Le prince Yi Won, gardien de la mémoire nationale coréenne
Le prince Yi Won, gardien de la mémoire nationale coréenne
Vieille de cinq siècles, la monarchie coréenne a été brutalement abolie en 1910. En dépit des vicissitudes de l’Histoire, les descendants de l’Empereur Gojong continuent toujours d’assumer leurs devoirs. Pays divisé en deux entités territoriales par les affres d’une guerre civile, le prince Yi Won est un des prétendants au trône de Corée. Il a récemment accordé une interview aux médias locaux et revient sur son rôle actuel.
Le 11 janvier 2023, une douzaine de membres de la maison impériale Joseon se sont rendus au mémorial de Honggyureung qui abrite les tombes des différents monarques qui se sont succédé sur le trône de Corée. À la tête de cette délégation princière, Yi Won, 60 ans, actuel chef de cette famille qui a régné sur le « Pays du matin calme » durant cinq siècles. Au centre d’une querelle entre la Chine et le Japon, c’est cette dernière nation qui impose finalement un protectorat sur la Corée devenue entre-temps un empire. Sunjong (1874-1926) fera office de dernier souverain, fantoche entre les mains des Japonais qui n’ont pas hésité à orchestrer l’assassinat de sa mère, l’impératrice Myeongseong, en 1895. Son père Gojong a même été destitué en 1907 avant que Tokyo n’impose ses nouvelles conditions à travers un traité qui fera progressivement perdre toute indépendance à la Corée. Trois ans plus tard, l’Empereur Sunjong est finalement destitué, mis en résidence surveillée au palais de Changdeokgung où il rendra l’âme. La Corée devient alors une colonie du Soleil-Levant, ses femmes réduites à la prostitution pour les soldats japonais.
Une maison impériale soumise au Japon
Le destin de la maison impériale va être désormais liée à celle du Japon. Le prince héritier Yeong Yi Un (1897-1970) va collaborer étroitement avec les forces d’occupation, à la tête de plusieurs régiments de l’armée du Kwantung qui opère au Mandchoukouo et devient même membre du Conseil suprême de Guerre. Lorsque la Corée est libérée (1945), les Américains décident de ne pas rappeler les princes et favorisent la mise en place d’une République qui refuse d’accorder le moindre traitement de faveur aux héritiers de la couronne. En dépit d'une résistance monarchiste, aucun d'entre-eux n'a pris le risque de la rejoindre. Il faudra attendre 1963 avant que la maison Joseon ne soit autorisée à revenir dans le pays et se réorganiser. Au sein de l’association de la famille royale Jeojon Lee, les différentes lignes de cette dynastie quasi-millénaire se sont réunies avec une seule mission : être les gardiens du patrimoine culturel coréen.
Père de deux enfants (Yi Kwon, né en 1998 et Yi Yeong, né en 1999), le prince Yi Won a récemment accordé une interview au quotidien MK. Honorer l’esprit de l’Empereur Gojong est un devoir pour ce prétendant au trône qui rappelle que le souverain a « proclamé l'empire coréen pour protéger le pays des puissances impérialistes ». « Les ambitions des pays voisins entourant la péninsule coréenne n'ont pas changé de nature. Si la Corée ne veut pas répéter les erreurs du passé, il faut avoir une juste vision de l'Histoire » précise-t-il. En 2005, il a pris le nom de règne de Hwang Sa-son. Ce qui signifie « descendant de la famille impériale » . Son accession au trône de jure reste entourée d’une controverse et il est contesté dans ses droits par d’autres branches. Il ne souhaite pas évoquer les querelles dynastiques, préférant se consacrer à ses devoirs. « Au début, j’ai fait des erreurs car je n’étais pas préparé à ce rôle. Au fil des années, j'ai réalisé que les activités qui montrent l'essence de mon rôle sont plus importantes que les événements ponctuels auxquels j’assiste » explique le prince impérial. Il ne cherche pas plus à récupérer les palais de sa famille en dépit de l’insistance de certains membres de la dynastie qui le pressent de les réclamer au gouvernement sud-coréen.
Récuperer les trésors de nation, un credo pour le prince Yi Won
Son combat pour la préservation des biens culturels coréens a porté ses fruits. En 2019, il a pu obtenir auprès du Smithsonian Museum de Washington DC, situé aux États-Unis, des objets ayant appartenu à la maison impériale. Dans la foulée, le Japon a également accepté de rendre des objets de la dynastie Joseon. Le combat continue. Une « couronne portée par les rois et les princes héritiers lorsqu'ils exercent des fonctions gouvernementales et le casque et l'armure de l'empereur Gojong sont toujours en possession du Musée national de Tokyo » regrette le prince Yi Won. Il aimerait toutefois entrer en possession de la maison occupée dans la capitale japonaise par le prince héritier Yeong Yi Un. « Elle est malheureusement occupée par une société qui a eu ses criminels de guerre » déplore cet ancien responsable de la production audiovisuelle Keumgang Communications.
Les Joseon dans le méta verse
Il souhaiterait être un médiateur pour le gouvernement coréen et s’approprier tous les moyens modernes que son temps lui offre. « Au cours de ces 10 dernières années, des tensions entre la Corée, la Chine et le Japon se sont produits périodiquement. Je pense que mon rôle est de démêler un peu cette situation compliquée et de réduire tout risque de conflit à venir » prétend-t-il. Président du Centre culturel de la famille impériale coréenne, il a le soutien d’un mouvement monarchiste local qui a néanmoins peu d’assises politiques. « Nous réfléchissons aux moyens d'accroître l'intérêt des Coréens pour leur histoire. Un exemple représentatif est la mise en œuvre de contenu lié à la famille impériale dans le méta verse » dit-il fièrement. Un moyen comme un autre de rendre pérenne et pour l’éternité la maison impériale Joseon largement réhabilitée depuis le début des années 2000.