La monarchie, objet de fascination et de rejet pour les Américains
La monarchie, objet de fascination et de rejet pour les Américains
Le faste, le glamour : quand il s’agit de la famille royale britannique, les Américains ne semblent jamais en avoir assez. Mariages, divorces, naissances, décès, ils ne ratent pas un épisode de cette série qui se poursuit depuis des siècles. Certains d’entre-deux rêvent même de l’instauration d’une monarchie aux États-Unis .
Si les rois et les reines peuvent toujours susciter un certain intérêt, il est indéniable que les résidents du palais de Buckingham occupent une place particulière pour les Américains, compte tenu de la longue histoire des deux pays.
Les relations entre les Américains et la monarchie : entre fascination et rejet
Depuis les premières heures de leur histoire, les Américains entretiennent une relation complexe avec la monarchie, en particulier avec la famille royale d'Angleterre. Héritiers d’une nation bâtie sur la rupture avec la couronne britannique en 1776, ils demeurent fascinés par les traditions royales, tout en restant fidèles à leur idéal républicain.
« Lorsque les colonies ont décidé de rompre leurs liens avec l’Angleterre et de devenir indépendantes, il s’agissait avant tout d’une décision politique plutôt que culturelle », explique Joanne Freeman. Mais « alors que les gens s’éloignaient du roi, du pouvoir centralisé et de la tyrannie, politiquement, ils étaient des sujets britanniques qui voyaient la Grande-Bretagne et le roi comme le summum de la sophistication et de tout », ajoute ce professeur d’histoire à l’université de Yale.
Une fascination durable pour les figures royales emblématiques
Deux récent sondages YouGov éclairent cette dualité, en explorant les perceptions des Américains sur les membres de la famille royale britannique et leur pertinence dans une société profondément égalitaire. Les résultats révèlent une admiration durable pour certaines figures royales. Diana, princesse de Galles, décédée tragiquement en 1997, reste l’icône royale préférée des Américains, avec une cote de popularité exceptionnelle de 76 %. Cette admiration dépasse celle accordée à la reine Elizabeth II, qui, malgré un règne de 70 ans marqué par la stabilité et le service, recueille 67 % d’opinions favorables. La transition générationnelle semble également bien accueillie : le prince William, prince de Galles, obtient une opinion favorable de 58 %, suivi de près par son épouse Catherine, princesse de Galles, avec 52 %.
En revanche, les chiffres montrent une opinion mitigée, voire négative, pour d'autres membres de la famille. Le roi Charles III, malgré son couronnement récent, peine à séduire : seuls 42 % des Américains ont une opinion favorable à son égard, tandis que 40 % en ont une opinion défavorable. D’autres figurent font, à contrario, peu l’unanimité comme le prince Andrew ou la reine Camilla qui suscitent les taux d’approbation les plus bas, avec respectivement 28 % et 30 % d’opinions favorables chacun. Le scandale lié à l’homme d’affaire Jeffrey Epstein, dans lequel a été compromis le frère du roi, continue de peser lourdement sur l’image publique du duc d’York.
Harry et Meghan : entre attraction et scepticisme
Le couple princier qui est installé en Californie occupe une place particulière dans l’imaginaire américain. Le prince Harry, duc de Sussex, fils cadet du roi Charles III, bénéficie de 53 % d’opinions favorables, tandis que son épouse, Meghan Markle, recueille une popularité bien moindre, oscillant autour de 21 % lors de sondages réurrents. Depuis leur départ tonitruant du Royaume-Uni et leur déménagement en 2020, 53 % des Américains affirment que leur avis sur le couple est resté inchangé, 14 % déclarent avoir une meilleure opinion d’eux, tandis que 18 % en ont une moins favorable.
Concernant leur décision de quitter Londres, les Américains sont plus susceptibles d’approuver (42 %) que de désapprouver (20 %) leur choix. Pourtant, une majorité de 59 % considère que leur déménagement aux États-Unis n’a eu ni un effet positif ni un effet négatif sur le pays. Seuls 13 % estiment que cette relocalisation a été bénéfique, contre 8 % qui la jugent néfaste.
Le retour à la tête de l’État du Président Donald Trump pourrait compliquer également leur séjour aux Etats-Unis. Le dirigeant républicain ne cache pas son irritation vis à vis de Meghan Markle. L’ancienne actrice, à qui on prête des velléités politiques, vote Démocrate et reste affiliée à de nombreux associations et fondations « woke ». L’un des fils du milliardaire, Éric Trump, a même été plus loin lors d’une interview, déclarant qu’il était prêt à renvoyer le couple en Grande-Bretagne. A noter que le camp Démocrate semble plus séduit par la monarchie que le camp Républicain selon les chiffres de You Gov.
Une monarchie aux États-Unis ? Une idée largement rejetée
Malgré leur intérêt pour les traditions royales, les Américains restent fermement opposés à l’idée d’une monarchie sur leur propre sol. Près de deux tiers des sondés (62 %) considèrent qu’une monarchie américaine serait une mauvaise idée, un chiffre stable depuis février 2024 (65 %). Seuls 7 % jugent qu’une telle institution serait bénéfique ( bien que le chiffre peut monter jusqu’à 12% selon CNN), et 16 % pensent qu’elle ne serait ni bonne ni mauvaise. Ces résultats traduisent l’attachement des Américains aux valeurs républicaines qui ont forgé leur identité nationale à travers leur histoire. Notamment, cette opposition varie selon les tranches d’âge. Les jeunes Américains de moins de 30 ans, bien que plus ouverts à une monarchie (9 % favorables), restent majoritairement opposés (56 %). Les générations plus âgées montrent une réticence encore plus marquée, avec des taux d’opposition dépassant les 65 %. A noter que les Afro-Américains sont les plus susceptibles de répondre positivement en faveur d'une monarchie avec 10 % de soutien.
Il existe bien de nombreuses associations ou mouvements monarchistes mais leur disparité, le peu de militantisme (souvent cantonné à Internet) ne leur permettent pas de s’imposer dans le débat national qui a tendance à réduire à une image folklorique. Enfin, aucun d’entre eux n’a de prétendants officiels ni de princes prêts à assumer un trône qui peu de chances d’être instauré. Les monarchistes américains en sont réduits à choisir, des princes vivant sur le sol des États-Unis comme la famille royale de Grèce.
En ce qui concerne le roi Charles III qui pourraient revendiquer une couronne sur ses ancienens colonies, les attentes restent modestes. Seuls 3 % des Américains pensent que son bilan en tant que monarque sera « exceptionnel », et 10 % jugent qu’il sera « supérieur à la moyenne ». En revanche, une majorité relative de 38 % s’attend à un règne « moyen », tandis que 14 % estiment qu’il sera « inférieur à la moyenne » et 6 % « médiocre ». Ces chiffres n’ont que peu évolué depuis février 2024, montrant une perception stable mais tiède du souverain.
Une admiration mesurée et une conviction républicaine
L’histoire des États-Unis, forgée dans la rébellion contre la couronne britannique, n’a pas pour autant effacé une certain intérêt pour la monarchie anglaise.
Toutefois, cette admiration reste à distance. La majorité des Américains rejette fermement l’idée d’instaurer une monarchie dans leur propre pays, préférant conserver leur modèle républicain. Ce paradoxe illustre la relation ambivalente des Américains avec l'institution royale : une fascination culturelle tempérée par un attachement inébranlable aux idéaux d’égalité et de démocratie.