Le sultan de Sokoto, nommé émissaire de la CEDEAO au Niger
Le sultan de Sokoto, nommé émissaire de la CEDEAO au Niger
Haute autorité monarchique traditionnelle et leader religieux influent, le sultan de Sokoto Muhammadu Sa'ad Abubakar III a été nommé médiateur pour la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Il est attendu au Niger afin de convaincre les autorités militaires de réinstaller le président Mohammed Bazoum et leur éviter une intervention armée des « casques blancs » africains.
Le 26 juillet 2023, le Niger a été la victime d’un nouveau coup d’État militaire. Ancienne colonie française, cette République de l’Afrique de l’Ouest reste un maillon important dans la lutte contre les groupes islamistes opérant au Sahel. Paris et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont immédiatement exigé la restauration du président élu Mohammed Bazoum, actuellement en résidence surveillée. Face aux manifestations anti-françaises et l’attaque contre l’ambassade de France à Niamey, la capitale, le président Emmanuel Macron a finalement ordonné l’évacuation des Européens présents dans le pays, menaçant le nouveau régime de sanctions et d’une intervention armée si les intérêts économiques de l’Hexagone étaient touchés (1500 soldats stationnent au Niger dans le cadre des ex-opérations Sabre et Barkhane). L’Afrique est loin d’être unie face à ce nouveau putsch qui secoue le continent africain. Le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, eux-mêmes dirigés par des officiers putschistes, suivi du Centrafrique, ont refusé de condamner la prise de pouvoir par le général Abdourahmane « Omar » Tchiani. Face à cette impasse inédite dans l’histoire post-coloniale de l’Afrique, la CEDEAO a désigné le sultân de Sokoto, un monarque nigérian, pour diriger la médiation chargée de convaincre la nouvelle junte de restituer le pouvoir au président Bazoum afin d'éviter une intervention probable des « casques blancs » africains.
Une monarchie traditionnelle, haute autorité religieuse
Muhammadu Sa'ad Abubakar III est le vingtième sultan de Sokoto. Un empire fondé au cours du XIXe siècle par le djihadiste Ousmane Dan Fodio qui reprochait aux royaumes avoisinants de ne pas respecter les « véritables préceptes de l’Islam ». Véritable prêcheur, doté d’une solide armée, il met fin aux monarchies Haoussas de Katsina, Zaria, Noupé, Kebbi, et Liptako qu’il unifie sous son seul sceptre. Lors de son décès en 1817, ses successeurs vont faire face à de nombreuses révoltes qui vont affaiblir le califat. En février 1903, les Britanniques finissent par s’emparer de cet empire qu’ils intègrent à leur nouvelle colonie du Nigeria. Le sultan devient dès lors un simple fonctionnaire au service de Sa Gracieuse Majesté jusqu’en 1960, date à laquelle le pays obtient son indépendance. Les sultans de Sokoto ne retrouveront pas leur régalia d’antan, mais restent des poids non négligeables sur la scène politique du Nigeria. Souvent appelé pour servir de médiateur lors de tensions ethniques, l’actuel souverain, 66 ans, a condamné plus d’une fois les attaques du mouvement islamiste Boko Haram qui sévit dans le nord de la République fédérale.
Le sultan de Sokoto, un médiateur expérimenté de la CEDEAO
Ancien officier de liaison militaire de la CEDEAO (1993-1995), commandant du 231e bataillon de chars de l’Ecomog (force d’interposition africaine ) en Sierra Leone (1999 à 2000), le sultan Abubakar III est aussi le président général du Conseil suprême nigérian des affaires islamiques (NSCIA). Un atout majeur non négligeable puisque le Niger est majoritairement composé de musulmans. Expérimenté, il a reçu de nombreux chefs d’État, diplomates et ministres étrangers dans son palais comme comme John Kerry, secrétaire d’État des États-Unisen 2017. La délégation conduite par le souverain nigérian sera reçue aujourd’hui par le régime militaire du Abdourahmane « Omar » Tchiani. Tous deux sont issus de l’ethnie Haoussa, ce qui devrait faciliter les négociations en cours.