Sofia de Teruel-Moctezuma, future duchesse d'un empire disparu
Sofia de Teruel-Moctezuma, future duchesse d'un empire disparu
Elle est l’héritière d’un empire disparu depuis le XVIe siècle. Loin de toutes mondanités, la future duchesse de Teruel-Moctezuma, Sofia, s’est confiée à un quotidien espagnol. Assumant le passé prestigieux de sa maison, elle fustige ceux qui essayent de manipuler l’Histoire en la réécrivant selon leur croyance idéologique personnelle.
Le 29 juin 1520, la mort de Moctezuma II, Empereur aztèque, est une tragédie qui a marqué l’histoire du Mexique. Face à un peuple en révolte, le conquistador Hernan Cortès qui le retient prisonnier depuis plusieurs jours, le pousse à intervenir depuis le balcon de son imposant palais. L’homme a depuis longtemps perdu la confiance des Aztèques et il est déjà question de le remplacer par un prince plus charismatique, loin des superstitions qui tétanisent le monarque depuis le débarquement des conquistadors en Amérique centrale. Moctezuma II peine à se faire entendre, hué par ses sujets qui se mettent soudainement à lui lancer des pierres. Une lapidation qui lui sera fatale. L’empire survivra encore jusqu’en 1525. Épuisé, Hernan Cortès finira par faire exécuter l’Empereur Cuauhtémoc, cousin de Moctezuma, accusé de complot contre la couronne espagnole, et mettre fin à ce système monarchique amérindien.
Une dynastie dont l'histoire se confond avec celle de l'Espagne
Les descendants de l’Empereur Moctezuma II, qui fut très prolifique avec les femmes, coupable d’amour charnel avec les hommes, sont envoyés en Espagne à la cour d’Espagne où ils vont recevoir titres et privilèges, faire souche au sein des grandes familles de la noblesse comme celle du duc d’Albe ou celle des comtes de Miravalle. Successivement comtes puis ducs de Moctezuma de Tultengo, ils sont représentés aujourd’hui par Juan José Marcilla de Teruel-Moctezuma, Grand d’Espagne et ami du roi-émérite Juan Carlos. Depuis 2006, les titres sont désormais accessibles aux femmes si celles-ci sont les aînées. Une loi qui a été votée au nom du principe d’égalité entre les sexes. C’est donc sa fille, Sofia, 42 ans, qui héritera du titre si celle-ci prouve son lien généalogique avec le monarque comme les règles l’exigent. Rien de difficile pour cette héritière qui n’hésite pas à déclarer pas lorsqu'on l'interroge sur son ancêtre : « Mon père conserve les caractéristiques physiques de Moctezuma et dans mon cas aussi, je suis convaincue que les gènes sont toujours là » assure-t-elle. Sofía avoue qu'elle n'a pas mis les pieds au Mexique. « Mon père y est allé en 1994 parce qu'il y avait des retrouvailles prévues avec l'héritière d'Hernán Cortés. Il l’a vécu avec beaucoup de respect et d'admiration, mais en même temps avec beaucoup de peur. Il s’y est rendu avec des gardes du corps et ils devaient tester l'eau qu'il allait boire », se souvient-elle. « J'ai vraiment envie d'aller au Mexique, mais comme je garde l’expérience de mon père, lorsque je déciderai de voyager, je devrai le faire en toute sécurité. Je pense aussi qu’il y aura des gens qui me connaîtront sans que je les connaisse », explique la fille de Juan José Marcilla de Teruel-Moctezuma.
Un passé prestigieux qui continue de fasciner
Elle a accordé son premier entretien officiel au quotidien El Independiente, le 31 mars 2024. « Je me souviens que, quand j'étais petit, un homme qui écrivait un livre sur la famille est venu nous poser quelques questions, mais c'est la première interview que je fais de ma vie. Nous sommes une famille très discrète », explique cette consultante spécialisée dans les nouvelles technologies. Tout en assumant son passé, elle est déjà tournée vers l’avenir. Elle de nature souriante, avec un visage joyeux et des yeux expressifs qui « symbolisent l'amour ou le besoin de gravité », comme Bernal Díaz del Castillo dessinait l'empereur mexicain il y a cinq siècles. « Il y a un peu plus d'un an, j'étais au Museum of America. Ils nous ont invités et, une fois sur place, j'ai réalisé l'importance que mon nom de famille a pour le monde. Je l'ai vraiment toujours vécu normalement. Nous ne sommes pas célèbres. Nous ne sommes pas des rentiers. Pendant la guerre [civile d 1936-1939-ndlr], pratiquement tout le patrimoine dont nous disposions a été détruit », explique Sofia de Teruel-Moctezuma.
« Ma famille est en Espagne depuis 1567 », explique Sofía. « De nombreux autres héritiers, tous issus de l’empereur [Moctezuma II-ndlr] ont reçu des biens et des pensions financières à perpétuité », rappelle-t-elle. « C’est avec la génération de mes grands-oncles que ces privilèges ont pris fin. Pour des raisons pratiques, les titres de noblesse sont connus aujourd'hui parce qu'ils sont étroitement associés à la presse tabloïd. Ce qui n'est pas notre cas et je ne souhaite pas que ce soit le cas » tient-elle à souligner. « Il n’y a jamais eu rien d’ostentatoire chez moi. Mes parents ont élevé mon frère et moi en insistant sur le fait que nous devions étudier. Je suis une personne normale qui vit de son diplôme universitaire » renchérit la future duchesse. Elle réside en Galice, va quelques fois à Madrid pour des raisons professionnelles. « Dans le salon de la maison est accroché l’acte royal qui nous octroie une pension, avec l'arbre généalogique composés des empereurs aux noms imprononçables. C'est mon bijou », confesse Sofia qui conserve également jalousement « de nombreuses lettres et correspondances entre sa famille et les membres de l’aristocratie ».
Haro sur le révisionisme historique
La future duchesse ne partage pas les théories wokistes qui consistent à exiger des comptes pour ce qui s'est passé il y a un demi-millénaire. « Je pense que nous devons laisser les choses tranquilles et ne pas ressusciter de vieilles blessures. Je ne peux parler que par respect parce que je connais l'histoire de ma famille d'un certain point de vue »? assure-t-elle. « Les Espagnols ont créé des écoles, des universités, des hôpitaux, mettant en place une société métissée. L'esclavage avait été aboli il y a de nombreuses années. Ils ont traité notre famille avec honneurs et nous ont donné une reconnaissance en Espagne avec des titres et des terres, nous en sommes donc la preuve », ajoute-t-elle. « Chaque personnage de l'histoire est là pour une raison et nous ne devons pas oublier les mauvaises choses qu'ils ont faites, mais nous devons apprendre d'eux et ne pas répéter cela. Je ne pense pas que cela vaut la peine de tout supprimer. Des gens comme López Obrador (Président du Mexique qui n’a eu de cesse d’exiger des excuses de Madrid pour la conquête du Mexique-ndlr) ne changeront jamais d’avis. Je le respecte. C’est son idée, mais le révisionnisme ne sert à rien. En fin de compte, je pense que c’est une manière de gouverner, une manière de politiser les choses », croit-elle savoir. Elle n’aspire pas non plus à récupérer des privilèges ou à ressusciter les rêveries impériales. Lors de sa venue, certains nostalgiques « ont proposé à mon père de faire une contre-révolution contre la République et de rétablir la monarchie ». Il a été très clair : « Je viens ici pour un événement officiel et je rentre chez moi », se souvient Sofía, qui - comme son père - revendique une histoire sans regrets ni reproches.
Elle souhaite rester dans l’anonymat. « J’entends préserver cette histoire même si je préfère être connu pour la façon dont j’ai passé ma vie, à essayer d’être une bonne personne, une bonne mère, une bonne professionnelle et de ne rien être d’autre » affirme-t-elle. Sofia, future duchesse de Teruel-Moctezuma, incarne encore l’image d’une aristocratie qui n’a pas sacrifié aux mirages de la peoplerie, celle d’une noblesse qui conserve sa grandeur d’âme et son honneur, présevant son héritage pour les générations à venir.