Le Nigeria est formé par plus de 250 ethnies différentes et autant de monarchies traditionnelles dont les regalia ont été réduites tout au long de la colonisation britannique. Depuis l’indépendance, ils sont redevenus un contre-pouvoir aux nombreux gouvernements qui se succèdent, régimes civils ou militaires. Le 4 octobre 2022, le tonitruant souverain absolutiste d’Iwo, l’Oba Abdulrosheed Akanbi, a publiquement réclamé le retour de la monarchie comme unique forme d’institution pour le Nigeria. Dénonçant une gabegie de 62 ans d’indépendance, il a déclaré que « c’est la seule manière africaine de gouverner ».
Tout au long du XVIIIe siècle, les différents royaumes du Nigeria ont été des pourvoyeurs importants d’esclaves qu’ils échangeaient aux Européens contre du coton ou des produits manufacturés. Véritables entités monarchiques puissantes, craintes de leurs voisins, la colonisation Britannique a fini par réduire considérablement les pouvoirs de ces Obas (rois) dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest. Des frontières dessinées où on a pris soin de rassembler autant d’ethnies que de souverains que tout opposait. Politiquement comme religieusement. Un prix que le Nigeria continue de payer depuis la proclamation de son indépendance en 1960. Ce géant pétrolier est la proie régulière de conflits ethniques et religieux, de velléités sécessionnistes et dont l’histoire a été ponctuée de coups d’État violents qui ont dégénéré en massacres sanglants.
Un monarque issu d'une crise de succession
Le royaume yorouba d’Iwo a été fondé au cours du XIVe siècle. Il est situé aujourd’hui dans l'État d’Osun. Il est dirigé par l'Oba Abdulrasheed Adewale Akanbi Ilufemiloye Telu Ier. Ce dernier est monté sur son trône en novembre 2015, membre de la branche cadette de la maison royale Gbaase. Une couronne convoitée qui a été l’objet d’une âpre crise de succession (il y a eu 7 prétendants déclarés indique le quotidien Vanguard) qui a duré deux ans, avant que le choix ne se porte sur ce prince qui résidait jusqu’ici au Canada et vivait de son salaire d’entrepreneur. C’est actuellement une des plus grosses fortunes du Nigeria avec un statut reconnu par le gouvernement fédéral. Son couronnement en 2016 a été fastueux. Mais c’est aussi un monarque qui a une haute opinion de son rôle et qui ne rate pas une occasion de le faire savoir.
L'Oba d'Iwo réclame le retour de la monarchie
Alors qu’il recevait l’Olubadan (« Seigneur ») d'Ibadan, l’Oba Lekan Balogun, le 4 octobre 2022, le souverain du royaume Iwo s’est fendu d’une déclaration qui n’est pas passée inaperçue dans la presse nationale. « Nous devons revenir au gouvernement traditionnel parce que ce système politique actuel de gouvernement n'est pas le nôtre » pointant du doigt la présidence de la République fédérale. « Ce n'est pas la manière africaine de gouverner parce que la manière africaine de gouverner est uniquement basée sur la tradition. Quand les rois pourront tracer le chemin de la justice et pourront faire ce que nous faisons d'ici à Iwo, les choses iront mieux » dans ce pays n’a pas hésité à affirmer Abdulrasheed Adewale Akanbi Ilufemiloye Telu Ier au quotidien Punch. « Notre peuple se battra pour nous, mais personne ne se battra pour un roi qui menace son propre peuple. Les gens ne se battront pas pour un roi qui utilise déjà son pouvoir à mauvais escient » a averti le monarque.
« Je ne prends rien à mon peuple. Je protège leurs intérêts et leurs ressources »
Ce n’est pas la première fois que l’Oba d’Iwo se prononce pour le retour de la monarchie au Nigeria et regrette même ce que la fin de la colonisation a apporté à son pays. « Il n'y a pas de quoi pavoiser au regard de nos 62 ans d’indépendance. Nous avons pris l'indépendance trop tôt et laissé notre avenir entre les mains de certains dirigeants sans cœur. Beaucoup de nos dirigeants ont été égoïstes, incompétents et ne craignant même pas Dieu. Nous méritons mieux » avait-il préalablement déclaré. « En tant que souverain suprême naturel, je suis fier de mes réalisations et en tant que monarque incorruptible, du mérite de mon royaume. Je ne prends rien à mon peuple. Je protège leurs intérêts et leurs ressources » affirme le souverain et qui a appelé ses compatriotes à « s'unir pour déposséder du pouvoir les gens sans conscience » comme le rapporte le Daily Post.
Abdulrasheed Adewale Akanbi Ilufemiloye Telu Ier est un personnage controversé au Nigeria. En 2018, il a réclamé le renforcement de ses pouvoirs au gouvernement fédéral et annoncé qu’il entendait prendre le titre d’émir en lieu et place de lui qu’il possède actuellement. Face au tollé général que ses propos avaient alors suscité, le roi du royaume Iwo s’était défendu en affirmant qu’il s'agissait d'une « expression métaphorique pour désigner la désunion qui existe entre les dirigeants traditionnels du Yoroubaland ». Accusé d’avoir un comportement agressif envers les autres souverains, le conseil des Obas a fini par le suspendre durant 6 mois de ses fonctions en 2020. Apprenant la nouvelle, Abdulrasheed Adewale Akanbi Ilufemiloye Telu Ier lui avait rétorqué : « Personne n'a le pouvoir de me suspendre ! »
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