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Esther Kamatari, princesse des rugo

Princesse kamatari vogue « (…) la République a été imposée. Je serais pour le retour de monarchie, parce qu’on n’a jamais demandé à la population si elle voulait une République ou une monarchie ».  Première mannequin noire de France, Esther Kamatari est une vraie princesse royale. Née dans la colonie belge du Burundi, l’histoire de sa famille se mélange à celui du douloureux combat vers l’indépendance. Egérie de Guerlain, elle a été malheureuse candidate au poste de président de la République. Devenue une véritable influenceuse en Afrique, sa simplicité et sa détermination forcent le respect et l’admiration de ses pairs.  Esther Kamatari a répondu aux questions d’Iwacu, un e-quotidien, voix d’un pays meurtri par un génocide ethnique, et se livre sans complexes.

« Fascinante et passionnante » sont certainement les mots qui résument le mieux la princesse Esther Kamatari ! Qui a eu le privilège de l’avoir au téléphone ou de la rencontrer comme le journaliste d’Iwacu, Egide Nikiza, reste scotché par tant de simplicité et de douceurs dans sa voix. Son sourire et ses rires sont communicatifs, reflétant l'image de cette Afrique optimiste loin des habituels clichés que l’on distille sur ce continent. A 68 ans, celle qui a été le premier mannequin noir de France est «  une lionne qui sait se faire antilope » en face de ses interlocuteurs comme l’écrit le journaliste burundais venu à sa rencontre à Paris. Elle est née dans ce qui était encore que la colonie de l’Urundi. Anciennement allemande, puis attribuée à la Belgique peu de temps après la première guerre mondiale. Sa famille règne depuis cinq siècles sur cette partie de l’Afrique des Grands lacs et son père, Ignace, est le frère du roi Mwambutsa IV. Son plus proche conseiller. La princesse grandit dans une atmosphère électrique. Au palais royal, son cousin le prince Louis Rwagasore est le leader de l'Union pour le progrès national (UPRONA) qui entend mener son pays vers l’indépendance. La maison royale va payer le prix du sang pour réaliser le rêve en devenir des burundais. Le 13 octobre 1961, à peine nomme Premier ministre, il est assassiné d’une balle dans le dos par un colon blanc alors qu’il déjeune au bord du lac Tanganyika. « C’était un umuhuza (rassembleur) » se souvient Esther Kamatari qui est persuadé « qu’il aurait développé le Burundi comme Kagame le fait au Rwanda. Rwagasore ferait l’unanimité ».

Mwambutsa ivLa princesse Esther Kamatari fait un bond dans le passé. Son plus triste souvenir de cette époque tumultueuse ? « L’assassinat de son père en 1964 ».  Le meurtre a été sauvage et reste entouré de mystères qui n’ont pas encore été résolus aujourd’hui. « Je pense que tout commence à basculer à partir de l’attaque du palais royal en 1965 ». Tout va très vite s’enchaîner alors raconte la princesse royale jusqu’à cette nuit de 1972, « le début des massacres des hutus ». Dans la nuit du 18 au 19 octobre 1965, un groupe d’officiers hutus tentent un coup d’état. Le roi n’est pas au palais, il danse le twist au « Coconut », un dancing-bar  connu de la capitale Bujumbura. C’est un certain colonel Michel Micombero, un tutsi, qui va faire échouer les plans de renversement de la monarchie Ganwa, affaiblie par un autre meurtre, celui du premier ministre Pierre Ngendandumwe. Les représailles sont rapides et certains officiers hutus qui n’ont pas participé au putsch sont promptement exécutés. En 1966, Mwambutsa IV  part en Suisse pour ne plus revenir. Son fils Charles Ntare V profite de son absence pour prendre sa place avant d’être lui-même la victime de son protecteur, Micombero, la même année.  La monarchie est abolie et pour la princesse c’est aussi le signal de l’exil qui sonne. Adieu le doux nid verdoyant de « Fota », sa résidence dans laquelle elle a grandi et dont elle garde des souvenirs d'enfance. Le temps a passé, la princesse reste émue à l'évocation de ce nom qui la renvoie au regard de son père, ce «mythe vivant ».

Ntare vEnfant rebelle au caractère déterminé, elle voulait être «  pilote de chasse » pour goûter aux joies de la « liberté ». Elle va finalement connaître le vertige des podiums. La princesse Esther Kamatari a fait le buzz récemment avec ses « masques en or blanc » qu’elle a fait distribuer dans tout le Mali. Elle s’informe quotidiennement avec « RFI, la Voix d’ Amérique, etc », « et au sujet du Burundi, j’écoute Isanganiro, car je l’ai sur la toile » précise t-elle. C’est en France qu’elle apprendra l’exécution du roi Ntare V en 1972, dans des circonstances jamais élucidées. La princesse est aussi une femme engagée politiquement qui entend tracer ses pas dans l’avenir et non les faire stagner dans les regrets d’un passé révolu. « J’ai grandi dans un Burundi où tout le monde vivait ensemble. Qu’ils arrêtent de se focaliser sur les ethnies, qu’ils développent le pays, que les Burundais arrêtent de dire qu’ils sont Hutu, Tutsi, etc. Qu’ils privilégient les compétences et non la taille du nez. Que les Burundais se reconnaissent comme Burundais, et peu importe ceux qui dirigent, pourvu qu’ils soient justes dans la prise des décisions. On a l’impression qu’il n’y a pas des Burundais, il y a des Hutus et des Tutsi. On est en droit de se demander si le fait d’être Hutu, ou Tutsi, etc, si ça rapporte de l’argent ? Est-ce monnayable ? Peut-on l’investir ? Le vivre-ensemble est possible parce que nous l’avons vécu.  Je rêve que les Burundais se reconnaissent comme Burundais, en tant qu’une nation » s’agace Esther Kamatari qui a été candidate à la présidence de la république en 2005 avant de devenir une opposante au défunt  président Pierre Nkurunziza qui a tenté de réhabiliter la monarchie. L’ancienne capitale  royale Gitega a retrouvé son statut comme l’ancienne devise de la monarchie burundaise et des boulevards portent des noms des grands rois Ganwas. Il a même tenté de faire rapatrier les restes de Mwambutsa IV. Au grand dam d’Esther Kamatari qui a mis en avant le testament du souverain fin qu’il reste en Suisse.  Une affaire qui a mis publiquement à jour les divisions au sein de la maison royale et qui s’est jouée en sa faveur devant les tribunaux.

Esther kamatari« Le Burundi a été incapable de prouver un intérêt prépondérant de son objectif. Mwambutsa avait signé un testament dans lequel il disait expressément qu’en aucun cas sa dépouille ne devrait retourner au Burundi ni être emmenée dans un autre pays. La seule chose qu’il faut faire, c’est de respecter les dernières volontés du roi Mwambutsa. Si on veut se souvenir de Mwambutsa, on peut construire un mausolée, baptisé une route de son nom. Il a été complétement oublié, aucune route ne porte le nom de Mwambutsa, rien ne nous rappelle que c’est lui qui a signé l’Indépendance du pays parce que Rwagasore, son fils, était mort, qu’il était chef de l’Etat quand le pays a accédé à l’indépendance, qu’il est parmi les membres fondateurs de l’Organisation de l’Unité africaine au nom du Burundi »  explique la princesse, agacée par tant de récupérations. Et la monarchie ? Comme prétendante légitime au trône, souhaite-t-elle son retour alors que la nouvelle constitution prévoit la possibilité d’un référendum sur cette question ?  « [Le pays]  a été bien géré par le passé. Ce qui me gêne, c’est que la République a été imposée. Je serais pour [que l’on la pose] parce qu’on n’a jamais demandé à la population si elle voulait une République ou une monarchie» renchérit la princesse qui affirme toutefois ne pas regretter l’abolition de la monarchie : « vivre avec des regrets, c’est une perte de temps extraordinaire. Je préfère me fixer vers le futur que de m’appesantir sur les regrets. Il y a une chose qu’il faut garder toujours en tête, ce n’est pas possible de retourner en arrière». Elle n’est plus revenue au Burundi depuis 2010. Son mouvement, Abahuza, a été dissous par le gouvernement. « Je n’aurais pas vraiment voulu que le roi ou mon père voient le Burundi d’aujourd’hui. Il faut arrêter de penser en terme ethnique, mais plutôt se concentrer pour développer le pays. Il faudrait que les jeunes prennent les responsabilités au sujet de ce qui se passe aujourd’hui pour ne pas les répéter » martèle la princesse qui revendique fièrement ce titre et qui se déclare « indirectement » comme le «  meilleur ambassadeur de son pays ».

« Monsieur le président de la République, je vous félicite d’abord pour votre élection. Ensuite, nous qui sommes à l’extérieur depuis peut-être même avant votre naissance, nous vous demandons d’ouvrir ce pays, nous sommes une richesse sur laquelle vous pouvez vous appuyer. Pas le contraire. Nous avons des expériences et ne vivons pas dans les marigots. Monsieur le président, je vous souhaite bon vent dans l’exercice de vos fonctions. Un jour il me recevra dans son palais et je lui parlerais de vive voix » lance comme appel cette ancienne conseillère municipal de Boulogne-Billancourt à Évariste Ndayishimiye. Sera-t-elle entendue ? L’avenir le dira mais les paroles d’Esther Kamatari résonnent déjà au fond des rugo, ces huttes sous une forme qui n’est pas sans de ruches dont elle est assurément et à jamais la princesse.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 21/09/2020

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