« L’histoire a toujours considéré le Mandchoukouo comme un état fantoche sous contrôle japonais, mais elle n’a jamais abordé le fait qu’il représentait la volonté du peuple mandchou à être indépendant ». A 24 ans, le prince Aisin Gioro Chi Wei, plus connu sous le nom de Vinness A. Ollervides, se bat pour rétablir la vérité sur un pan controversé de l’histoire de la Chine durant la Seconde guerre mondiale. Habitué des réseaux sociaux et anti-communiste, le jeune homme, qui affirme descendre de l'empereur KangXi, a récemment accusé Pékin d’avoir participé au supposé trucage des dernières élections américaines et de pratiquer une politique raciale anti-mandchoue.
Popularisée par le chef d’œuvre cinématographique de Bernado Bertolucci, sortie sur les écrans géants de salles de cinéma en 1987, la vie du dernier empereur de Chine continue encore de fasciner. Monté sur le trône d’un empire déliquescent et livré à l’appétit des puissances européennes, le jeune Pu Yi va grandir entre les murs protecteurs de la Cité interdite alors qu’à l’extérieur, c’est tout un pays qui sombre dans l’anarchie et dans les mains des différents seigneurs de la guerre qui se font mutuellement la guerre. La république proclamée en 1911, brièvement restauré en 1917, l’empereur est finalement expulsé de ses palais par les nationalistes 7 ans plus tard. Il court se réfugier à la Légation japonaise qui lui fait miroiter un second trône, celui de l’état de Mandchourie plus connu sous le nom de Mandchoukouo entre 1932 et 1945. A 24 ans le prince Aisin Gioro Chi Wei entend défendre l’héritage du dernier représentant de la dynastie impériale des Qing, mort en 1967 dans la peau d’un modeste jardinier. « L’histoire a toujours considéré le Mandchoukouo comme un état fantoche sous contrôle japonais, mais elle n’a jamais abordé le fait qu’il représentait la volonté du peuple mandchou à être indépendant » affirme celui qui préfère être appelé Vinness A. Ollervides. Il prétend descendre des « princes Yi du premier rang », la lignée de la maison impériale issue du treizième fils de l’empereur KangXi. Ce n’est qu’à l’âge de 11 ans que ses origines lui ont été révélées alors qu’il était en pèlerinage sur la tombe de ses ancêtres.
Il confesse avoir souffert des moqueries de ses camarades de classe qui évoquaient les Qing avec dédain. Son origine mandchoue est stipulée sur sa carte d’identité. « C’est en vieillissant que j'ai compris l'impact de cette marque ethnique sur mes papiers officiels » explique-t-il les sourcils pliés. Il se rappelle qu’en cours d’histoire, on lui apprenait que la république chinoise avait lutté pour renvoyer chez eux « les barbares venus du Nord ». C’est en 1644 que les mandchous s’emparent de Pékin pour imposer leur pouvoir sur les autres ethnies dont les Han qui vivent mal le port de la natte. Un des symboles de l’empire Qing qui, coupée, deviendra un objet de résistance à la monarchie tout au long de la première moitié du XXème siècle. Tout comme un symbole de modernisme. Comme bon nombre de princes qui ont participé à l’aventure du Mandchoukouo, ils furent internés et rééduqués par les communistes. Son grand-père a été un haut-fonctionnaire du Parti communiste chinois (PCC) et même un proche du Premier ministre Zhou Enlai. « Les Japonais traitaient la famille royale mandchoue avec respect. Le principal coupable qui a exilé la famille royale reste le Kuomintang. La dynastie Qing ne voyait plus les Japonais comme des ennemis mais les chinois eux-mêmes qui étaient devenus une menace directe envers la maison impériale » croit savoir Vinness A. Ollervides qui oublie de dire que l’état avait été transformé en véritable laboratoire d’expériences humaines par le Kwantung, l’armée impériale japonaise avant que les soviétiques n'y mettent brutalement fin et occupent toute la Mandchourie.
«Les dirigeants Qing n’ont jamais abandonné leur identité mandchoue. Ils ont adopté les coutumes Han quand elles étaient politiquement avantageuses, et les ont rejetées quand elles ne les ont pas aidées à atteindre leurs objectifs politiques », soutient d’ailleurs Evelyn Sakakida Rawski, spécialiste de l'histoire de la Chine et de l'Asie. « Ce sont les Chinois et non les Japonais qui ont obligé Pu Yi à renoncer à son trône, donc demander l'aide de leur allié (le Japon) pour restaurer la dynastie Qing était tout à fait raisonnable » renchérit dans une lecture très personnelle Vinness.A.Ollervides qui rappelle que son arrière-grand-mère était issue la lignée royale japonaise de la maison, Hokke, une branche cadette du clan Fujiwara. Aucun doute possible pour lui, cet ancien état doit revivre et se séparer du reste de la Chine. Ollervides pense que la culture mandchoue n’a pas complètement disparu. Mais la politique d'assimilation culturelle, appliquée par le PCC, et la modernisation, ont conduit l'identité mandchoue dans un dilemme. « Ma lignée royale m'a donné un sens des responsabilités plus fort et m'a fait réaliser qu'il fallait défendre l'intégrité de la tradition mandchoue. Je ne suis pas différent des autres jeunes de Mandchourie et la seule chose que nous espérons est une reconnaissance appropriée de notre culture et de notre histoire ».
Le Mandchoukouo a-t-il les moyens de resurgir du passé et devenir un nouveau foyer de tensions ethniques en Chine ? Les Aisin Gioro peuvent-ils remonter sur leur trône ? C’est peu probable. Disséminés aux autres coins du monde ou membres du PCC, ils ne revendiquent rien et ne sont à la tête d’aucun gouvernement en exil. S’il existe un mouvement qui réclame l’indépendance du Mandchoukouo, pour beaucoup il s’agit là d’un troll organisé par les milieux d’extrême-droite japonais (sur leur compte twitter, appels au renversement du gouvernement chinois cohabitent avec photos de manifestant qui arborent le drapeau du Mandchoukouo et celles de l’empereur Naruhito) au mieux une fraude dont on ne sait pas s’il revendique l’instauration d’un empire ou d’une république entre deux ventes de titres et de timbres. Toute tentative de séparatisme a été réprimée très rapidement et leurs leaders mystérieusement disparus. Pékin aurait fait enlever un des leaders du mouvement pro-Mandchoukouo dans les années 2000. En attendant de revêtir de nouveau le costume impérial, le jeune prince, écrivain et artiste réfugié à Taïwan, continue de se faire un nom sur les réseaux sociaux à travers des vidéos très virulentes contre les communistes chinois qui ont arrêté son père (il serait mort en prison). Dernièrement, Vinness A. Ollervides a affirmé que l’élection américaine avait été truquée et que 5 millions de faux bulletins avaient été imprimés en Chine et acheminés aux Etats-Unis, preuves à l’appui d’un complot orchestré depuis Pékin selon lui.
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