentation des traditions et des coutumes dans la gouvernance du pays.

En offrant un cadre institutionnel aux chefs traditionnels, elle garantit la prise en compte des enjeux coutumiers dans la prise de décisions nationales, tout en restant un organe exclusivement consultatif. Ce modèle hybride et unique témoigne de la volonté du Botswana de préserver son patrimoine culturel tout en s'inscrivant dans un cadre démocratique et moderne.

La monarchie Bamagwato, la naissance du Botswana

Population d’un millier de membres, les Bamangwatos sont d’origine Bantou. C’est à la fin du XVIIIe siècle, à l’époque du roi Louis XVI, qu’ils sont venus s’installer dans cette partie de l’Afrique australe. Une dizaine de souverains vont se succéder avant l’avènement du roi Khama III en 1872. Il sera le premier à établir des contacts commerciaux avec les Européens présents sur son territoire et adoptera le protestantisme comme religion. Réformateur, il accepte finalement de signer un protectorat avec Londres afin de se préserver des attaques des autres tribus et des boers sud-africains. Le Bechuanaland vient de naître et la monarchie Bamangwato va être indissociable de son histoire.

Le prince Seretse Khama (1921-1980), petit-fils du roi Khama III, va imprimer la décolonisation de sa marque. Etudiant à la prestigieuse université de Fort Hare (Afrique du Sud), il part à Oxford poursuivre ses études de droit. C’est ici qu’il va rencontrer et épouser Ruth Williams, la fille d’un anglais pur jus. Le mariage devient une affaire d’état avec d’un côté, le régime sud(africain qui ne peut accepter ce mariage racial, de l’autre, le régent Tsekedi (son oncle) qui lui ordonne de divorcer au nom des coutumes ancestrales. Une histoire portée au cinéma sous le titre : A United Kingdom (2017). 

 Si le roi Seretse Khama résiste et obtient gain de cause, ce sont les Britanniques qui finissent par avoir le dernier mot et qui exilent le couple. Il ne sera autorisé à revenir en 1956 mais en simple particulier, dépossédé de sa couronne. Seretse Khama se lance dans la politique avec le Bechunualand Democratic Party (BDP) et remporte les élections face aux socialistes et aux panafricanistes. Premier ministre dès 1965, il obtient la reconnaissance de la reine Elizabeth II (Chevalier commandeur de l'ordre de l'Empire britannique) et négocie l’indépendance du pays, un an plus tard. Seretse Khama va diriger le Botswana jusqu’à son décès, laissant derrière lui en héritage, un système politique respectueux du multipartisme et qui perdure encore de nos jours. Un exemple de démocratie en Afrique.

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