« Si la dynastie salomonienne est restaurée, la monarchie sera probablement un atout, et non un désavantage, pour le peuple éthiopien ». L’ancien empire éthiopien est au bord de la guerre civile dans la province du Tigré. Lauréat du prix Nobel de la paix, le premier ministre Abiy Ahmed Ali est confronté depuis des mois à une contestation ethnique qui menace la stabilité de la corne de l’Afrique de l’Est. Face à la montée des tensions, le prince Ermias Sahle Sélassié a publié un communiqué sur le site officiel du Conseil de la couronne d’Ethiopie dont il est le président. Il a appelé ses compatriotes à faire preuve d’unité et à raviver l’esprit de cohésion qui a prévalu dans le pays lors de la bataille historique d’Adoua.
C’est le prince le plus actif de la maison impériale d’Ethiopie, les Salomonides. Ermias Sahle Sélassié est le président du Conseil de la Couronne depuis presque trois décennies. Le petit-fils du dernier Négus, Hailé Sélassié Ier renversé en 1974 et assassiné un an plus tard, ne ménage pas ses efforts pour aider la diaspora éthiopienne et tenter de convaincre ses compatriotes de la nécessité de soutenir la restauration de la monarchie, seule alternative capable d’assurer l’unité d’un pays morcelé ethniquement et que les empereurs successifs ont unifié, tour à tour, à coup de conquêtes militaires et de mariages. Depuis des mois, l’Ethiopie est confronté à une montée des tensions ethniques et séparatistes. Premier ministre depuis 2019, salué par ses pairs internationaux pour son travail de maintien de la paix, Abiy Ahmed Ali est accusé par le Front de libération des peuples du Tigré (FLPT) de privilégier son ethnie, les oromos, au détriment des tigréens qui ont renversé la dictature marxiste en 1991. De son côté, Abiy Ahmed Ali accuse le FLPT de corruption et de violation des droits de l’homme. L’armée a été envoyée dans la province rebelle, l’état d’urgence proclamé. Face à cette situation qui menace de plonger son pays de nouveau dans la guerre civile, le prince Ermias Sahle Sélassié a décidé de réagir en publiant un communiqué appelant à l’unité.
« Au nom du Conseil de la Couronne d'Éthiopie, je présente mes plus sincères et sincères condoléances à toutes les familles qui, en raison des violences qui ont éclatées ces derniers jours dans notre patrie, ont dû enterrer leurs proches. Nous sommes horrifiés de voir autant tant de vies innocentes enlevées et de voir notre pays bien-aimé plonger dans la guerre civile » a déclaré le prince impérial qui entend rappeler à tous que l’Ethiopie est un pays multi-ethnique et multi confessionnel. « (…) Amharas, Oromos, Tigréens, Afar, quel que soit le groupe ethnique, ils composent la magnificence culturelle de l’Éthiopie. S'identifier comme chrétien orthodoxe, catholique, pentecôtiste, musulman ou animiste est ce qui fait toute la majesté historique de l'Éthiopie. Beaucoup semblent avoir oublié notre histoire. L'Éthiopie a été un pays qui a protégé les adeptes de l'Islam avec fierté et dignité « explique Ermias Sahle Sélassié. « Il est important de se rappeler que l'Éthiopie s'est également formée sur l'harmonie communautaire de nos différentes nations et celles-ci se sont efforcés de protéger ensemble l'intégrité de leur territoire » renchérit le prince impérial qui a connu les grandes heures de l’Empire.
« Nous qualifions souvent la grande bataille d'Adoua [située dans le Tigré-ndlr], de victoire africaine. Adoua est un rappel de notre pouvoir de solidarité et d' unité. Souvenons de ce qu’a fait le négus Menelik II qui a su amener autour de lui des guerriers tels que le Ras Alula, le Ras Darge Sahle Selassie, le Ras Tekle Haymanot, le Ras Mikael, Fitawrari Habte Giorgis Dinagde, le Ras Yohannas Mengesha ou encore le Dejeazmach Balcha Aba Nefso à ses côtés afin de remporter cette guerre [contre les italiens en1896-ndlr]. Tous ces leaders issus de tous les nombreux grands peuples d'Éthiopie avaient compris l'importance d’être unis. Ils ne se sont pas arrêtés sur leurs ethnies ou croyances religieuses distinctes, ils ont compris l’importance de coaliser afin de préserver notre liberté collective, l’unité et la dignité de notre diversité territoriale » achève de rappeler le prince qui en appelle à la responsabilité de chacun dans ce nouveau conflit qui vient d’éclater en Afrique de l’Est.
En 2019, Gizachew Tiruneh, a publié une longue tribune appelant les éthiopiens à réclamer le retour de la monarchie. « Si la dynastie salomonienne est restaurée, la monarchie sera probablement un atout, et non un désavantage, pour le peuple éthiopien. Plus précisément, leurs descendants pourraient servir de symboles unificateurs et de figures paternelles pour les divers peuples du pays. En tant que personnages culturels et historiques à admirer, ces monarques pourraient également aider à revitaliser les valeurs traditionnelles éthiopiennes de plus en plus déclinantes, telles que la confiance, la décence et le respect. De plus, la monarchie pourrait donner une légitimité au système politique du pays. Cela est particulièrement vrai si le système politique éthiopien est rendu plus démocratique » a déclaré ce professeur d’une université d’Arkansas et auteur d’importants travaux historiques. Emprisonnés, exécutés ou exilés par le régime marxiste du Derg, les membres de la maison impériale d’Ethiopie sont revenus progressivement dans leur pays à la chute du président Hailé Mengistu Mariam. Il existe diverses associations et mouvements monarchistes (jusqu’ici volontairement tenus à l’écart du pouvoir) qui honorent la mémoire du dernier négus, réhabilité par l’actuel gouvernement. Ce dernier a récemment inauguré une statue à son effigie devant les locaux de l’Union africaine, à Addis Abeba, et le premier minsitre a nommé à ses côtés deux princes salomonides. Christianisme-orthodoxe et islam se partagent l’Ethiopie qui n’a connu qu’un seul souverain salomonide musulman, Lidj Yassou V, entre 1913 et 1916. Il a été renversé par un certain Ras Makonnen, plus connu sous le nom d’Hailé Sélassié. Selon une légende bien établie, l'Arche d'alliance serait gardée par des prêtres d'Aksoum qui la sortent, une fois par an et voilée, lors de la fête de Timkat. Les Salominides sont une des plus anciennes dynasties existantes et dont l'origine remonte aux fruits des amours bibliques entre la reine de Saba et le roi Salomon.
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