Le Mexique a connu deux empires au destin tragique. Ils sont encore une minorité à croire que la monarchie peut revenir dans cette partie de l'Amérique et qui soutiennent les droits d'une dynastie qui semble pourtant loin de leurs préoccupations politiques.
C'est un héritier méconnu. Maximilian von Götzen-Iturbide apprécie de se rendre au Mexique. Ancien agent de change, il a fait fructifier son portefeuille dans l’immobilier. Du haut de ses 80 printemps, il continue de gérer ses activités financières dans les villes de Morelia et Guadalajara. Les deux villes n’ont pas été choisies au hasard. Leur histoire respective est liée à celle de la lutte pour l’indépendance que le Mexique a fini par obtenir le 27 septembre 1821.

Agustín de Iturbide, de loyaliste à nationaliste
Maximilian von Götzen-Iturbide peu l’espagnol, la langue du Mexique. Pourtant dans ses veines, coule le sang d’une famille qui a dessiné le futur de cette ancienne vice-royauté créée au XVIe siècle, peu de temps après la chute de l’Empire aztèque. Il descend en ligne droite du général Agustín de Iturbide y Arámburu (1783-1824), un héros de la révolution mexicaine, personnage indissociable de l’histoire de ce pays d’Amérique du Sud. Issu de la noblesse créole du Mexique, le jeune Agustín a été élevé dans la fidélité de la couronne espagnole. Ses racines remontent jusque dans le Pays Basque. Il va faire carrière dans l’armée, faisant fi des barrières raciales qui de mise à cette époque. Cavalier redoutable, il est un monarchiste convaincu qui va acquérir une réputation redoutable lorsqu’éclate la révolution de 1810 contre l’autorité de la vice-royauté. Il acquiert même le surnom d’El Dragón de Hierro (Le Dragon de Fer), reconnu pour son courage au combat. Le Mexique entier s’est embrasé et les affrontements se succèdent au gré des tumultes politiques qui agitent Madrid, passée sous le jour des Français.
Sa foi dans la monarchie espagnole est ébranlée quand Agustín de Iturbide y Arámburu apprend qu’une constitution limitant les pouvoirs du roi a été imposée au roi Ferdinand VII (1812). Pour la noblesse mexicaine, c’est la crainte d’un effondrement de l’institution royale et on échafaude déjà plusieurs théories en cas de renversement définitif de la monarchie Bourbon. Si le roi Ferdinand VII ne peut plus régner, il sera lors de bon ton de l’appeler sur un trône mexicain libéré de sa tutelle espagnole. C’est à ce moment-là qu’Agustín de Iturbide y Arámburu prend conscience qu’il est temps de changer de camp et de rejoindre la rébellion. Son nom entre dans l’histoire par la grande porte pour ne plus la quitter. Il s’entend avec les rebelles et signe le Plan Iguala en février 1821 qui confirme le catholicisme comme religion d’État, l’égalité sociale entre toutes les ethnies et proclame l’indépendance du Mexique. Six mois plus tard, l’Espagne est mise devant le fait accompli. Ralliant derrière lui les insurgés, une partie des royalistes, le clergé et la noblesse, Agustín de Iturbide y Arámburu vient de réussir en moins d’un an ce qu’une décennie de guerre n’a pu atteindre.

Naissance et chute du Premier empire mexicain
Nommé régent, Agustín de Iturbide y Arámburu nomme un gouvernement rassemblant toutes les tendances politiques. On offre la couronne à Ferdinand VII qui la rejette fermement, interdit même à tous les princes de sa maison de faire acte de candidature (son frère, Don Carlos, avait été alors approché pour cette couronne qui l’intéressait). Les Cortès désapprouve même l’acte d’indépendance. Une situation qui secoue le Mexique encore à son euphorie et qui menace un Iturbide dont l’influence perd du terrain au profit des royalistes bourboniens. Le 18 mai 1822, une gigantesque manifestation dirigée par le régiment de Celaya va précipiter les événements. Les soldats réclament que le héros de la révolution soit sacré souverain du Mexique. Réunis, les élus du Congrès s’empresse de valider la demande, craignant que le pays ne sombre dans l’anarchie. Le 21 juillet suivant, dans la capitale Mexico, Iturbide Ier est couronné « Par la Divine Providence et par le Congrès de la Nation, Premier Empereur constitutionnel du Mexique ». Pour autant, l’avènement de ce Premier empire, soutenu par les conservateurs, ne règle pas les dissensions. Parmi les partisans de la République, on complote. Averti, le monarque prend une décision qui va précipiter sa chute : la dissolution du Congrès en octobre 1822.
Le Mexique sombre dans la guerre civile, les sécessions. Iturbide Ier, qui reste toujours populaire, a bien du mal à juguler ces révoltes. Ne souhaitant pas faire couler le sang de ses compatriotes, il signe un acte d’abdication en mars 1823 en échange d’une confortable pension. Exilé en Toscane, puis au Royaume-Uni, l’ex-Empereur connaît cependant plusieurs turpitudes financières. Sans savoir qu’il a été accusé de trahison par la nouvelle république, Agustin Ier apprend que l’Espagne serait sur le point de reconquérir son pays, profitant de l’anarchie qui a succédé au régime impérial. Il tente d’avertir le gouvernement. En vain. Poussé par des conservateurs, nostalgiques de la monarchie, il décide de revenir au Mexique, le 14 juillet 1824. Un épisode digne des « Cent jours de Napoléon Ier » que l’Empereur admire et qui tourne au fiasco. Bien qu’acclamé par une population enthousiaste, il est arrêté par un officier qu’Iturbide avait pourtant gracié après l’échec d’un soulèvement. Condamné à mort, il est fusillé cinq jours plus tard.

Une dynastie qui tente de recouvrer ses regalia
Héritier au trône, Agustín II Jerónimo de Iturbide y Huarte (1807-1866) entend reprendre le combat de son père. Renvoyé en exil, il apprend que tous les partisans sont arrêtés les uns après les autres. Ami du Président Simon Bolivar et héros de la lutte pour l’indépendance en Colombie, le prince devient son confident et conseiller. Le Mexique proteste bien mais Bolivar n’entend pas céder et affirme qu’Agustin II n’est pas là pour comploter à la restauration de la monarchie. Lorsque la loi de bannissement de sa famille est abolie en 1831, il revient dans son pays et prend la tête du Parti conservateur. Il collabore avec le président Anastasio Bustamente (qui réhabilitera l’Empereur) et obtient un poste de diplomate aux États-Unis puis au Royaume-Uni jusqu’en 1835. Nationaliste, il prend part à la guerre américano-mexicaine (1846-1848) à la tête de son régiment où il s’illustre. Populaire, il est pressenti pour un trône, véritablle opposant au régime dictatorial du général Lopez de Santa Anna. L’idée d’un retour de la monarchie ne plaît guère au partisans de Santa Anna qui tente vainement de le faire assassiner. Loin d’être impressionné, il continue de faire de la politique dans un pays turbulent.
Si la monarchie fait son retour en 1864, ce n’est pas avec Agustín II Jerónimo de Iturbide y Huarte qu’elle se fait finalement. Les conservateurs sont partis chercher l’archiduc Maximilien de Habsbourg-Lorraine, trop heureux de répondre à l’offre, poussé par les ambitions de Napoléon III qui rêve de voir la mise en place d’un empire catholique. Le fils d’Iturbide Ier a toutefois été consulté sur les négociations en cours. Il a décidé de soutenir cette option autrichienne qui va être toutefois profitable à sa famille. Ses deux neveux, Agustín de Iturbide et Green (1863-1925) et Salvador de Iturbide et Marzán (1849-1895), deviennent les nouveaux héritiers du Second empire (1865). Une monarchie qui peine à s’installer dans le cœur des Mexicains et qui finira devant un peloton d’exécution en 1867 après trois d’existence. Agustin III s’exile aux Etats-Unis à la chute de l’Empire où il achève ses études à l’université de Georgetown. Pour revenir au Mexique, il accepte de renoncer au trône mais les accusations publiques qu’il porte contre le président Porfirio Diaz l’envoie en prison pour 14 mois (1890). Libéré, il quitte le Mexique et annonce qu’il prétend à nouveau au trône impérial. Dépressif, il sombre dans la paranoïa et finira sa vie dans la peau d’un traducteur de langue au destin brisé.

Un prétendant qui ne prétend pas
L’idée monarchique se meurt. Ses droits au trône sont recueillis par sa nièce Marie-Josèphe Iturbide y Mikos de Tarrodháza, fille du prince Salvador. Elle ne prétend pas, ne prend pas la peine de répondre à ceux qui l’appellent à assumer la couronne. Des partisans qui se réduisent comme un peau de chagrin au fil des décennies. Avec son second époux, Charles de Carrière, elle s’installe en Roumanie. L’arrivée des communistes va bouleverser la vie chaleureuse de cette princesse dont tous ignorent l’origine. Sauf Moscou qui la déclare « ennemie du peuple » et qui décide de faire interner le couple en camp de concentration en 1948. Ils décèdent tous deux la même année dans des circonstances étranges. Conformément à son testament, c’est donc Maximilian von Götzen-Iturbide qui a recueilli un héritage pour lequel il ne prétend pas plus mais dont il est incontestablement un prétendant à la couronne. Pour le professeur Enrique Sandoval, nul doute à avoir d’ailleurs. Cependant, loin d’être un nostalgique, il préfère clarifier les choses lors d’une interview accordée en avril 2018 : « Don Maximiliano est le chef incontesté de la Maison impériale du Mexique et héritier du trône, issu à la fois de la tradition Iturbide et des Habsbourg (…) mais il est nécessaire de préciser qu’il n’est pas intéressé par un rôle politique au Mexique ». Ses quelques partisans, rassemblés autour d’un parti monarchique mexicain plus actif sur les réseaux sociaux que le terrain, apprécieront.
Guère de quoi rassurer ceux qui se comptent sur les doigts de la main, 5000 pour ceux qui soutiennent Maximilian von Götzen-Iturbide (le chiffre paraissant peu probable) dans un pays qui réhabilite depuis quelques années le second empire, longtemps décrit comme une occupation étrangère. La succession est assurée. Il a deux enfants dont le prince Ferdinand, né en 1992. Le jeune homme est aussi sportif que le fut son père mais comme tous les jeunes adultes de son âge, c’est un habitué passionné des réseaux sociaux comme Twitter (@ferdigoetzen), possède un blog où il parle de croissance économique (ferdinandgoetzen.com) et a même eu brièvement une timide chaîne You Tube.
Le rêve impérial des Iturbide semble avoir vécu au profit d’un autre plus 2.0. qui ne semble plus avoir de place au sein de l’histoire nationale du Mexique.
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