« S'il doit y avoir un soulèvement, il doit être dirigé par nos rois ». C’est une affaire qui empoisonne les relations des différentes monarchies yorubas du Nigeria avec les institutions de la République fédérale. Le 3 juillet dernier, l'activiste Sunday Igboho, connu pour ses discours ethno-centrés et partisan de la séparation du Yorubaland du reste de ce pays d’Afrique de l’Ouest, a été enlevé par les services de sécurité et porté disparu depuis. Pour les quatre plus importants Obas (rois) qui règnent sur une population de 30 millions d’habitants, c’est leur pouvoir qui est remis en cause par cette tentative de sécession dont certains aimeraient pourtant qu’ils prennent la tête du mouvement indépendantiste.
C’est une des plus vieilles ethnies d’Afrique. Les yorubas ont dirigé durant sept siècles toute une partie de l’Afrique de l’Ouest. Il faut attendre le XIXème siècle pour que l’empire d’Oyo (qui s’étendait de l’actuel Bénin au Nigeria) entame son lent déclin, attaqué par les dahoméens puis par les britanniques qui vont démembrer cette puissante monarchie. Aujourd’hui, les Obas (rois) d’Ile-Ife, d’Oyo, de Lagos et de Benin City se partagent ce qui reste d’un pouvoir fondé par Oduduwa, père déifié de la nation Yoruba. C’est justement ce nom que Sunday Igboho a choisi pour son projet de république sécessionniste. Entrepreneur et politicien, l’homme s’est fait connaître par des discours ethno-centrés, n’hésitant pas à appeler à chasser les peuls du Yorubaland. Jusqu’à présent, son activisme ne menaçait pas le pouvoir séculaire des souverains yorubas mais depuis la mystérieuse disparition de cet indépendantiste, enlevé par les services de sécurité nigérians (déjà sur les dents avec un second front au Biafra), les Obas se retrouvés plongés au cœur d’une affaire qui les embarrasse.
Réunis en conférence, contraints de prendre position, les monarques ont demandé que l’activiste et ses partisans soient relâchés dans les meilleurs délais avec en prime une compensation financière aux familles pour la perte de leurs proches tués dans le raid des forces de sécurité. Une action jugée « comme étant illégale et une violation flagrante des droits humains fondamentaux » par les quatre Obas. « En tant que souverains traditionnels, nous ne pouvons pas nous enfouir la tête dans le sable comme l'autruche concernant une question très sensible comme celle-ci qui, si elle n'est pas bien gérée, pourrait mettre fin à l'unité du Nigéria. Surtout compte tenu des récents appels de personnalités éminentes à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, favorables à la désintégration du Nigeria » ont déclaré les Obas. « Nous appelons également le président Muhammadu Buhari à mener une enquête discrète sur cette question. En tant que gardiens de la tradition et défenseurs de la paix, nous ne protégerons ni n'encouragerons quiconque à enfreindre la loi du pays » ont tenu à rappeler les rois qui ont renouvelé leur serment de fidélité à la République fédérale.
C’est finalement au Bénin voisin que se trouve actuellement embastillé Sunday Igboho. Fin juillet, les Obas d’Ile-Ife, d’Oyo, de Lagos et de Benin City (rejoints par 10 autres monarques béninois) se sont rendus dans cet état voisin afin d’intercéder en faveur de sa libération. D’autant que la colère gronde parmi leurs sujets dont certains souhaiteraient que leurs monarques reprennent la lutte pour l’indépendance. « S'il doit y avoir un soulèvement, il doit être dirigé par nos rois » ont affirmé dans la presse les représentant de la « République d’Oduduwa ». Des propos qui font écho à ceux de l’Oba Abdulrasheed Akanbi, souverain d’Iwo, qui n’a pas hésité à pointer du doigt la responsabilité de l’état dans la montée des différents mouvements sécessionnistes qui constellent désormais ce géant pétrolier d’Afrique noire créé de toutes pièces par les anglais.
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