Froid diplomatique entre la monarchie alaouite et la République française
Froid diplomatique entre la monarchie alaouite et la République française
Le Maroc n’en finit pas de compter ses morts depuis le tremblement de terre qui a frappé cette partie de l’Afrique du Nord. La France a immédiatement proposé une aide logistique et humanitaire pour laquelle Rabat n’a toujours pas donné suite. Le résultat d’un froid diplomatique entre le roi Mohammed VI et le président Emmanuel Macron. Explications.
C’est une véritable tragédie qui frappe le Maroc. Dans la nuit de vendredi 8 au samedi 9 septembre 2023, un tremblement a frappé cette partie de l’Afrique du Nord, laissant derrière lui des villages dévastés, des milliers de morts dont la liste ne cesse de s’allonger. Parmi lesquels, la France recense d’ores et déjà quatre de ses ressortissants. Fidèle à sa réputation humaniste, la France a immédiatement proposé son aide à son ancien protectorat. En vain. Rabat n’a pas daigné répondre au Président Emmanuel Macron, lui préférant quatre autres monarchies : L’Espagne, le Royaume-Uni, le Qatar et les Emirats arabes unis (EAU). Un nouveau camouflet pour Emmanuel Macon dont les relations avec le roi Mohammed VI n’ont cessé de se détériorer depuis son premier quinquennat.
Dex relations diplomatiques entre miel et fiel
Depuis que le Maroc a obtenu son indépendance (1956), les relations diplomatiques entre Paris et Rabat ont été très longtemps mielleuses avant de se détériorer peu à peu. C’est sous la présidence de François Mitterrand que les premiers accrocs sont apparus avec la parution d‘un livre controversé sur le roi Hassan II. La monarchie chérifienne est alors persuadée que le gouvernement socialiste souhaite sa déstabilisation. L’arrivée de Jacques Chirac au pouvoir (1995) permet aux relations diplomatiques de se réchauffer entre les deux pays . Le président de la République est un ami personnel du roi Hassan II et de son fils, le futur Mohammed VI, sur lesquels il ne tarit pas d’éloges. Le Maroc retrouve alors son statut spécial d’enfant chéri de la Françafrique avant de se compliquer à nouveau sous la présidence de Nicolas Sarkozy et progressivement se cristalliser à en devenir exécrables sous celle d'Emmanuel Macron.
La France accumule les maladresse politique et met en colère Rabat
Le mensuel Jeune Afrique révèle dans une ses éditions que la France a été fortement vexée lorsque le Maroc a préféré le F16 américain au Rafale français dont les performances sont pourtant internationalement connues. En 2014, la France de François Hollande frise l’incident diplomatique lorsque des policiers armés se présente à l’ambassade du Maroc, à Paris, afin de remettre une convocation à Abdellatif El Hammouchi, puissant directeur de la DGST (sécurité intérieure), à la suite d’une plainte déposée contre lui par trois ressortissants franco-marocains. Au palais royal, le tollé est comble et Mohammed VI ne va pas décolérer. L’affaire est médiatisée, heurte le nationalisme accru des Marocains. Mais c’est encore sous Emmanuel Macron que l’animosité entre les deux gouvernements éclate au grand jour. Tout avait pourtant bien commencé entre les deux chefs d'État. Le président de la République trouvant d’ailleurs dans le roi, arbitre à la hauteur de la situation pour gérer les conflits en Afrique du Nord.
Ruptture consommée entre Mohammed VI et Emmanuel Macron
Obnubilé par l’Algérie et obsédé par l’idée d’être celui qui aura réconcilié la France avec ses anciens départements d’Afrique du Nord, Emmanuel Macron comment l’erreur d’entrer sur la chasse gardée du roi Mohammed VI et de donner raison à Alger dans le conflit qui l’oppose à Rabat dans le dossier du Sahara Occidental, ancienne colonie espagnole. En effet, depuis des siècles, le Maroc considère ce bout de désert comme partie intégrante de son royaume, ce que lui conteste les indépendantistes sahraouis du Front Polisario soutenus par le gouvernement algérien. Un choix qui va se révéler inefficace pour Emmanuel Macron qui perd de facto les faveurs du monarque et qui n’obtiendra finalement pas plus d’Alger qui ne se prive toujours pas de rappeler à Paris les « atrocités commises par son armée durant la guerre d’Algérie » (1954-1962). Mohammed VI a la rancune tenace (les quatre pays sollicités pour aider le Maroc dans cette tragédie reconnaissent tous le Sahara occidental comme étant marocain) d’autant que d’autres affaires vont venir plomber la relation franco-marocaine. Lorsque le gouvernement a décidé de la réduction du nombre de visas accordés aux pays du Maghreb, la monarchie a ressenti ce changement comme « une blessure ». L’affaire Pegasus, du nom de ce logiciel soupçonné d’avoir espionné plusieurs personnalités civiles et politiques françaises (entre autres), au profit de nations étrangères, n’a rien arrangé à la situation. D’autant que la cour d’Appel de Paris a rejeté toutes les plaintes en diffamation du Maroc, accusé d'avoir fait espionner Emmanuel Macron, les jugeant « irrecevables ».
Des relations qui « ne sont ni amicales ni bonnes »
Des relations qui « ne sont ni amicales ni bonnes, pas plus entre les deux gouvernements qu’entre le Palais royal et l’Élysée » explique une source proche du gouvernement marocain, citée par Jeune Afrique. Mohammed VI a peu goûté de voir son royaume vilipendé par la presse française. Durant la crise Covid, lorsqu’Emmanuel Macron annonce avoir contracté le virus, le roi ne daigne pas lui envoyer un message de bon rétablissement comme le protocole l'exige, ignorant le « patron » de Renaissance de son royal mépris. Un président qui a accumulé les maladresses. Lorsqu’il déclare en mars 2023 que « le Maghreb est une réalité géopolitique aujourd’hui, c’est sans doute en France qu’elle se précipite, beaucoup plus que dans la région », Rabat voit une nouvelle fois rouge. La rupture est consommée définitivement entre les deux chefs d’État qui se parle que du bout des doigts. Dernière victime en date de cette animosité, le MEDEF. Jusqu’ici épargnés, les patrons français ont appris que la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) reportait « sine die » la visite de leur délégation prévue fin juin dernier.
En France pour des raisons médicales au 1er septembre, le roi Mohammed VI n’a pas souhaité prévoir une rencontre avec Emmanuel Macron. Rentré précipitamment dans son pays après le tremblement de terre, la monarchie n’a finalement pas jugé indispensable de s’attarder sur les nombreuses propositions d'aide de la France, bloquant même certaines ONG françaises. Une décision qui a fortement contrarié la France qui se considère toujours comme un partenaire indispensable à Rabat. Pas sur que le monarque ait désormais cette même description des liens qui rattache l'Hexagone au Maroc. Jusqu'à la prochaine fois.