« Le Palais national annonce que sa Majesté a démissionné en tant que 15ième roi, et que cette décision entre en vigueur le 6 janvier ». Publié dimanche, le communiqué officiel a surpris toute la Fédération de Malaisie. Sans aucune explication, le sultan Muhammad V a décidé de se retirer d’un trône qu’il occupe électivement depuis 2 ans. Rapidement ce qui était encore 24 heures auparavant l’objet d’une spéculation est devenu une certitude. Le roi de Malaisie a été la victime d’une « Lola Montés » russe aux formes avantageuses.
Elle a 25 ans. Oksana Andreyevna Voevodina est devenue, malgré elle, le centre d’une polémique qui secoue les institutions monarchiques de la Fédération de Malaisie. Mannequin, élue en 2015 miss Moscou, passionnée de patinage ou de BMX, cette diplômée en commerce a épousé le 25 novembre dernier, Muhammad V Faris Petra ibni Sultan Ismail Petra, sultan de Kelantan et roi de Malaisie. Mariage à l’origine secret, des photos n’ont pas tardé à fuiter sur les réseaux sociaux et que Russia Today a eu la primeur de publier, mettant dans l’embarras le gouvernement du premier ministre Mahathir bin Mohamad. Pire, les noces auraient lieu dans une salle de concert, en Russie, au nez et à la barbe de la monarchie qui ne se remet pas de cette abdication, une première depuis son indépendance comme de toute l’histoire de la Fédération de Malaisie.
Et si ce n’est pas la première fois, qu’un souverain abdique pour les yeux ou les d’une femme fatale, Louis Ier de Bavière en 1848 ou Edouard VIII en 1936 pour ne citer que ceux-là, leurs renonciations ont toutes été accompagnées de scandales d’état. Le sultan n’en est pas exsangue. Le gouvernement a déjà fait arrêter 3 personnes qui ont été reconnues coupables de crime de lèse-majesté après avoir copieusement insulté le quinquagénaire souverain sur Twitter. La police malaisienne a annoncé qu’elle ne tarderait pas à embastiller d’autres personnes qui contribuent sur les réseaux sociaux à «donner une mauvaise image de la monarchie à travers le pays » a déclaré le chef de la police royale à Channel News Asia.
Indépendante depuis 1957, cette ancienne colonie néerlandaise puis britannique a adopté comme système politique, le principe de monarchie parlementaire. Considéré comme un chef d’état, le roi n’est pas un monarque héréditaire mais un souverain élu par le conseil des sultans, pour un quinquennat qu’il peut proroger s’il le désire et qui possède très symboliquement le pouvoir exécutif. Entre régime démocratique et autoritaire d’obédience sunnite, la liberté de religion étant très restreinte, c’est le très nationaliste et islamique Front national (Barisan Nasional) qui rythme principalement la vie politique du pays. C’est le 13 décembre 2016 que Muhammad V est monté sur le trône comme Yang di-Pertuan Agong (« celui qui est fait seigneur »). Déjà à la tête du sultanat de Kelantan, créé au cours du XIIIème siècle, il est lui-même le petit-fils d’un autre roi de Malaisie, le sultan Yahya qui régna sur la fédération de 1975 à sa mort, 3 ans plus tard.
Absent du royaume depuis plusieurs semaines, officiellement pour raisons médicales en Allemagne, le roi aurait rencontré sa princesse lors d’une soirée, il y a 18 mois. Convertie à la religion musulmane, se faisant appeler désormais Rihana Oxana Gorbatenko, cette beauté russe divise les malaisiens attachés à la notion de charia. Les ébats aquatiques de ce mannequin lors d’un jeu de téléréalité, « digne de Loana dans Loft Story » nous indique le magazine l’Express, n’ont été du goût des sujets du roi qui ne badinent pas avec la sexualité. Et il importe peu que cette éphémère reine blanche de Malaisie porte désormais un hijab, les malaisiens tirent à boulets rouge sur cette slave qui a fait perdre la tête à leur seigneur, ancien étudiant du prestigieux St Cross College d’Oxford
Depuis cette affaire, de nombreuses photos d’ Oksana Andreyevna Voevodina en tenue affriolante et sexy circulent sur le net, reprises en coeur par tous les tabloïds comme le fameux Daily mail britannique qui révèle que cette native de Rostov-sur-le-Don est aussi …enceinte des œuvres de son royal mari dont elle est tout de même la 3ème épouse. « Une tristesse et un choc » pour les malaisiens qui éprouvaient une certaine sympathie à l’égard de Muhammad V, dont le gimmick « asseyez-vous et ne vous enfuyez pas ! » lancé aux députés lors de l’ouverture de la 14ème session du parlement avait fait rire plus d’un sujet de cet amateur de 4X4 en tout genre.
Un conseil de régence a été mis en place (avec à sa tête le Shah de Perak, le sultan Nazrin Muizzuddin) à l’annonce de l’abdication du roi qui va regagner désormais son sultanat en attendant qu’un nouveau souverain soit choisi le 24 janvier prochain comme vient de l’annoncer, il y a quelques heures, le gouvernement. Car au-delà de cette affaire, se cache aussi des tensions entre ce qui est l’ex-roi de Malaisie et son premier ministre. Dans l’édition de Libération, c’est la politologue Sophie Lemière qui nous met en lumière un conflit larvé entre deux pouvoirs que tout oppose : « la stabilité de la monarchie malaisienne n’est pas en péril. Contrairement à la Grande-Bretagne, dans cette monarchie rotative, le symbole du pouvoir n’est pas dans la personne, mais dans la fonction. Cette démission va redéfinir les relations entre le chef du gouvernement et la royauté en Malaisie, car le roi a la prérogative de nommer le Premier ministre sur suggestion de la majorité des membres du Parlement. Le futur monarque pourra utiliser de son influence dans la succession de l’actuel Premier ministre Mahathir». En effet, force est de constater que cet antisémite notoire, qui a gouverné sans interruption le pays entre 1981 et 2003 « qui pend les gens coupables d'avoir fumé un joint » selon feu l’écrivain sulfureux William S. Burroughs, n’est pas un monarchiste convaincu. Il a fait supprimer l’immunité à laquelle avait droit le roi et ses relations avec Muhammad V étaient plus qu’exécrables. Lors de son investiture en mai 2018, le premier ministre de 93 ans avait du « poireauter » 7 heures durant dans une anti-chambre avant que le souverain ne daigne le recevoir pour l’adouber. Pire, lors des tensions raciales qui ont éclaté l’été dernier contre la communauté chinoise, le roi avait manifesté son mécontentement à l’égard de celui qui est l’un des dirigeants le plus vieux du monde. Ce n’est donc pas sans raisons pour que ce dernier ait été boycotté par un Muhammad V qui n’a pas daigné l’avertir de sa décision, nous précise encore Channel news Asia.
« Sa Majesté espère que tous les Malaisiens continueront à rester unis dans la tolérance et afin de préserver la souveraineté du pays pour que la Malaisie reste ce havre de paix et d’harmonie » a conclu le communiqué royal. Dans le futur « games of throne » qui se joue en coulisse avec en « faiseur de roi » le premier ministre, deux noms se détachent déjà des 9 rois qui composent le Conseil royal : le sultan Iskandar de Johor et le Shah de Perak. En 2016, le sultan de Johor avait affirmé que le trône lui avait été offert avant de le refuser afin de ne pas gêner la rotation monarchique en vigueur. Ayant les faveurs de Mahathir bin Mohamad, il est fort probable qu’il devienne à la fin du mois le nouveau Yang di-Pertuan Agong de Malaisie.
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Publié le 10/01/2019