À l’occasion du festival Adayé Késsie, une délégation française, accompagnée du ministre ivoirien d’État, est venue déposer officiellement une gerbe aux pieds du monument aux morts local et a rendu hommage à une monarchie qui n’a pas hésité à rallier le général Charles de Gaulle durant la Seconde Guerre mondiale.
C’est une cérémonie discrète qui a eu lieu le 18 novembre 2022 en Côte d’Ivoire (Afrique de l'Ouest). Une délégation de la coopération française s’est rendue à Bondoukou, la capitale du royaume Abron, afin de remercier cette monarchie traditionnelle pour ses efforts durant la Seconde Guerre mondiale. Ils ont été accueillis dans la « ville aux mille mosquées » par le roi Nanan Kouassi Agyeman. Une délégation française, accompagnée du ministre ivoirien d’État, lui-même natif de ce royaume Akan. C’est au cours du XVe siècle que les Abrons, venus du Ghana, fuyant une guerre civile, se sont installés dans le Nord-Est de la futur Côte d’Ivoire. Objet de toutes les attentions durant la course à la colonisation trois siècles plus tard, ils acceptent le protectorat offert par le capitaine Marcel Treich-Laplène (1860-1890) et rejetent les propositions anglaises. Une alliance qui leur permet de se libérer de la tutelle du peul Samory Touré, résistant aux troupes françaises.
Une monarchie résistante au régime de Vichy
« Le royaume Bron a soutenu hier la France face à Samory Touré et durant les guerres européennes. Je voudrais donc traduire toute la reconnaissance de la France au roi des Bron pour son immense sacrifice » a déclaré Yann Voisin, représentant de la délégation française, dans son discours solennel. En 1940, lorsque la colonie de Côte d’Ivoire décide de rallier le régime de Vichy, le royaume des Abrons fait savoir qu’il refuse de suivre cette soumission à l'ordre hitlérien. Le roi Kouadio Adjoumane, souverain abron depuis 1922, est immédiatement déchu de ses regalia. Il prend le chemin de l’exil et se réfugie au Ghana où il entre en contact avec le général de Gaulle. Il mettra ses partisans au service de la France Libre. Ce n’est qu’en 1942 que la Côte d’Ivoire est libérée et annonce son ralliement au général Giraud installé à Alger. Réinstallé sur son trône, le roi Kouadio Adjoumane sera décoré de la Légion d'honneur en novembre 1949 pour « services rendus à la France » durant le conflit mondial (son fils sera reçu officiellement à l’Élysée une décennie plus tard). Des Abrons que l’on retrouve dans les campagnes d’Afrique du Nord, d’Italie, de France et d’Allemagne.
« Le prince Adingra avait été honoré par la France. Aujourd’hui, c’est au tour de Nanan Kouassi Agyeman d’être honoré et distingué pour le soutien de son royaume à France » a déclaré le ministre d’État qui a souhaité que des liens soient maintenus entre la France et le royaume Abron et qu’une ambassade culturelle soit mise en place entre les deux pays. C’est en 1992, après une longue querelle de succession, que le roi Nanan Kouassi Agyeman a été sacré 24e monarque des Abrons. Il règne sur plusieurs milliers de sujets et préside chaque année le festival Adayé Késsie considéré par beaucoup comme une « manifestation indépendantiste » de cette monarchie aux pouvoirs réduits.
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