Il représentait la puissance japonaise durant la Seconde guerre mondiale, le symbole d’une dynastie millénaire et un nom qui reste à jamais associé aux exactions de son armée en Asie. Mais pour la princesse Mako d’Akishino, il reste simplement Hiro-Hito, l’empereur Showa, un arrière-grand-père qu’elle n’a pas connu et qu’elle honore chaque année au mausolée impérial Musahi. Cette année, en dépit de la pandémie de coronavirus qui frappe le Soleil Levant, la nièce de l’empereur Naruhito est venue s’incliner devant la tombe d’un homme qui a renoncé à son caractère divin et dont la vie continue toujours de passionner comme diviser les historiens.
Elle a le teint frais, un sourire toujours dessiné sur le visage et son prénom semble sorti tout droit d’un manga japonais. La princesse Mako d’Akishino est la nièce de l’empereur Naruhito. A 29 ans, tous les regards sont tournés vers elle alors que son mariage avec Kei Komuro, un de ses anciens camarade de classe rencontré alors qu’elle était étudiante à l’Université chrétienne internationale (UCI) de Tokyo, se fait toujours attendre. Et si la princesse précise qu’il est « difficile d’annoncer quelque chose de précis pour le moment » (d’autant que la famille du prétendant est accusée de lorgner sur la cassette impériale depuis que la presse locale a révélé que la mère du jeune homme est criblée de dettes), Mako d’Akishino continue à assurer les devoirs auxquels elle est astreinte de par son rang. Le 7 janvier dernier, elle est partie au mausolée impérial Musahi afin de rendre hommage à son arrière-grand-père décédé en 1989 et qui a régné six décennies ans sur le Japon, comme régent puis comme empereur.
La photo est impressionnante et résume déjà toutes les ambitions de de l’empire du Soleil Levant. Le 14 novembre 1934, l’empereur Hiro Hito pose devant l’objectif entouré de ses 3911 officiers de l’armée de Terre et de la Marine. Une volonté hégémonique commencée en Corée au début du siècle dernier et qui va progressivement s’étendre sur toute l’Asie au cours des décennies qui se succèdent. Un empire rebaptisé très lyriquement « sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale » par un appareil militaire qui détient la quasi-totalité des pouvoirs et une fidélité sans faille à la maison impériale du Japon dont les origines sont aussi millénaires et que divines. Pour un grand nombre d’historiens, le nom de l’empereur Showa est étroitement associé à ceux du Führer allemand ou du Duce italien, tous membres de l’Axe qui regroupait toutes les nations en guerre contre les Alliés. Les exactions de son armée, en particulier l’Unité 737 qui opérait dans le Mandchoukouo, responsables de crimes de guerre et contre l’humanité, ont entaché un règne agité politiquement et que deux bombes nucléaires vont briser psychologiquement. C’est d'ailleurs encore une autre photo qui va encore marquer les esprits en 1945 et qui met fin à ce conflit mondial : celle de l’empereur marchant dans les ruines d’Hiroshima, ses sujets meurtris dans leurs chairs et front contre terre au passage du Tenno qui va bientôt renoncer officiellement à « son caractère divin à forme humaine » pour adopter des apparats plus modernes et constitutionnels.
Le mausolée impérial Musahi accueille deux empereurs et deux impératrices. Selon le Kunaïcho, qui gère les affaires administratives de la maison impériale d’une main de fer, il n’est pas prévu que l’empereur-émérite Akihito et son épouse y figurent, ayant choisi de se faire incinérer quand il sera l’heure pour eux de s’assoir aux côtés de la déesse Amaterasu. Ce n’est pas la première fois que la princesse Mako d’Akishino vient présenter ses respectueux hommages à Hiro–Hito. C’est même l’objet d’une véritable cérémonie traditionnelle où l’empereur lui-même doit revêtir le kimono et venir plier l'échine devant l’esprit de son grand-père et tous ses prédécesseurs qui l’ont guidé dans sa vénérable tâche d’empereur. Pour Mako d’Akishino, un long manteau noir de deuil, chapeau de la même couleur et masques sur le visage assortis de gants blancs et d’un éventail, feront bien l’affaire. Et c’est très lentement que la princesse est venue s'incliner sur la tombe de l’empereur avant de se plier aux rites religieux obligatoires, sous l’œil de la presse tenue à bonne distance. Une cérémonie loin d’être anodine puisque la figure de feu l’empereur Hiro Hito est toujours plébiscitée par les japonais très attaché à leur famille impériale. Bien moins par les historiens qui sont divisés sur sa responsabilité personnelle dans le conflit et qui n’ont pas toujours tranché sur ce sujet dont a été longtemps préservé l’empereur par des américains soucieux de maintenir l’unité du Soleil Levant dans cette partie du Pacifique.
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