Un complot a-t-il été organisé en Libye pour restaurer la monarchie ? La question agite la presse libyenne depuis septembre. Selon « LaPresse.it », site d’informations italiennes en ligne, un lobby international se serait activé pour remettre sur son trône légitime, le prince Mohammed El Senoussi. Depuis la chute du général Mu’Ammar Kadhafi en 2011, la Libye est plongée dans le chaos, otage de milices en tout genre qui tentent de s’emparer des principales villes afin de s’affirmer face deux gouvernements rivaux qui revendiquent la légitimité du pouvoir. Plusieurs voix se sont élevées afin de réclamer le retour de la monarchie dans cette partie de l’Afrique du Nord.
«Libia, fonti: lobby internazionale in azione per restaurare monarchia». Ce 13 septembre, le « Presse.it » révélait en exclusivité que des contacts secrets auraient été établis avec certains pays étrangers afin de restaurer la monarchie à Tripoli. Le journaliste, qui ne cite pas son nom, va même jusqu’à écrire que des négociations seraient en cours avec l’héritier au trône, le prince Mohammed El Senoussi, actuellement résident à Londres. A la manœuvre de ce complot, le royaume chérifien du Maroc. Les comploteurs ? Un certain lobbyiste marocain du nom de Moulay Mustapha El Alaoui, vivant aux Emirats arabes unis, spécialisé dans la communication stratégique et Aboubakr Jamaï, un journaliste nationaliste, critique du roi Mohammed VI et actuel professeur à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence. Des soutiens ? Le premier ministre Fayez el-Sarraj, en poste depuis mars 2016 et fils d’un ancien ministre du roi Idriss Ier. Mais aussi des ambassadeurs, anciens ministres et hommes d'affaires libyens résidant à Abou Dhabi, à Dubaï, en Allemagne et en Autriche.
L’affaire pourrait ressembler à un nouvel épisode d’OSS 117 à Tripoli, la capitale de la Libye, si elle n’avait été pas prise au sérieux par la presse nord-africaine. Dans tout le Maghreb, les différents médias évoquent ce complot monté par les différents protagonistes cités et censé mettre fin à l’anarchie qui règne dans l’ancienne Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Sous les airs de la chanson « Bambino », popularisée par le chanteur judéo-algérois Lili Boniche, au détour d’un thé vert, on tente de découvrir le vrai du faux. Les révélations s’étalent comme les corps de ces libyens qui jonchent le sol, victimes innocentes d’un conflit qui dure depuis 7 ans et d’où a émergé la figure du maréchal Khalifa Belqasim Haftar, 75 ans, ancien putschiste du 1er septembre 1969. Date à la laquelle la monarchie de la dynastie Senoussi a été renversée, dans la plus grande tradition janissaire, alors que le vieux roi Idriss était en cure thermale, en Turquie. Et justement de monarchie, il en question depuis la chute du guide de la révolution.Dès les premiers jours de la révolution, le prince héritier Mohammed El Senoussi, petit-neveu du roi Idriss, est invité à s’exprimer au parlement européen et s’affirme comme une alternative possible. Les islamos-monarchistes hissent le drapeau royal à Benghazi, le berceau de la confrérie du berbère zaiyanide Mohammed bin Ali Al-Sanoussi (1787-1839), descendant du prophète Mahomet par Fatima et Hassan. Le prince Ahmed Al Zoubaïr Senoussi devient alors le gouverneur de cette Cyrénaïque qui menace à diverses reprises de faire sécession et proclamer son indépendance face au Fezzan et la Tripolitaine, les deux autres provinces de la Libye.
Ce sursaut monarchiste, dont les milices ont été armées aussi bien par la France que les Etats-Unis, ira même jusqu’à inquiéter des groupuscules d’extrême-gauche qui accuseront certains militants royalistes français reconnus, d’activités de mercenariat. Informations reprises alors dans la presse africaine sahélienne (2012) mais qui n’ont jamais pu être démontrées jusqu’ici. La restauration de la monarchie ? « L’idée fait son chemin et est étudiée dans les milieux politiques du pays » clame alors en mars 2014, le ministre des affaires étrangères Mohamed Abdelaziz, lors du 25e sommet de la Ligue des États arabes. Et qui surenchérir en déclarant : «Le retour de la monarchie représente une solution à même de rétablir la sécurité et la stabilité en Libye. C'est l'une des alternatives présentées actuellement avec beaucoup de conviction sur la scène libyenne ».
Il n’est donc pas étonnant que la révélation de ce complot aliment tous les salons des membres du parlement Libyen, y compris ceux de leurs rivaux installée à Tobrouk. Entre les taxis et les tanks qui circulent pour acheminer les troupes fédérales vers le front, qui ne savent pas vraiment d’un jour à l’autre qui sera leur ennemi du jour, kadhafistes, islamistes ou miliciens de tels ou tels seigneurs de la guerre, on se demande vraiment si cela est très sérieux. La Libye et ses milliers de kilomètres de déserts ont été le théâtre de batailles retentissantes entre ses renards habillés d’un uniforme nazi, ces « fous de guerre » italiens et les Alliés. Une partie de l’Afrique du Nord était alors italienne, rêve de grandeur d’un Duce Mussolini, pâle augustin de la commedia dell'arte et qui fantasmait son empire romain dont le roi Victor-Emmanuel III aurait été le nouveau César. Le prince Mohammed El Senoussi rêve-t-il d’être couronné aussi triomphalement dans la capitale du dernier souverain, imposé par le bon vouloir des français et des anglais au lendemain de la seconde guerre mondiale ? La Presse.it croit le savoir et n’hésite pas à l’inscrire dans le marbre virtuel du web : « il rêve d'être accueilli en triomphe en tant que sauveur de la Libye et des Libyens, à l’intention de mettre en place une monarchie, dotée d'une nouvelle constitution accordant de larges pouvoirs étendus au premier ministre ». Le journaliste en est persuadé. Et de continuer, l’Europe et les Etats-Unis auraient été sondés afin de savoir si le retour de la monarchie serait favorablement soutenu. Sans que l’on sache vraiment la réponse de ces pays.
Peut-on parler de soutiens appuyés des Libyens à la monarchie. Il est vrai que par défiance, les portraits du prince comme de l’ancien roi sont souvent brandis. Le mouvement pour le Retour de la Légitimité Constitutionnelle a été mis sur pied, il y a un peu plus de 3 ans. Son congrès en avril 2018 a drainé plus de 300 à 600 délégués de tout le pays. Curieusement, seule la presse libyenne s’est faite l’écho conjointement avec Xinhua, l’équivalent de l’AFP pour la Chine, de l’avènement. Et de la République populaire dont le livre est aussi rouge que celui de Mu’ammar Kadhafi fut vert, il est en aussi question. LaPresse.it affirme que le prince héritier s’y est rendu afin de rencontrer de mystérieux émissaires tout en refusant l’aide apportée par la Russie qu’il rend responsable d’alimenter la guerre. Devant quelques députés, pour Ashraf Boduara, coordinateur de cette conférence, a était affirmé qu’il désormais temps de « ramener la monarchie dans le pays afin que celui-ci retrouve sa stabilité ». Toutes les pièces du complot ont-ils été mis en place lors de ce rassemblement monarchiste ? Le scénario semble sorti tout droit d’un SAS de Gérard de Villiers aux senteurs orientales. L’érotisme en moins, les djinn’s en plus.
Et voici, qu’un 3ème homme fait son apparition dans ce nébuleux complot qui n’est pas sans rappeler un autre qui a fait également récemment les titres de la presse anglophone, opposant l’Arabie Saoudite à ses rivaux du Golfe. Issandr El Amrani, directeur du secteur Afrique du Nord à l'International Crisis Group, ami personnel du frère du roi du Maroc, aurait été un membre clef du fameux complot qui ne dit pas son nom. L’affaire n’aurait pas été prise au sérieuse si l’intéressé lui-même, le prince Mohammed El Senoussi n’était pas monté au créneau. Le 15 septembre dernier, il a démenti sur son site officiel, qu’il avait engagé des mercenaires, vague allégation avancée par la presse internationale, rappelant « que le retour de la monarchie dépendait aujourd’hui et uniquement du peuple libyen et des partis politiques ». « La monarchie ne peut être restaurée que par le souhait des Libyens eux-mêmes et ne peut être imposée par des forces étrangères », ajoutant toutefois qu’une fois sur le trône « il s’engageait à avoir de très bonnes relations avec ses voisins.
ns aussi longtemps que ceux-ci respectent l’intégrité et les richesses de son pays ». De quoi poser des questions sur sa réelle implication dans cette affaire. D’autant que lors du dernier congrès monarchiste, le prince héritier avait alors affirmé « qu’il était désormais prêt à assumer ses responsabilités si les libyens le souhaitaient ». D’ailleurs, n’a-t-il pas été invité récemment à participer, il y une semaine de cela, à une conférence du lobby pro-américain «National Council on U.S.-Libya Relations » comme le titrait le journal « Africa Intelligence » ? De quoi renforcer encore plus les suspicions sur les ramifications dont aurait bénéficié, « à l’insu de son plein gré», le prince héritier de la couronne Libyenne.
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*https://vdhvoieroyale.wordpress.com/2018/04/23/la-libye-et-la-solution-monarchique/
Publié le 19/11/2018