Le prince héritier de Surakarta a critiqué le gouvernement indonésien sur ses réseaux sociaux. Il a regretté que son royaume ait rejoint la République, soulignant les problèmes sociaux actuels qui perturbent le bon fonctionnement de l’institution royale.
C’est une sortie peu habituelle pour l’héritier à la couronne du sultanat de Surakarta. Le 4 mars, le prince Adipati Anom (KGPAA) Hamengkunegoro Sudibya Rajaputra Narendra Mataram, 22 ans, a publié deux posts sur son compte Instagram personnel comme le rapporte Kompas.com, site d’information en ligne, ne laissant aucun doute quant à la nature de ceux-ci : « Regret d'avoir rejoint la République » et « La République est inutile si elle ne sert qu'à mentir ».
Si les posts en question ont été rapidement supprimés par la suite, des captures écran de ces deux messages ont été diffusés sur les réseaux sociaux connus et sont devenus viraux dans un pays qui ne souffre pas que l’on remette en cause son institution républicaine. Un régime mis en place au prix d’une longue guerre de décolonisation contre les Pays-Bas, qui s’est achevée en 1949 avec la reconnaissance de l'indépendance de l'Indonésie par Amsterdam, trois après la proclamation officielle de celle-ci.
Une histoire monarchique indissociable de celle de l'Indonésie
Le prince héritier est le fils du sultan Pakubuwono XIII . C’est en 2022 que Hamengkunegoro Sudibya Rajaputra Narendra Mataram a été désigné au titre de la succession de cette monarchie fondée au cours du XVIIIe siècle. Volonté des Néerlandais afin de mettre fin à la guerre civile qui ravage l’île de Java, les colons trouveront avec Pakubuwono II (1710-1749) un allié de poids. Profondément religieux, le souverain réduit les pouvoirs de la noblesse trop ambitieuse à ses yeux, ceux de son Premier ministre trop omniprésent et fait interdire le commerce de l’opium dans toute la monarchie. Les Néerlandaiss interviendront régulièrement dans les affaires de succession au trône, n’hésitant pas à faire redessiner les frontières de Surakarta (ils vont ainsi créer le sultanat voisin de Yogyakarta), ou déposer les rois qui montrent trop de velléités d’indépendance.
Le sultan Pakubuwono X (1866-1939) va d’ailleurs participer et financer la rébellion contre les autorités coloniales. Il est aujourd’hui regardé comme un héros de la libération. Son fils et successeur, Pakubuwono XI (1886-1945) va devoir affronter l’occupation japonaise qui ne va pas laisser de bons souvenirs à la monarchie. Une fois dans le sultanat, Tokyo s’empare des trésors du royaume, taxe impitoyablement sa noblesse. Une méthode si violente que le sultan tombe malade et meurt en juin 1945, trois mois avant le largage par les Américains des bombes de Nagasaki et Hiroshima. Un décès qui provoque une révolution de palais. C’est dans ces circonstances que Pakubuwono XII monte sur le trône, à peine âgé de 20 ans, alors qu’il n’est pourtant pas l’héritier direct. Le nouveau sultan ne va pas démériter et s’illustrera au cours de la guerre d’indépendance.
Une critique qui fait polémique
Avec la proclamation de la République, le sultanat de Surakarta décide de rejoindre l’union, mais perd ses regalia au profit d’un rôle plus symbolique. En 2004, à son décès, son fils Pakubuwono XIII lui succède. Il est devenu le gardien des traditions et du patrimoine javanais. Une succession entachée par des affrontements entre ses partisans et ceux de son frère qui souhaitaient également le trône. Il faudra attendre 2016 pour que Pakubuwono XIII soit enfin couronné, réglant de facto cette crise successorale.
Face à la polémique, le porte-parole du palais à défendu le prince héritier. « Cette déclaration n'est pas le reflet d'une perte de l'esprit de nationalisme, de patriotisme de sa part , mais plutôt une forme de critique et de satire envers les dirigeants actuels », a déclaré Dany Nur Adiningrat. Il a également ajouté que ses posts avaient servi à mettre en évidence « la gouvernance actuelle qui est loin des espoirs des ancêtres des rois du palais de Surakarta qui ont autrefois joué un rôle dans la lutte pour l'indépendance ».
Mais pour les détracteurs de la famille royale, ce sont des messages qui offrent un autre sous-entendu. Le sultanat tente de retrouver ses regalia perdues. Le palais royal dément et a réaffirmé qu’il n’était pas question d’une telle revendication à travers les propos du prince héritier. La polémique n'est toujours pas éteinte.
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