Pour la première fois de son histoire, la monarchie du roi Mswati III est poursuivie devant les tribunaux. Les accusations portées contre la représentation britannique du souverain swazi mettent en lumière certaines pratiques controversées avec ses employés.
C’est une affaire assez rare pour être évoquée. Elle a été portée devant un tribunal britannique. Le royaume d'Eswatini, dernière monarchie absolue d'Afrique, est poursuivi pour discrimination raciale et licenciement abusif par Adam Gale, un ancien chauffeur de sa représentation diplomatique à Londres.
Adam Gale, embauché en septembre 2022 comme chauffeur par le haut-commissaire d'Eswatini, Thandazile Mbuyisa, et des membres de la famille royale, affirme avoir été victime de discrimination en raison de ses origines juives. Il a été licencié en juin 2023, peu après la visite du roi Mswati III au Royaume-Uni pour le couronnement du roi Charles III. Durant cette période, selon Adam Gale, ce dernier avait été chargé de transporter les membres de la famille royale eswatinienne vers divers événements officiels et d’assurer les trajets des enfants du roi vivant au Royaume-Uni. Le tribunal a effectivement confirmé qu'il avait notamment été en contact avec les services de sécurité britannique affectés au roi Mswati III afin de coordonner les déplacements du monarque. Une affaire qui embarrasse l’institution royale, mais qui est soigneusement éludée dans le royaume.
Origines et formation du royaume
Les Swazis, un peuple bantou appartenant au groupe des Nguni, sont originaires de l’Afrique centrale et orientale. Sous le règne du roi Ngwane III (vers 1745-1780), ils se sont installés dans la région actuelle de l'Eswatini (ancien Swazliand dont le nom a été changé en 2018). Son successeur, Sobhuza I (1815-1836), a consolidé le royaume en unifiant diverses tribus et en repoussant les guerriers zoulous qui lorgnaient sur ses terres. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'Eswatini a fait face aux fortes pressions des Boers et des Britanniques. Après la guerre anglo-boer (1899-1902), l'Empire britannique a finalement pris le contrôle du territoire en 1903 et l'a administré en tant que protectorat du Swaziland, séparé de l'Afrique du Sud.
Le roi Sobhuza II, qui a régné pendant plus de 80 ans (1921-1982), a joué un rôle central dans l’obtention de l’indépendance du Swaziland en 1968. En 1973, il a cependant aboli la Constitution, interdit les partis politiques et instauré un régime monarchique absolu, affirmant que la démocratie occidentale n'était pas compatible avec les traditions swazies et africaines.
Une monarchie controversée
L'Eswatini, dirigé par le roi Mswati III depuis 1986, est l'une des dernières monarchies absolues au monde. Le roi exerce une autorité suprême sur les branches exécutive, législative et judiciaire du gouvernement. Si le royaume organise bien des élections législatives trous les cinq ans, les candidats se présentes sous une étiquette indépendante. Le Parlement, composé de la Chambre d'assemblée et du Sénat, a un rôle principalement consultatif, le roi nommant une partie des membres, le Premier ministre et conserve un pouvoir de veto sur les décisions législatives.
Depuis mai 2021, l'Eswatini est régulièrement le théâtre de manifestations pro-démocratie, souvent réprimées violemment par les forces de sécurité. En janvier 2023, l'assassinat de Thulani Maseko, avocat des droits humains et militant de l'opposition, a suscité une indignation nationale et internationale sans que cela n’émeuve le monarque critiqué pour son train de vie fastueux alors qu’une grande partie de la population du pays vit sous le seuil de pauvreté. En septembre 2024, Mlungisi Makhanya, leader du principal parti d'opposition, a été hospitalisé en Afrique du Sud après un empoisonnement présumé, que son parti considère comme une tentative d'assassinat organisée par des partisans du roi.
Le tribunal rejette l'immunité d'État
L’audience devant le tribunal britannique a mis en lumière les conditions de travail d’Adam Gale. Son contrat avait été prolongé en mars 2023 mais uniquement en raison de son « impatience manifeste durant ses activités professionnelles » et de la nécessité de le former aux règles protocolaires, selon le haut-commissaire Mbuyisa très critique à l'égard du chauffeur royal. Il a fait valoir qu’en tant que chauffeur transportant des personnalités d’État, Adam Gale bénéficiait d’une immunité d’État. Cependant, le tribunal a rejeté cet argument, estimant que son poste ne relevait pas d’une fonction de protection des intérêts souverains et que la plainte était valable de facto.
Si la plainte d’Adam Gale sera examinée dans le cadre d’une audience complète à une date ultérieure, ce procès met en lumière non seulement les relations complexes entre la monarchie d’Eswatini et ses employés à l’étranger, mais aussi en les critiques récurrentes visant la gouvernance du roi Mswati III.
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