Le récent coup d’état en Birmanie a remis en lumière le prétendant au trône de Birmanie. Sur sa page officielle Facebook, le prince Maha Chandra Kumara Soe Win a appelé ses compatriotes à rester calme et faire preuve d’unité. Ancien diplomate, il est le descendant du dernier représentant de la Maison royale de Konbaung, une monarchie abolie dans la douleur en 1885. Lors du retour à la démocratie, les birmans ont eu l’occasion de redécouvrir leurs princes et princesse revenus d’exil et qu’ils croyaient disparus. En 2017, le prince Soe Win a même fait les titres des principaux journaux britanniques en réclamant que les Windsor lui restitue les joyaux de sa famille qui, dit-on, seraient conservés dans la chambre au trésor de la Tour de Londres. En vain. Il y a quelques heures, le prétendant au trône a appelé les différentes parties à se réunir et à entamer un dialogue afin de restaurer la démocratie mise entre parenthèses par les militaires.
A 74 ans, cet ancien diplomate est l’incarnation de la discrétion. Depuis le décès de son père George Taw Phaya Gyi en 1948, il est officiellement le prétendant au trône de Birmanie dont la monarchie a été brutalement abolie par les britanniques à la fin du XIXème siècle. Prenant prétexte d’un incident diplomatique au Palais de Mandalay (les représentants de la reine victoria avaient refusé d’ôter leurs chaussures devant le souverain), les soldats de « Sa Gracieuse Majesté » avaient déferlé sur le royaume et balayé tout forme de résistance. A Londres, cette victoire fut célébrée comme un véritable acte héroïque ayant mis fin à la « sauvagerie » des monarques birmans. Il est vrai que le couronnement en 1878 du roi Thibaw Min avait particulièrement frappé l’Occident car précédé par un gigantesque bain de sang. Tous ses frères, princes en âge de pouvoir lui contester le trône, avaient été assassinés avec la complicité de sa belle-mère, l’ambitieuse reine Hsinbyumashin. La reine du Palais Central avait placé tous ses pions autour du roi, cassé les fiancailles de celui-ci afin qu’il épouse sa demi-sœur par alliance, la reine Supayagyi. Le rapprochement des birmans avec la France avait signé l’arrêt de mort de la monarchie de Konbaung et tout ce petit monde avait été rapidement exilé en Inde afin d’y jouir d’une retraite dorée et priés d’y mourir tranquillement.
A Rangoon, le prince Maha Chandra Kumara Soe Win vit entouré ses souvenirs. Il y’a le portrait de son père qu’il n’a pas connu et qui a toujours été reconnu comme l’héritier au trône par les britanniques finalement contraints de quitter la Birmanie peu de temps après la Seconde guerre mondiale. George Taw Phaya Gyi était parti affronter son destin mais en lieu et place d’une couronne, c’est une tragédie qu'il rencontre. A l’aube de l’indépendance, la Birmanie sombre dans la guerre civile. Les communistes et certaines ethnies du pays, parmi lesquelles les Karens chrétiens, se soulèvent. Alors qu’il se déplace dans le pays pour raisons professionnelles, George Taw Phaya Gyi est arrêté par des miliciens communistes qui le prennent pour un officier de police. Un coup de feu, le prince s’écroule, laissant orphelin deux enfants. Il avait à peine 25 ans et pour seule gloire, celle d'avoir été désigné comme souverain fantoche d’un royaume créé de toutes pièces par l'occupant japonais mais qui n’aura jamais d’existence réelle.
Soe Win ne va pas être inquiété par la dictature qui s’installe dès 1962 en Birmanie pour quatre décennies. D’ailleurs le pouvoir a tendance à se rapprocher et choyer les membres de sa famille royale tout en faisant attention à ne pas la mettre en avant afin qu’elle ne devienne pas un symbole de résistance. Nommé Premier secrétaire du service des affaires étrangères birmanes, en poste aux Etats-Unis dès 1987, le prince suite la lente montée en puissance du mouvement démocratique incarnée par Aung San Suu Kyi avec qui il partage le même drame familial. Il ne prend aucune position officielle, se contentant de servir le régime de Myanmar. D’ailleurs, l’armée l’éloigne de toute possibilité de faire entendre sa voix. Entre 1999 et 2003, il sera placé comme ambassadeur de son pays en Japon puis au Pakistan. Mis à la tête de la présidence de la Fédération nationale de Football, Soe Win va aussi cumuler le poste de Vice-directeur du protocole du gouvernement de 2006 à 2008. La Birmanie mise sous pression va bientôt libérer Aung San Suu Kyi de sa résidence surveillée et un vent nouveau de liberté souffle sur la Birmanie. Avec la fin du régime militaire (2016), la Maison royale de Konbaung attire l’attention des journalistes internationaux qui lui donnent une visibilité médiatique inattendue. « Je suis allé à la rencontre de mon peuple non pas en tant que prince royal, mais en tant que simple citoyen afin de leur faire comprendre de l’importance de ressusciter leur histoire et leur permettre achever leur quête identitaire » déclare Soe Win qui a compris que les chances de retour à la monarchie sont plus que minimes.
Désormais à la retraite, le prétendant au trône de Birmanie se lance dans une nouvelle croisade. Celle de récupérer les joyaux de sa couronne subtilisés par les britanniques lors du sac du Palais de Mandalay. Il écrit un long mémorandum à Buckingham Palace en 2017 et réclame à la Reine Elizabeth II qu’elle restitue les rubis de sa famille, ou à contrario que les le gouvernement britannique paye une compensation financière aux titres des dommages qu’ils ont causé moralement à la dynastie royale. Il n’aura jamais de réponses pas plus qu’un ministre n’a daigné le recevoir lorsqu’il est venu plaider personnellement sa cause dans la capitale du Royaume-Uni. Il tente alors de faire rapatrier les restes du roi Thibaw dont la tombe est fleurie et a même reçu avant la fin de la dictature la visite officielle d’une délégation militaire. « Mes ancêtres étaient assez à l’aise en Inde, mais ils étaient bien sûr mécontents, car ils étaient toujours conscients qu’ils étaient des prisonniers « déclare Soe Win lors du centenaire de la mort du souverain (2016). Une cérémonie marquée par la présence des membres de la Maison royale suivie par une procession de 2000 moines bouddhistes et autant de curieux venus apercevoir leur « héritage ». Durant quelques heures, la Birmanie avait renoué avec ses rites royaux. Comment voit-il son rôle ? Interviewé par le magazine « Tatler » en 2018, le prince Soe Win expliquait alors qu’il voulait jute « travailler avec ses compatriotes afin de réhabiliter le patrimoine de son pays mais ne prônait nullement une quelconque restauration de la monarchie »
Il a rencontré Aung San Suu Kyi, nommé Conseillère spéciale du Président de la république lors du retour de la démocratie. En réalité, la véritable dirigeante du pays. « Nos échanges ont été très cordiaux et elle a posé des questions sur mon oncle Taw qu'elle connaissait très bien. Elle est notre chef et nous la soutiendrons tous » affirme le prince qui ne souhaite pas prendre actuellement la tête d’un mouvement de résistance. Lors du coup d’état du 1er février 2021, il a appelé ses compatriotes à rester calme et faire preuve d’unité. « Nous le peuple resterons non violent mais ne ferons pas preuve de faiblesse car nous sommes courageux. Nous partageons tous des valeurs universelles de paix» a déclaré encore, il y a quelques heures, le prince Soe Win qui appelle également les parties en présence « au dialogue et à la prière ».
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