C'est triomphalement que le roi Gyanendra Shah est revenu à Katmandou. Des milliers de monarchistes se sont rassemblés dans la capitale du Népal et ont réclamé la restauration de l'institution royale. Le gouvernement communiste a refusé la moindre concession à ce sujet.
Ces derniers jours, le Népal a été le théâtre de nombreuses manifestations où une partie de la population a manifesté en faveur du retour de la monarchie, à travers le pays. Treize ans après son abolition par l'Assemblée constituante, la question du rétablissement de la royauté n'a jamais semblé aussi prégnante.
Capitale du " pays des neiges éternelles ", Katmandou a été le cadre d'un impressionnant rassemblement à moto mené par des partisans pro-monarchiques, le 5 mars 2025. Aux cris de "Narayanhiti Khali gara, hamra raja aaudai chhan" (quittez le palais royal, nous faisons revenir le roi), les manifestants ont parcouru près de quatre kilomètres jusqu'à l'ancien palais royal où ils ont tenté de pénétrer de force. C’est dans l’ancien siège du pouvoir royal, depuis transformé en musée national, que les symboles du pouvoir de la dynastie Bir Bikram ont été placés.
L'ancien roi Gyanendra Shah, bien que physiquement absent, semble avoir joué un rôle central dans ces mobilisations. En pèlerinage à l'ouest du pays, il a été accueilli par une foule nombreuse scandant des slogans en sa faveur, notamment "Raja aau, Desh bachau" (le roi doit venir sauver le pays). Une ferveur populaire inédite qui pose plus que jamais une question fondamentale : le retour de la monarchie est-il une véritable alternative politique pour le Népal ?
Les causes de la chute de la monarchie népalaise
La monarchie népalaise a été abolie en 2008 après une série de crises politiques et sociales majeures, en partie provoquée par le massacre de la famille royale sept ans auparavant puis par la confiscation de la démocratie par le souverain. Une décision qui lui a coûté le soutien des principaux partis comme le Congrès népalais. Par la suite, la montée en puissance du mouvement maoïste, qui s'opposait à la monarchie et revendiquait une république, a accentué la pression sur le régime.
En 2006, après une révolte populaire massive (la "Jana Andolan II"), le roi Gyanendra a été contraint de céder le pouvoir et de rétablir les prérogatives du Parlement. Afin de mettre fin à l’instabilité, l'Assemblée constituante a voté la fin officielle de la monarchie et l'instauration d'une république fédérale démocratique et laïque. Pourtant, la période de turbulences politiques ne s’est pas arrêtée, marquée par une instabilité gouvernementale chronique et des tensions sociales persistantes. Epine dans le pied des différents gouvernements communistes qui se sont succédé, les royalistes demeurent une force d’opposition.
Longtemps divisée par des guerres d’égocentrisme, la mouvance monarchiste a fini par se réunifier sous l’impulsion du roi Gyanendra Shah, 77 ans. Un monarque très critique à l’égard de ceux qui l’ont fait tomber et qui a multiplié les déclarations controversées, mettant en colère les maoïstes et autres léninistes plus d’une fois.
Les communistes et marxistes-Léninistes s’opposent au retour du roi
L’annonce du retour du roi a été très mal perçu par les membres du gouvernement. L’ex Premier ministre marxiste-Léniniste Madhav Kumar Nepal a déclaré que " la monarchie ne sera pas réinstallée " et " qu'elle appartient au passé ", "qu'il n'est pas possible d'entendre encore des slogans de cette sorte" dans le pays. Le ministre de l'Intérieur Ramesh Lekhak a exclu la monarchie comme alternative au système républicain. " De la même manière que la monarchie ne peut pas être remplacée par une république, la démocratie ne peut pas être remplacée par l'autocratie. ", a-t-il ajouté.
Tombeur de l’institution royale, l’ex Premier ministre maoïste, Prachanda Dahala interrompu la campagne en cours de son parti qu’il menait pour revenir de toute urgence à Katmandou pour évoquer les derniers développements qui secouent le pays. Divers députés se sont émus du regain de popularité de l’idée monarchique, ont invité le monarque à créer son parti et se présenter aux urnes en lieu et place d’essayer à " déstabiliser " le pays. Le Congrès Népalais a assuré de son côté " qu’il n’avait plus de place pour un roi dans une République ".
Un gouvernement fédéral sous tension
Parallèlement à ces manifestations en faveur de la monarchie, le gouvernement népalais fait pourtant face à une réelle contestation croissante. Le Premier ministre KP Sharma Oli est accusé de mener une politique autoritaire. Récemment, la Chambre des représentants a été le théâtre de vives protestations à son égard, notamment en raison de mesures jugées répressives. Plusieurs arrestations et accusations d’actes de torture perpétrées contre des opposants ont suscité l'indignation, tout comme la suspension des cartes de presse de deux journalistes ayant posé des questions " hostiles " au Premier ministre.
La question de la gestion de l'Autorité népalaise de l'électricité ajoute également à la crise politique et économico-sociale que traverse le Nepal. Kulman Ghising, à la tête de l'institution, est sous la menace d'un renvoi par le ministre de l'Énergie, Dip Khadka, une décision qui pourrait avoir de lourdes conséquences et plonger le Nepal dans le noir total.
Vers un retour de la monarchie ?
Face à cette instabilité politique, les partisans de la monarchie estiment que le retour du roi pourrait ramener unité, paix et prospérité au Népal. Le Rashtriya Prajatantra Party (RPP), fer de lance du mouvement monarchiste, a organisé un rassemblement gigantesque pour accueillir dans la ferveur l’ancien roi Gyanendra à Katmandou le 9 mars. Une manifestation jugée à haut risque par le pouvoir fédéral. Fin 2023, les royalistes avaient tenté de s’emparer de la présidence avant d’être repoussé violemment par la police et l’armée. Des milliers de royalistes ont accueilli le roi à son arrivée, dans une ferveur populaire qui a étonné plus d'un journaliste local sur place. Il a mis plus de trois heures pour rejoindre sa résidence privée. " Nous voulons récupérer notre roi ", " Abolissons le système républicain fédéral et rétablissons la monarchie "," Le roi et le pays sont plus chers que notre vie ", ont crié les monarchistes tout au long du parcours.
Toutefois, si ces manifestations témoignent d'un véritable engouement populaire, la réalité politique demeure complexe. Un retour à la monarchie nécessiterait une profonde réforme institutionnelle et un consensus national, ce qui semble difficile dans un pays marqué par des divisions profondes et qui reste sous le jeu des influences indiennes et chinoises.
Le Népal se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins, entre un passé monarchique qui fascine encore une partie de la population et un présent républicain encore fragile. L'avenir dira si cette ferveur royaliste se traduit par un changement politique concret ou s'il ne s'agit que d'un épisode passager dans l'histoire tumultueuse du pays.
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