C’est une élection qui a tenu en haleine le Mysore. Le prince Yaduveer Krishnadatta Chamaraja Wadiyar, héritier d’une monarchie emportée par la décolonisation, véritable État dans l'État, a été élu député nationaliste de cette province de la République d’Inde.
En mars 2024, il a créé la surprise en annonçant sa participation aux élections générales, sous les couleurs du BJP, le parti nationaliste du Premier ministre Narendra Modi. Il a fallu peu de temps pour que la toile s’enflamme d’autant que le candidat, Yaduveer Krishnadatta Chamaraja Wadiyar, n’est autre que l’héritier d’une longue lignée de maharajas ayant régné sur l’état princier de Mysore. Né le 24 mars 1992. Ce passionné de musique, d’histoire et de course de chevaux a fait ses études à Bangalore, d'abord à la Vidya Niketan School, puis à la Canadian International School. Par la suite, Yaduveer Krishnadatta Chamaraja a obtenu un diplôme de premier cycle en littérature anglaise et en économie à l'Université du Massachusetts.
Une dynastie indissociable de l'histoire de l'Inde
Yaduveer Krishnadatta Chamaraja est issu de la dynastie Wadiyar qui, selon la légende, descend directement de la déesse Krishna. C’est au cours du XIVe siècle que cette maison royale a émergé en Asie et s’est établie comme une puissance en 1555 après la chute de l’Empire hindou Vijayanagara dont le Mysore était le vassal. Après un interrègne entre 1760 et 1799, la dynastie a été finalement restaurée sur son trône. Affaiblie, elle ne résiste pas à l’assaut des Britanniques qui ne tardent pas à fondre sur la royauté en 1831. En s’appuyant sur ses monarques, les Anglais s’assurent un allié fidèle à leur couronne qui s’impose doucement en Inde. Parmi les nombreux souverains les plus notables de cette famille prestigieuse, Chamarajendra Wadiyar X (prince de 1868 à 1894) va révolutionner le mode de gouvernement de son royaume en instituant le premier parlement élu démocratiquement du pays, en réformant et industrialisant considérablement le Mysore. Krishnaraja Wadiyar IV (prince de 1894 à 1940) va poursuivre les réformes de son père, loué par les philosophes et les politiciens (y compris du Mahatma Gandhi) pour son habileté politique. Un maharaja dont la fortune sera estimée à plus de 400 millions de dollars à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Un conflit qui va ouvrir la voie à la montée des nationalisme et des désirs d’indépendance des Indiens. La monarchie de Mysore sera emportée avec la fin de la colonisation britannique (1947). Son dernier souverain, Jayachamarajendra Wadiyar (1919-1974) signe le document qui autorise son état à rejoindre l’Union trois ans plus tard.
Le retour des Maharajas dans l'État de Mysore
Yaduveer Krishnadatta Chamaraja Wadiyar est un prince adopté, issu d’une branche cadette. C’est sa grand-tante, Pramoda Devi Wadiyar, qui a pris cette décision après le décès de son époux, le prince Srikantadatta Wadiyar. La succession a été rapidement validée par le conseil royal et le prince a pu être couronné comme « Maharaja de Mysore » lors d'une cérémonie privée en 2015. « Mon rôle sera de garantir que cet héritage, notre héritage, reste vivant » avait alors déclaré le nouveau monarque en titre à la chaîne NDTV. Bien que la monarchie soit abolie, la dynastie reste indissociable du quotidien des habitants de Mysore qui ont été des milliers à suivre le couronnement. Père d’un garçon (né en 2017), le prince Yaduveer Krishnadatta Chamaraja est une personnalité locale dont le visage est révéré, un État dans l'État. Rien d’étonnant en soi qu’il ait pris la décision de se lancer en politique, suivant d’ailleurs les pas de son grand-oncle, le prince Srikanthadattā Narasimharājā Wadiyar (1953-2013) qui a été élu de nombreuses fois représentant de son état.
En remportant cette élection et en se faisant élire député à l’assemblée provinciale de juin dernier, le prince Yaduveer Krishnadatta Chamaraja Wadiyar a redoré le blason terni de sa dynastie et s’inscrit à nouveau dans une histoire séculaire qui continue de fasciner des générations entières. Un retour en force des maisons royales au sein des parlements locaux puisque plusieurs descendants d’anciennes familles royales ont été élus dans l’État de Madya Pradesh et celui du Rajasthan.
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