«La destruction de ces statues ne cherche que la disparition de notre diversité et démontre une haine aveugle (…) et révisionniste». Depuis plusieurs jours, l’Ethiopie est confronté à de violentes manifestations déclenchées après l’assassinat du chanteur Hachalu Hundessa. Très populaire dans l’Oromoland, la province dont il était originaire, les manifestants se sont attaqués aux symboles de la monarchie défunte et ont déboulonné les statues du père d’Hailé Sélassié, le Ras Makonnen. Le Conseil de la Couronne d’Ethiopie a réagi, tapé du poing sur la table et publié un communiqué dénonçant l’idéologie séparatiste et le révisionniste qui prévaut dans le pays du Lion de Judah.
«À une époque où le monde entier est confronté à des troubles provoqués par de profonds dysfonctionnements sociaux en plus de la crise sanitaire mondiale qui a ébranlé les économies et les efforts de développement nécessaires au bien-être des nations, nous devons maintenant pleurer la mort d'un autre homme courageux». Président du Conseil de la Couronne d’Ethiopie, le prince Ermias Sélassié a présenté ses condoléances à la famille du chanteur Hachalu Hundessa, assassiné par balles le 29 juin. Un chanteur populaire et une des voix les plus écoutées chez les Oromos, cette ethnie majoritaire d’Ethiopie qui estime être victime d’une discrimination raciale et sociale de la part d’Addis Abeba.
«Le révisionnisme est une approche dangereuse. Nos jeunes n'ont pas bénéficié jusqu’ici d'une éducation historique suffisante qui aurait non seulement démontré la façon dont l'Éthiopie a résisté aux tentatives étrangères de nous conquérir mais aussi comment elle a pu montrer sa force en tant que pays unifié et légitime pour diriger l'Afrique et de rester un exemple pour le monde. La grandeur de l’Éthiopie n’a jamais été fondée sur l’appartenance ethnique». Dans la foulée de ce meurtre, de violentes manifestations ont éclaté dans le pays et le gouvernement a dû couper internet et tirer dans la foule afin de la disperser. Des émeutiers qui s’en sont pris une nouvelle fois aux symboles de l’empire Salomonide. Au lendemain de l’assassinat d’ Hachalu Hundessa, la statue équestre du Ras Makonnen Welde Mikaél a été mise à terre dans la cité de Harrar. Symbole du pouvoir Amhara, le père de l’empereur Hailé Sélassié est avec le négus Ménélik II, l’un des descendants de la reine de Saba et du roi Salomon, qui a contribué à unifier l’Ethiopie, parfois dans la violence. Au cours du XIXème siècle, le Ras met définitivement fin aux raids des Oromos contre les autres populations de l’empire en formation. «La destruction de ces statues ne cherche que la disparition de notre diversité et démontre une haine aveugle. Dans leur poursuite de la mise en place d'un programme politique et ethnocentrique ,source de divisions, nos agresseurs travaillent sans relâche afin d'étouffer nos forces entremêlées et briser nos fondations séculairs» dénonce le prince Ermias Sélassié qui renouvelle son soutien au premier ministre Abiy Ahmed Ali, prix nobel de la Paix.
Né d’une mère amhara chrétienne orthodoxe et d’un père oromo musulman, le premier ministre est lui-même un...protestant. Depuis son arrivée au pouvoir, le 2 avril 2018, il s’est singulièrement rapproché des membres de la maison impériale et deux de ses membres ont été nommés au sein d’officines gouvernementales (le prince Be’edemariam Makonnen et le prince Ras Mengesha Seyou à la tête Commission réconciliation et vérité, chargée d’enquêter sur les crimes des communistes). Une réhabilitation de l’empereur Hailé Sélassié, étouffé en 1975 sur l’ordre du Derg marxiste qui a mis fin à un millénaire de monarchie éthiopienne, bien accueillie par les Ethiopiens et dont la statue trône désormais devant les nouveaux locaux de l’Union africaine depuis février 2019. Petit-fils du «Masque d’or», le prince Ermias Sélassié est la voix des éthiopiens de la diaspora, vu par certains monarchistes comme un possible prétendant au trône. Il a déjà appelé à diverses reprises les éthiopiens à l’unité comme en avril dernier alors que le pays était confronté à la crise du Covid-19.
«Les Éthiopiens de l'intérieur et de la diaspora ont assisté à une éruption de racisme et de haine idéologique contre notre propre héritage avec la destruction délibérée des statues de deux personnages historiques qui ont donné espoir, prospérité et unité à tous les Éthiopiens. Avons-nous oublié que des pionniers oromo tels que Taddasaa Biru, Jaagamaa Keello, Waqejira Serda, Dawit Abdi et le major Qadida Guremeysa se sont tous tenus du côté de l'empereur et sont restés politiquement impliqués avec lui tout au long de leurs vies ?» rappelle le prince impérial qui s’est aussi ému de la destruction à Londres d’un buste de l’empereur Hailé Sélassié. «Les radicaux qui ont utilisé l’excuse du sécessionnisme et de l’idéologie extrémiste pour attaquer les symboles de l’unité éthiopienne. Cela n’honore pas la mémoire d’Hundessa qu’ils ont souillé en propageant leur propre haine. Pour défendre la souveraineté de l'Éthiopie, nous devons nous souvenir de Ras Abebe Aregai, du ministre de la Défense Fitawory HabteGiorgis, du général Mulugeta Buli et de tous les innombrables soldats Oromos qui ont participé à la bataille d’Adoua [victoire des éthiopiens face aux italiens en 1896-ndlr] et la bataille de Mai Ceu [anéantissement de l’armée impériale en 1936 lors d’un affrontement avec les italiens qui utiliseront massivement des gaz moutardes-ndlr]» renchérit Ermias Sélassié.
«Soyons fier et préservons l'intégrité de notre unité. Ces sécessionnistes éthno-centristes, soutenus et financés pendant de nombreuses années par des gouvernements étrangers, sont devenus l'ennemi du progrès des Oromos et ne représentent certainement pas les aspirations et la grandeur d'Oromo» martèle le prince Ermias Sélassié. «L'Empereur et Ras Makonnen (…) ont placé les oromos au cœur de la société éthiopienne, et j'en suis la preuve vivante, tout comme le premier ministre et tant d'autres. Détruire leur héritage et leurs aspirations pour l'Éthiopie n'effacera pas la grandeur de notre histoire» poursuit le prince, irrité par ces manifestations.
«Nous ne devons pas regarder notre histoire avec nos yeux du XXIème siècle (…), nous devons continuer à valoriser nos traditions, notre histoire, notre culture (…) et nous devons marcher ensemble sur la route de l'espoir, la prospérité et la dignité» surenchérit le prince qui appelle ses compatriotes au calme, à la retenue et à faire preuve de pardon. «Nous sommes un peuple fier (…). Le décès de M. Hachalu Hundessa doit être traité de manière transparente par la voie judiciaire, et les meurtriers traduits en justice dans le cadre d'un procès public» a demandé le prince Ermias Sélassié au gouvernement qui a fait le bilan de ces heurts communautaristes. 156 tués depuis le début des manifestations et un millier d’arrestations dont de nombreux leaders de l’opposition. «Il est temps pour nous de concilier nos différences. C'est le moment, dans notre histoire, pour chacun d’entre nous de devenir la voix de la raison, de travailler à réaliser ensemble afin de réaliser les espoirs de nos ancêtres, de développer l'Éthiopie et de relever les défis de la jeunesse» a réaffirmé le prince impérial dans son communiqué et en guise de conclusion.
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