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Jin Yuzhang, le dernier Dragon impérial de Chine

Avec la chute de l'Empire chinois en 1911, les membres de la dynastie mandchou Qing vont connaître divers destins. Celui du dernier Empereur, Aisin Gioro Pu Yi fascine encore des générations entières. La Chine a encore un prétendant. De prince à fonctionnaire modèle, Jin Yuzhang a décidé d'ouvrir le livre de sa vie. 

Son nom n’évoque rien au commun des mortels. Pourtant, Jin Yuzhang est l’actuel prétendant au trône de Chine. Ancien serviteur d’État, il a décidé d'égrenner les pages d'une vie bien remplie et de se confier sur  les souvenirs qu'il a partagé avec l’Empereur Pu Yi, le dernier Dragoon impéral,  dont il est le neveu direct.

 

Les derniers Dragons de Chine, de Pu Yi à Jin Yuzhang  @Reddit

Un prétendant méconnu de ses concitoyens 

Jin Yuzhang est un ancien fonctionnaire de 82 ans. Il vit à Pékin, capitale de la République populaire de Chine. Il se déplace difficilement, aidé d’une canne. Dans sa maison, quelques souvenirs en noir et blanc qu’il partage avec son épouse avec laquelle il a eu une fille, née en 1976. Si certains le saluent avec une étrange déférence quand ils le croisent, rien ne distingue pourtant Jin Yuzhang d’un autre Chinois, si ce ne sont ses illustres origines qu’il évite généralement d’évoquer au tout-venant.

À la presse qui vient parfois le visiter, « cet employé modèle », selon les termes prisés par le Parti communiste chinois (PCC), ouvre parfois le livre d’une vie bien remplie au service de la nation et de la communauté. Jin Yuzhang est le petit-fils du prince Zaifeng, second prince Chun. Ce dernier est surtout connu pour avoir été le père du dernier Empereur de Chine, Ainsi Gioro Pu Yi (1906-1967). Dans le pays du Dragon rouge, ses prédicats d’altesse royale n’ont plus aucune valeur. Si le régime surfe sur la notoriété de son histoire, de ses palais, l’existence des membres de la famille impériale est soigneusement effacée de la mémoire collective. C’est tout juste si on leur consacre quelques articles dans lesquels on rappelle bien que tous ont accepté la bible rouge comme nouvelles paroles bouddhiques.

Sa rencontre et ses souvenirs du dernier Dragon  de Chine

Depuis 2015, Jin Yuzhang est officiellement le nouveau prétendant au trône de Chine. Le titre est là, les honneurs relégués aux oubliettes de l’histoire. Zaifeng n’a guère brillé. Régent de 1906 à 1908, sa gestion du pays a été catastrophique. Il n’est pas arrivé à juguler les nombreuses rébellions qui ont éclaté un peu partout dans l’Empire, miné par la corruption et l’influence européenne. Faible, il s’est laissé dépassé par les événements qui ont profité au général Yuan Shikaï, son ministre chargé plus tard de négocier avec les républicains qui mettent à bas la monarchie en 1911. Jin Yuzhang n’a pas connu cette période, mais se souvient bien du dernier Empereur que le destin et les Japonais ont replacé sur un trône fantoche : le Mandchoukouo. Une vie qui a été porté à sur grand écran grâce au producteur Bernardo Bertolucci qui a signé une oeuvre cinématographique magistrale en 1987.

Jin Yuzhang a rencontré pour la première fois Pu Yi durant l’hiver 1959. Capturé par les Soviétiques à la fin de la Seconde Guerre mondiale, rendu aux Chinois, le souverain avait été envoyé en camp de rééducation afin d’en faire un homme nouveau.  «  Mon père, ma cinquième tante et d'autres personnes sont allés le chercher à la gare. Il est rentré à la maison, vêtu d'une veste et d'un pantalon en coton fournis par l'Institut de gestion des criminels de guerre de Fushun. Tous les membres de la famille étaient présents ce soir-là. Comme c'était une période difficile, chacun avait apporté ses deux taels de coupons de nourriture. », se rappelle le prince. Il se souvient d’un homme qui passait son temps à s’excuser. « Je suis coupable, je m'excuse auprès du Parti et je m'excuse auprès du peuple. », ne cessait de dire Pu Yi à ses interlocuteurs. Il ne parlait guère de cette période où il avait été le jouet des Japonais, animé par une seule volonté de récupérer un trône qu'il aura occupé par trois fois ( 1908-1911, 1917 et 1934-1945). 

Son neveu évoque l’Empereur avec un regard circonspect et intrigué. « Pu Yi était très enthousiaste à l'égard de sa nouvelle vie et de la nouvelle société, mais en raison de son expérience de vie particulière, il manquait cruellement d'expérience de vie et faisait beaucoup de blagues. Par exemple, quand il voyait quelqu’un balayer la rue, il prenait un balai pour l’aider à balayer le sol. Il baissait la tête et balayait tout le chemin, mais quand il avait fini de balayer, il se rendait compte qu’il était perdu. », explique Jin Yuzhang au Journal de la Conférence consultative politique du peuple. « Lorsqu'il devenu membre du Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois, il s'est rendu un jour à Pékin, pour faire confectionner un costume. Lorsqu'il a essayé la chemise, il l'a portée avec le boutonnage à l'arrière », se rappelle-t-il. « Le Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois a organisé une visite d'un site touristique. En raison de son manque de bon sens, Pu Yi s'est retrouvé coincé dans la porte à ressort de la salle de bain. Il n'a pas bougé et n'a pas appelé à l'aide. Il n'a été découvert que lorsque tout le monde est monté dans le bus qu’on s’est aperçu qu’il manquait à l’appel. Finalement, quelqu'un l’a trouvé, attendant que quelqu'un vienne le secourir », ajoute encore le prince.

Un prince élevé dans le respect des préceptes maoïstes

Jin Yuzhang se dit toujours étonné que l’on se souvienne toujours de Pu Yi et de son frère Pu Jie. Le prince Pu Ren (1818-2015), troisième frère de l’Empereur, est le moins connu. Pourtant, c’est le père de Jin Yuzhang sur lequel son fils porte un regard attendrissant. « Mon père était  connu à l’école pour son sérieux, sa gentillesse et son sens des responsabilités. Il était très ponctuel. Pour le cours de 8 heures, il s'habillait souvent à l'avance, prenait sa clé de vélo, s'asseyait près du lit, regardait l'horloge sur le mur et attendait. Il se levait et partait quand l'heure était venue tous les jours, sans exception », raconte-t-il avec fierté« Lorsqu'il effectuait une patrouille de nuit à l'école et qu'il a surpris un élève en train de détruire des tables et des chaises, il a utilisé une lampe de poche pour éduquer sérieusement l'élève et a également travaillé avec lui pour déplacer les tables et les chaises et les sécuriser. Il a passé toute sa vie à enseigner et à éduquer les gens », affirme-t-il.

Son père a connu Pu Yi uniquement sur le trône du Mandchoukouo. Il a toujours jugé que son frère aîné avait fait preuve de faiblesse vis-à-vis des Japonais, incapable de deviner leurs intentions. Jin Yuzhang défend la mémoire de sa famille et assure qu’ils ne sont pas «  les ordures nationales » dépeintes peu après la chute du Mandchoukouo. Pu Ren a très vite adhéré aux principes du parti communiste dont il a été un membre de l’assemblée consultative. « Quand ma fille était petite, elle avait peur d'un nettoyeur atteint de nanisme dans l'allée et n'osait pas le saluer. Mon père, contrairement à sa douceur et sa gentillesse habituelles, a sévèrement critiqué sa petite-fille et lui a dit qu'il n'y avait pas de haut ou de bas dans les emplois. Ce nettoyeur soutenait sa famille par son travail acharné et contribuait à un environnement propre. C'était la personne la plus respectable que j’ai connu », explique t-il ému.

Le prince Zaïfeng et Jin Yuzhang @PCC/Wikiocmmons

 

Un fonctionnaire modèle du nouvele empire rouge

Jin Yuzhang a toujours voulu suivre la voie de son père. » En tant que fils aîné, j'espérais ardemment partager la pression de la vie de mes parents grâce aux subventions supplémentaires que me rapportait mon travail au Qinghai », poursuit celui qui a fait des études de géologie, diplômé en 1968, en pleine révolution culturelle.  Il a travaillé dans la province du Tibet durant 17 ans avant de pouvoir revenir à Pékin à la suite d’une promotion interne, muté au Bureau de la protection de l’environnement du district de Chongwen dont il est devenu le maire -adjoint en 1999. Un poste qu’il va occuper durant 4 mandats. Devenu le directeur adjoint du Comité des affaires ethniques et religieuses du PCC, le prince se dit fier de ses origines mandchous et du travail accompli. Il honore chaque année ses ancêtres en se rendant sur leurs tombeaux restaurés. « Cette identité est portée par le sang et ne peut être abandonnée ou forcée ; elle n’est ni une honte ni une fierté. Pour les membres de la famille qui ont la chance d’être pris en charge et aimés par le Parti et le pays et de pouvoir jouer un rôle, faire leur part alors que les temps changent n’est pas seulement remplir les devoirs d’un membre du PCC, mais aussi une responsabilité envers la famille et la société »,  explique le neveu de Pu Yi.

Il ne revendique pas de trône, ignore même que certains Chinois de la diaspora sont nostalgiques d’une période qu’ils n’ont pas connue et ne croit pas en la restauration de l'Empire. Vice-Président du PCC de de Chongwen, il se consacre désormais à améliorer le bien-être des personnes âgées. « J’espère que la société pourra attacher de l’importance au travail des personnes âgées, pas seulement se contenter de crier des slogans, mais faire des choses concrètes », espère Jin Yuzhang. Pétri d’humilité, le prétendant au trône impérial a entamé le dernier chapitre de sa vie. Il n’a qu’un seul regret. Ne pas en avoir fait plus pour ses compatriotes et son pays qu’il aime tant.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 21/02/2025

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