Une proposition de retour de la monarchie en étude au Sénat brésilien
Une proposition de retour de la monarchie en étude au Sénat brésilien
Une pétition pour le retour de la monarchie au Brésil a atteint le quorum requis par la loi. Transmise au Sénat, une commission va devoir étudier la pertinence de cette demande. Si elle aboutit, les Brésiliens devront décider du futur de leur institution lors d'un référendum prévu en 2026.
Le Brésil va-t-il à nouveau se rendre aux urnes afin de décider du futur de ses institutions républicaines ? C’est toute la question sur laquelle le Sénat devrait se pencher prochainement. Le 16 juillet 2024, une pétition récemment mise en ligne, réclamant que le retour de la monarchie soit à nouveau soumis au vote populaire, a recueilli le quorum nécessaire afin d’être étudiée par le Sénat après validation de ce qui est la Chambre haute du Parlement.
Une monarchie qui a traversé les générations en dépit de sa brève existence
Lorsque la monarchie est renversée par un coup d’État militaire (1889), après sept décennies d’existence, les Brésiliens ne sont pas préparés à ce changement brutal d’institution. L’Empereur Dom Pedro II est au sommet de sa popularité. Sa fille, la régente Isabelle de Bragance, a signé la Loi d’Or qui a mis fin à l’esclavage sur l’ensemble du territoire. Une décision murement réfléchie au sein d’une maison royale qui est passée du conservatisme au libéralisme en seulement deux règnes mais qui lui a fait perdre le soutien de l'Eglise et des grands propriétaires terriens. Plusieurs tentatives de restauration de la monarchie auront d’ailleurs lieu tout au long du XXe siècle. Exilée, la maison des Bragance sera autorisée à revenir en 1922. Les descendants de Dom Pedro, divisés en deux branches rivales (Vassouras et Petrópolis) pour le trône, vont très rapidement s’apercevoir que leur aura pami les Brésiliens est restée intacte, voir qu'ils représentent même une alternative à la dictature (1964-1985) puis à la république qui lui succèdera.
Un référendum qui va menacer la République sur son socle
Très vite, le nouveau gouvernement se retrouve gangrené par les affaires de corruption qui touchent jusqu’au plus haut sommet de l’État. En 1992, le député de Sao Paulo, Antônio Henrique Bittencourt da Cunha Bueno (Parti social-démocrate) va réussir à convaincre les autres élus que la monarchie représente le seul régime de stabilité que le Brésil ait connu et propose de soumettre son retour par voie référendaire. Le débat va faire rage d’autant que le Parlement se déchire très rapidement en partisans d’une république présidentielle, parlementaire et de la monarchie . Ces derniers se regroupent sous la bannière du Mouvement monarchiste parlementaire aux côtés du prince Pedro Gastão d'Orléans-Bragance (1913-2007), alors chef de la branche de Petrópolis des Orléans-Bragance. Le 4 février 1993, le gouvernement signe le décret de mise en place du référendum prévu en septembre suivant. Les sondages, favorables aux monarchistes, finissent par mettre à mal la campagne des républicains qui décident de faire un coup de Trafalgar et d'avancer inopinément le référendum à avril (le PT, le PFL, le PMDB et le PTB ont formé le Front présidentiel d'un côté et le Front parlementaire (PSDB) de l'autre côté afin de s'opposer aux ambitions des groupes royalistes crédités alors de 22% d’intention de vote, loin devant ceux de la République). Les divisions dynastiques vont affaiblir un mouvement dont le slogan « Voter pour le Roi » reste un des plus fameux de l’histoire politique du Brésil. Le couperet tombe finalement. 12% des Brésiliens ont seulement déposé un bulletin en faveur de la monarchie. L’échec provoque une crise au sein des la mouvance monarchiste, chacune des deux branches s’accusant de cette catastrophe qui met l'idée monarchique en sommeil.
Une partie des Brésiliens réclament le retour de la monarchie
Il faut attendre 2017 pour voir resurgir l’idée d’un référendum en faveur de la restauration de l'Empire. L’élection à la présidence de Jair Bolsonaro, candidat de la droite conservatrice, a redonné du souffle à une mouvance moribonde. Aussitôt mis en place, le nouveau gouvernement obtient le soutien des monarchistes, dont certains sont nommés ministres, celui de la branche Vassouras (dont le prince Luiz-Philippe d’Orléans-Bragance élu député et considéré comme dauphin potentiel du dirigeant brésilien) reçue officiellement au Palais présidentiel et même un groupe au Parlement (environ 20 élus). La pétition va recueillir 45000 signatures, soit deux fois que le quorum nécessaire, et va faire l’objet d’une étude au Sénat durant plus d’un an. En septembre 2019, la Chambre haute finit par rejeter le projet référendaire, arguant « qu’aucun événement discréditant la république ne permettait une telle convocation des Brésiliens aux urnes ».
Pour cette nouvelle proposition qui fixe le référendum à 2026, les monarchistes affirment que l’institution monarchique s’est révélée efficace contre toute corruption et reste une source de stabilité là où la république divise. Prenant en exemple les nombreuses controverses qui entourent l’actuelle présidence, les initiateurs de cette pétition rappellent que la figure d’un monarque reste un symbole d’unité dont le pays a besoin. Il n’est cependant pas certain que ce projet rencontre plus de succès que le précédent, en dépit de sondages évoquant un soutien entre 15 et 30% de la population sur l’idée de restauration de la monarchie. D’autant que la maison impériale reste toujours autant divisée (comme en témoigne la suppression de la fiche wikipédia de l'actuel prétendant Petrópolis) avec un prince Dom Bertrand d’Orléans-Bragance qui reste une personnalité très controversée au Brésil.