Réclamée par divers mouvements politiques et faisant face à l'impossibilité de pouvoir organiser des élections démocratiques, le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah a annoncé qu'il soutiendrait le retour de la monarchie. Il a appelé le prince Mohammed El-senoussi à remonter sur son trône. Derrière le projet, une possible manoeuvre politique.
C’est dans une contexte politique tendu que le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah a fait une annonce qui n’a pas manqué de surprendre les Libyens. Lors d’une conférence de presse, il a déclaré qu’il soutiendrait le retour de la monarchie abolie lors d’un coup d’état orchestré par le colonel Mu’Ammar Kadhafi, en septembre 1969. Il a invité le prince héritier Mohammed El-Senoussisà revenir en Libye et participer au dailogue national mis en place. Une proposition qui marque un tournant potentiel dans l'histoire tumultueuse de cette nation. Bien que porteuse d'une perspective de réconciliation et d'unité dans un pays ravagé par la guerre civile depuis 2011, elle soulève toutefois des interrogations quant à ses motivations et à son impact sur la stabilité régionale.
Le rêve du prince héritier : Un retour à la monarchie pour unifier la Libye
Le prince Mohamed El-Senoussi, qui réside à Londres depuis 1988, date à laquelle il a été autorisé à quitter la Libye, défend ardemment le retour de la monarchie fédérale telle que cette ancienne colonie italienne l’a connu à son indépendance et au rétablissement de la Constitution de 1951. Sa conviction repose sur l'idée que seule l’institution royale peut apaiser et unifier un pays déchiré par des années de conflits et de désordres politiques. Pour lui, la nécessité d'un dialogue national préalable à toute perspective de son retour se justifie par la persistance des tensions internes et des rivalités politiques qui ont jeté le pays dans une anarachie interminable. Attendu le 9 février prochain à Tripoli, la capitale, ce n’est pas la première fois que son nom est avancé en Libye comme solution de paix. « Le retour de la monarchie représente une solution à même de rétablir la sécurité et la stabilité en Libye. C'est l'une des alternatives présentées actuellement avec beaucoup de conviction sur la scène libyenne » avait déjà déclaré l’ancien ministre des Affaires étrangères de Libye, Mohamed Abdelaziz, en 2014.
Une manœuvre politique sous-jacente ?
Depuis des semaines, le prince Mohammed-El Senoussi avait fait état sur ses réseaux sociaux de plusieurs rencontres importantes avec des leaders régionaux et chefs de tribus. « La situation libyenne ne permet pas l'organisation d'une élection tant que les tensions, ainsi que la lutte pour l'argent et le pouvoir persistent » a déclaré le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah afin de justifier sa proposition. Il soutient inébranlablement que le retour à la monarchie est la seule voie viable. Cependant, certains observateurs se posent des questions sur les véritables motivations derrière cette initiative. Des experts avancent l'idée que le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, nommé à ce poste en 2021 par le Forum de dialogue politique libyen, pourrait chercher à consolider sa position politique en bloquant les ambitions présidentielles de figures majeures telles que le Maréchal KhalifaHaftar (considéré comme le vrai maître du pays et qui s'oppose au retour de la maison royale) et Seif al-Islam Kadhafi. (fils de l'ancien dirigeant déclaré inéligible).
Une alternative soutenue par le Qatar ?
En février 2022, le Forum Moyen-Orient et Afrique du Nord (MECAF) avait publié un document intitulé « Plan B pour une Libye démocratique ? » qui se voulait nouvelle feuille de route pour la Libye. Il proposait la restauration de la monarchie et de la constitution de 1951 comme seule voie vers une Libye stable et unie. Dans son rapport, le MECAF avait constaté que toutes les propositions de paix, déjà présentées, avaient toutes échouées et que l'idée monarchique était enfin « acceptable pour la majorité des Libyens ». Selon ce think-tank basé à Cambridge, les Libyens seraient même majoritairement favorables à ce retour de la royauté. Un projet, d'après le Libya Akhbar, qui serait soutenu en sous-main par le Qatar, le Royaume-uni, la Jordanie et les Frères musulmans, laissant supposer que cette restauration monarchique ne serait pas non plus sans conséquences dans cette partie de l’Afrique du Nord. Il n'est pas certain que l'Egypte voisine accepte de voir à sa porte, un pouvoir sous l'influence d'une organisation qu'elle a chassé du pouvoir par un putsch en 2013.
La complexité du contexte libyen et les intérêts géopolitiques et stratégiques actuellement en jeu laissent cependant l'avenir incertain. Les motivations sous-jacentes de cette initiative restent au cœur des débats, et la communauté internationale, qui s’est révélée incapable jusqu’ici d’imposer un plan, va certainement regarder avec attention l'évolution de ce nouveau développement politique inattendu. Rien n'indique encore à ce stade qu'un retour de la monarchie serait acceptée par tous les partis en présence.
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