« J’invite ceux qui occupent des postes de responsabilité et ceux qui expriment leurs aspirations pour l’avenir du pays à faire un effort commun pour le dialogue, la réconciliation et la résolution pacifique des différentes positions ». Lors de l’Angélus de dimanche dernier, le Pape François a appelé les swazis à l’apaisement et au calme. Depuis plusieurs jours, le royaume de l’Eswatini vit dans l’incertitude du lendemain. Secoué par des manifestations prodémocraties, le roi Mswati III n’est toujours pas apparu à la télévision et le gouvernement continue de dénoncer une « tentative de coup d’état en cours orchestré par une nation étrangère ». Selon divers experts, le risque que la monarchie vacille est désormais présent si le souverain ne se décide pas à abandonner ses regalia absolus.
Internet coupé, déploiement de l’armée, répression, la situation reste toujours tendue dans le royaume d’Eswatini, orphelin d’un souverain que les rumeurs affirment en fuite et qui n’a toujours pas pris la parole afin de ramener le calme. C’est le meurtre d’une étudiante qui a mis le feu aux poudres dans l’une des dernières monarchies absolues d’Afrique. Les manifestants réclament une réforme en profondeur de l’institution royale et une meilleure répartition des richesses, détenues en majorité par la famille royale des Dlamini (elle impose même aux compagnies étrangère de leur reverser 51% de leurs bénéfices). Une dynastie qui règne sur l’ancien Swaziland depuis le XIVème siècle.
« Nous appelons à la restauration d’Internet pour avoir accès aux informations […] les Églises seront ainsi en mesure d’apporter un soutien spirituel en cette période de crise ». Face aux événements qui ont été largement condamnée par la SADC (Communauté de développement d'Afrique australe), le Pape François a mandaté Mgr José Luis Ponce de León, évêque catholique d’Eswatini, pour qu’il mène une médiation afin d’apaiser les différents parties concernées. En vain. Si le premier ministre par intérim, Themba Masuku, a appelé les swazis a « reprendre le chemin du travail et de respecter les règles sanitaires imposées en raison de la pandémie de Covid-19 », il a également dénoncé une « tentative de déstabilisation de la monarchie orchestrée par une puissance étrangère » sans toutefois citer son nom, pointant du doigt la responsabilité du Swaziland Solidarity Network (SSN), du PUDEMO, des communistes et du Swaziland Youth Congress (Swayoco). Mardi, c’est l’ONU qui s’est dite préoccupée par la violence de la répression ordonnée par les partisans de la monarchie (Amnesty International affirme que les émeutes auraient fait 20 morts, des centaines de blessés et des dizaines de disparus) et a réclamé que le gouvernement « veille à ce que des enquêtes rapides, transparentes, efficaces, indépendantes et impartiales soient menées sur toutes les allégations de violations des droits de humains ».
« Il maintient une autocratie dans un monde qui est censé être démocratique. Donc je pense qu'il est désormais isolé » a reconnu Peter Fabricius, expert travaillant pour l’Institut sud-africain d'études de sécurité (ISS). D’après le quotidien Voice of Africa, si le monarque ne décide pas à abandonner ses regalia absolus et rejoindre la table des négociations, les prochaines revendications des manifestants (qui portent jusque-là sur un retour aux principes constitutionnels mis en place lors de l’indépendance et abrogés en 1973 par le roi Sobhuza II) pourraient changer, menaçant directement l’institution royale. Jusqu'ici un allié indéfectible, Pretoria s’est récemment désolidarisée du gouvernement royal et l'Afrique du Sud ne semble plus enclin à vouloir intervenir militairement pour restaurer Mswati III dans ses prérogatives.
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