C’est au nouveau Premier ministre Yoshihide Suga que va revenir la lourde charge de gérer la réforme concernant la loi de succession au trône du Chrysanthème. Un changement institutionnel majeur maintes fois repoussé par son prédécesseur et qui divise la Diète (parlement). Actuellement régie par une règle de primogéniture mâle absolue, la couronne impériale est aujourd’hui menacée d’extinction si elle n’accepte pas de mettre « de l’eau dans son saké ». Une «révolution » majoritairement soutenue par les sujets de l’empereur Naruhito.
Fin août, lors d’une conférence de presse, c’est le ministre de la défense Taro Kono qui a relancé le débat sur la réforme de la loi de succession au trône qui agite la Diète japonaise depuis deux décennies. La monarchie japonaise a toujours été régie par une règle de primogéniture mâle absolue, mise en place par l’empereur Meiji au cours du XIXème siècle. Mais à force de mariages inégaux et avec l’adoption de la constitution de 1947, quasiment imposée par les américains, la majorité des branches de la maison impériale exclues de la succession, le nombre de potentiels princes héritiers s’est drastiquement réduit au cours des années pour ne compter aujourd'hui que trois noms : le prince Akishino, frère cadet de l’empereur Naruhito, 55 ans, le prince Hisahito, son fils, 14 ans, et le prince Hitachi, 85 ans, frère de l’empereur émérite Akihito qui a renoncé à sa couronne en 2019. L’avenir de la maison Yamoto repose donc sur les épaules d’un adolescent qui devra engendrer un mâle dès que possible. Une situation qui rend l’avenir de la monarchie japonaise incertain.
La question de la succession au trône n’est pas nouvelle. Au pouvoir, le Parti libéral démocrate ( PLD) s’est toujours opposé à un changement des règles de succession, craignant que l’ouverture aux femmes ne mette fin à la ligne supposée pure de la maison impériale. Pour les ultra-monarchistes, l’éventuelle possibilité qu’une héritière puisse épouser un gaijin (étranger) blond aux yeux bleus est simplement répugnante et « la filiation paternelle, prétendue ininterrompue depuis l'origine de la dynastie, pourrait être brisée ». explique-t-on au sein du mouvement de la Nippon Kaigi. Dans un entretien à la presse, Taro Kono a déclaré qu’il y avait désormais urgence à traiter ce sujet aavant que cela ne devienne « extrêmement risqué pour la dynastie ». Bien qu’il ne soit pas favorable lui-même à la réforme, il a cependant reconnu qu'il fallait « envisager une option permettant aux femmes de rester au sein la famille impériale après leur mariage et de faire monter éventuellement leurs enfants sur le trône ou de réintégrer d'anciens membres mâles de la famille impériale afin qu’ils puissent être positionnés sur la ligne de succession ». Pour le panel d’experts nommés pour trouver les solutions les plus adéquates, « il serait difficile d'obtenir le soutien du public si les descendants naissent roturiers » affirment-ils , citant le cas avec la princesse Mako d’Akishino (28 ans) actuellement fiancée avec un Kei Komuro. Il a même été question de rétablir le concubinat au sein du palais avant que cela ne soit rejeté, « jugé anti-démocratique ». La bataille entre modernistes et conservateurs promet d’être rude. Pour Yoichi Shimada, un universitaire lié au PLD, les commentaires de Kono ne sont pas une «surprise car il est plutôt libéral». « C'était une question urgente il y a quelques années, mais elle a été résolue depuis de nombreuses décennies en raison de la naissance du prince Hisahito», a déclaré Shimada qui ne souhaite pas d’évolution de la loi de succession. Quoique, il tient à nuancer ses propos. «Je suis d'accord de dire qu'il serait souhaitable au moins d'ouvrir à nouveau cette discussion car il n'est pas impossible que quelque chose puisse arriver au prince » reconnait ce conservateur qui n’a pas oublié qu’un homme s’était introduit dans l’école privée du fils du prince Akishino et avait laissé deux couteaux sur son bureau. L’affaire avait fait grand bruit en avril dernier.
Mais si une telle réforme était adoptée, alors la fille de l’empereur Naruhito, la princesse Aiko de Toshi, 18 ans, pourrait ceindre la couronne. Une révolution au Japon qui a pourtant connu plusieurs souveraines ayant exercé les pleins pouvoirs au cours de son histoire tumultueuse. «Le statut de l’empereur est basé sur le consensus du peuple», a déclaré Kono, ajoutant que la question de la succession devait être discutée publiquement. Pour les japonais, la réponse à ce dilemme est déjà toute trouvée. Un sondage publié en octobre 2019 a montré que 82% des sujets de l’empereur étaient favorables à l'avéènement d'une impératrice régnante, prenant exemple sur les monarchies européennes, quasiment toutes féminines dans l’avenir. Un vrai défi pour le nouveau Premier ministre Yoshihide Suga qui ne s’est jamais prononcé sur cette réforme mais qui devrait suivre les positions de son prédécesseur, Shinzo Abe, hostile à toute féminisation du trône du Chrysanthème.
Copyright@Frederic de Natal