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Yi Seok, le dernier prétendant au trône de Corée

Monarchie abolie en 1910, les descendants de la Maison impériale de Corée continuent de jouer un rôle au pays du Matin calme. Pour autant, la République refuse de leur reconnaître le moindre statut. Un souhait du prince Yi Seok, prétendant au trône. 

La péninsule coréenne, au carrefour des ambitions impériales chinoises et japonaises, a longtemps été un champ de bataille politique et économique permanent. La dynastie Joseon, fondée au XIVᵉ siècle, voit son règne vaciller à la fin du XIXᵉ siècle, lorsque le roi Kojong signe un traité commercial exclusif avec le Japon en 1876, amorçant une série de tragédies pour la monarchie. Aujourd’hui, le prince Yi Seok, descendant direct de cette dynastie, incarne l’héritage d’une monarchie disparue, entre mémoire historique et réinvention culturelle.

Un prince, héritier d'une monarchie endeuillée par la tragédie

A 82 ans, il porte sur ses épaules l’héritage d’une monarchie unifiée. Il est né dans une aile du palais de Gyeongbokgung. Un vaste complexe, témoin d’un assassinat particulièrement violent. Dans la nuit du 8 octobre 1895, des rônins japonais pénètrent dans l’enceinte royale, profitant des combats qui ont éclaté entre soldats coréens et japonais. Ces derniers ont délibérément provoqué un incident pour détourner l'attention des premiers. Les rônins entrent dans la chambre de l’impératrice Myeongseong et l’assassine sauvagement. Un meurtre qui frappe la monarchie en plein cœur et qui sonne comme une victoire pour un Japon conquérant qui se débarrasse d’une opposante publique à Tokyo. Premier acte d’une tragédie qui va bientôt changer le visage de l’Asie pour des décennies.

Le prince Yi Seok n’a pas connu l’Empereur Kojong. Il est mort en 1919 dans des conditions suspectes. Un mystère entoure encore aujourd'hui son décès. Il est probable qu’il ait été aussi la victime d’un empoisonnement sur ordre des Japonais. Soucieux de préserver l’indépendance de la Corée, Kojong avait tenté de la faire reconnaître à la première conférence de la Haye (1899). En vain. Contraint de céder la couronne en 1907 à son fils, Sunjong, ce dernier ne règnera que 3 ans avant de devoir à son tour signer son acte d'abdication via un traité d’annexion de son pays au Japon.

C’est un tout autre chapitre de la maison impériale que Yi Seok a vécu. Il est le fruit des amours du prince Yi Kang et de Yi Hui-chun, une de ses 14 concubines. Son père fut une figure du mouvement de résistance aux Japonais avant de s’enfuir à Shanghai où il est accueilli par les républicains. Son périple le mène en Mandchourie où reconnu, il est alors renvoyé en Corée. Yi Kang va alors décider de collaborer avec les Japonais qui lui accordent une liste civile substantielle. C’est dans ce contexte que Yi Seok grandit au palais impérial, surveillé par les autorités japonaises qui promettent un retour sur leur trône à une dynastie devenu l'ombre d'elle-même. Resée le symbole de résistance pour les Coréens, dont le pays est devenu l'objet d'un commerce d'esclaves du sexe pour les officiers du Tenno qui prennent leurs vacances dans cette péninsule, la fin du conflit mondial (1945) ne sera pas  pour autant synonyme de liberté pour la dynastie.

 

 

Déchéance et regain d'intérêt pour la monarchie

Accusé d’avoir collaboré avec les Japonais, le mouvement monarchiste est interdit, ses leaders passés par les armes et bien que lui-même descendant d’une famille royale, Syngman Rhee, leader républicain et nouvel homme fort du pays, expulse la famille royale de ses palais. Avant de lui confisquer tous ses biens. La guerre de Corée qui va diviser en deux le pays, avec un Nord acquis aux communistes, un Sud tourné vers l’Occident force la maison impériale à se réfugier sur une péniche américaine avant de partir vivre dans un monastère.

Adieu les ors des palais, la pauvreté et les jours difficiles deviennent les compagnons de jeu du prince Yi Seok, qui perd son père en 1955, peu de temps après qu’il se soit convertit au catholicisme, puis sa mère en 1964. Ironie de l’histoire, la maison impériale avait longtemps combattu cette religion égalitaire et qui refusait de sacrifier aux ancêtres. Yi Seok se découvre une passion pour la chanson. Le prince tente de se faire crooner sans réellement percer avant de partir effectuer son service militaire. Direction le Vietnam sous l’uniforme étoilé des Etats-Unis où il sera blessé au combat à l’épaule en 1966. 

La Corée ne reconnaît plus de statut à sa famille régnante, lui bloque tout poste de diplomate (il parle couramment espagnol). Il émigre en Amérique du Nord en 1979 où Yi Seok disparaît des radars de l’Histoire, sa passion, avant que celle-ci ne le rattrape une décennie plus tard. Le mur de Berlin tombe (1989), on reparle de réunification entre les deux Corées, la maison impériale entend jouer son rôle.

La République associe sa Maison royale mais ne lui reconnaît aucun statut

« L’intérêt des internautes grandit au fur et à mesure que des articles sur la maison impériale sont publiés » constate l’agence Kpenews. La maison impériale a été réhabilitée depuis le début des années 2000 et les soap-opéras sur la monarchie, y compris dans des versions futuristes, se sont multipliés. Comme, « The King : Eternal monarch » (Le roi, un monarque éternel) qui a cartonné » en Corée du Sud et drainé des millions de sud-coréens devant leurs écrans. La monarchie est redevenue à la mode. On s’habille comme autrefois, on visite les palais royaux et on redécouvre l’histoire tumultueuse d’une dynastie divisée entre ses différents prétendants. Yi Seok est d'ailleurs le prétendant au trône de Corée depuis 2005 et le seul reconnu par les autorités actuelles. Il est à la tête de « l’Association pour la préservation impériale », qui entend préserver la culture coréenne à travers son histoire monarchique. Ce n’est pas un inconnu pour ses compatriotes. Le prince s’est même essayé à la politique. Il a pris la vice-présidence du (défunt) parti libéral –démocrate « Saenuri » entre 1998 et 2000 avant de rejoindre le Parti de l’Espoir coréen, en charge des arts et de la culture jusqu’en 2004, échouant de peu de se faire élire au parlement.

Bénéficie-t-il aujourd'hui d’un statut non officiel ? Officiellement non, la République tolère ses princes mais refuse pour autant de les mettre en avant. C’est pourtant la question que s’est récemment posée la presse coréenne qui ne tarit pas d’éloges sur ce prince qui a été très actif durant la crise du coronavirus, distribuant nourriture et argent au plus démunis. Invité à participer aux cérémonies d’hommage à l’empire en 2017, le prince est depuis l’objet d’une bien étrange attention de la part de la municipalité de Jeonju où il réside et a enseigné. L’agence d’information Kpenews a révélé que le gouvernement allouait un budget de 20 millions de wons (soit 14 millions d’euros sur les 66 millions distribués au nom de la culture à diverses fondations) aux descendants de l’empereur Kojong et à leurs activités afin qu’ils soient les ambassadeurs de la culture coréenne dans le monde. « Lorsque les ambassadeurs étrangers visitent Jeonju, bien avant le maire c'est le prince- président de la Fondation culturelle impériale qu’ils viennent saluer d’abord. C’est bien qu’il y a bien une reconnaissance de fait », confie avec modestie un agent administratif de la mairie de Jeonju. Il est vrai que le prince a représenté déjà et par deux fois son pays au Mexique et en Allemagne. « Il ne s'agit pas de nier le système démocratique de nos institutions, mais de le relier à l’histoire, la culture et les traditions dont la famille royale est la dépositaire, même si nous n’avons qu’un rôle symbolique au côté du président » , explique de son côté Yi Seok. 

Les héritiers d'un empire dechu

Une succession au trône assurée

La succession a été d’ors et déjà assurée. En octobre 2018, le prince Yi Seok a désigné Andrew Lee Seok, 41 ans, son neveu pour lui succéder. Jeune entrepreneur américano-coréen, il est le fondateur d’une société qui promeut l’utilisation de la VPN sur internet. Une passation qui avait été largement médiatisée en Corée comme dans la presse internationale devant un parterre de personnalités politiques prestigieuses comme le Premier ministre des Bermudes ou le sénateur afro-américain de Californie, Mark Ridley-Thomas. Questionné sur son futur rôle de prétendant, le prince héritier a répondu très sérieusement « que la famille impériale n’était en aucun cas la définition d’un passé révolu mais qui restait en première ligne du combat pour l'unité »

Être le « dernier prince de la dynastie Joseon est un fardeau en raison de la longue histoire de notre famille », rappelle cependant Yi Seok. La restauration de la monarchie en 2024 pour mettre fin aux crises politiques qui se succèdent dans le pays ? « Je ne pense pas qu'il faille un monarque royal absolu aujourd’hui », affirme Yi Seok, interrogé par le South China Morning post. « A vrai dire, je ne pense pas que la Corée ait besoin de ça maintenant ni le monde ... Mais en même temps, je pense vraiment que si nous avions la figure d’un véritable champion à la tête de l’état, ce ne serait pas non plus une mauvaise chose ». « Andrew est un jeune homme décent. C'est un jeune entrepreneur qui aime la Corée… (...) Ce jeune homme brillant, plein de vie, fera assurément faire quelque chose de bien  pour mon peuple », conclu le prétendant au trône.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 04/12/2024

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