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Le Mustang, Shangri-La des monarchies de l'Himalaya

Royaume encastré dans les neiges éternelles de l’Himalaya, le Mustang demeure un Shangri-La encore refermé sur lui-même et dont la monarchie a été emportée avec la révolution népalaise de 2008. C’est le prince Jigme Singhe Palbar Bista qui est l’actuel prétendant au trône de cette royauté, lien terrestre avec le nirvana bouddhique.

Le Mustang, ancien petit royaume isolé niché dans le nord du Népal, continue de fasciner par son histoire unique, sa culture tibétaine et ses paysages spectaculaires. Située à l'abri de l'Himalaya, cette région reculée reste l'une des dernières enclaves éloignées de la modernité où les traditions anciennes perdurent. Il faut d’ailleurs plusieurs heures d'une route escarpée pour rejoindre sa capitale, Lo Mantang, qui abrite à peine un millier d’habitants.

Drapeau du royaume du Mustang@wikicommons

Un royame secret, objet de convoitises, contraint de mêler son destin à celui du Népal

Carrefour commercial, le royaume du Mustang doit sa richesse aux impôts qu’il prélève à toutes caravanes passant son territoire pour rejoindre l’Inde voisine. Des profits substantiels qui vont exciter la convoitise du Népal, alors en pleine expansion militaire. Au cours du XVIIIe siècle, le royaume du Mustang est purement annexé par les Shah de la dynastie Bir Bikram qui règnent désormais sur les neiges éternelles. Pour autant, la monarchie du Mustang n’est pas abolie, garde une certaine autonomie, ses princes désormais assujettis aux rois du Népal et qui vont lier leur destin à ces derniers.

L’affaiblissement du pouvoir des Shahsva profiter à des Premiers ministres (les Rana) avides de pouvoir qui commencent à rogner les regalia des souverains népalais qui se réduisent peu à peu comme une peau de chagrin. Le royaume du Mustang ne sera pas épargné par ses réformes même si celui-ci ne présente pas de danger pour le Népal. C’est dans ce contexte de rivalités permanentes que Jigme Dorje Palbar Bista monte sur le trône de ses ancêtres en 1964, âgé de 34 ans. Éduqué au Tibet, bouddhiste convaincu, le nouveau monarque du monarque est un personnage énigmatique, qui siège parfois au Parlement national avant de retourner dans ses montagnes. Officier (colonel) dans l’armée népalaise, il est auréolé d’un halo de mystères. Il n’hésite pas à accueillir les résistants tibétains qui se sont réfugiés dans son royaume afin de lutter contre Pékin. En 1982, il prend une décision qui va bouleverser la vie des habitants du royaume, l’ouverture de son territoire reculé aux touristes étrangers jusqu’ici interdits d’accès dans cette partie du Népal. 

Le roi Jigme Dorje Palbar Bista  @wikicommons/Boerniefischer

Les communistes mettent fin à la monarchie

Le roi ne proteste pas quand le Népal devient une monarchie parlementaire (1990) mais décide de ne plus siéger à l’Assemblée nationale. C’est dans le silence qu’il va suivre les différents événements qui vont précipiter la chute de la monarchie en mai 2008, renversée par une révolution de palais. Le sort du Mustang reste dans les mains des marxistes qui tergiversent sur cette monarchie que peu ose remettre en question. Une contradiction qui est finalement scellée par un vote, cinq mois plus tard. En octobre de la même année, le roi Jigme Dorje Palbar Bista apprend que le Parlement a décidé de sa destitution. C’est un exil intérieur qui attend ce souverain-bouddha entouré de ses souvenirs. Il a perdu son seul fils, le prince Angun Tenzin, emporté par la maladie, alors enfant. Il ne demeure plus qu’une représentation traditionnelle, privé de ses pouvoirs, à qui le gouvernement prête peu d’importance.

Lorsqu’il décède en 2016, le Mustang organise à son défunt souverain de véritables funérailles nationales. C’est aujourd’hui son neveu, le prince Jigme Singhe Palbar Bista (né en 1957) qui assure les prétentions au trône et qui vit dans l’ancien palais royal. Il continue d’accorder des audiences à qui le souhaite, régnant virtuellement sur un pays qui n’a plus de royaume que le nom. C’est un défenseur du patrimoine du Mustang, qui s’inquiète des changements climatiques affectant la vie de ces Montagnards à la peau rugueuse et patinée. Il est très populaire. À un tel point que lorsqu’il a voulu marier son fils à Katmandou, la capitale du Népal, les habitants du Mustang se sont rassemblés pour le persuader de rester et de le célébrer sur place.

Le roi Jigme Singhe Palbar Bista  au palais royal du Mustang @Wikicommons/Nepal Times

Une institution immuable qui s'adapte aux contraintes de son temps

Pour le prince Jigme Singhe Palbar Bista, rien ne semble avoir changé. Tout est immuable au Mustang en dépit de la gouvernance marxiste-léniniste du pays. « Je n’ai pas ressenti de grandes différences. Le gouvernement nous a retiré notre titre, mais les habitants de notre terre nous aiment et nous respectent toujours. (…) », déclarait à ce propos le souverain déchu au quotidien anglo-népalais Khabarhub lors d’un entretien daté de 2020. Le monarque pense en véritable chef d’entreprise tout en préservant les coutumes qui font la fierté de son pays. Pour visiter son royaume, il faut débourser une somme importante qui est immédiatement réinvestie pour le bien-être des Mustangais et dans le développement des infrastructures hôtelières. « Les clients sont prêts à payer pour un service de qualité ; nous devons leur fournir celui qu’ils recherchent à condition que cela ne soit pas en contradiction avec notre culture », explique Jigme Singhe Palbar Bista, lui-même à la tête d’une maison d’hôtes.

Il suit la politique du Népal, mais entend rester au-dessus des partis, y compris quand des ministres viennent le courtiser. « Oui, ils viennent, mais je ne favorise pas l’un par rapport à l’autre. Quel que soit le parti politique auquel ils appartiennent, ils me respectent. Je n’ai donc aucune inclination pour un parti. Toutes les personnes m’ont la même valeur. Je demande [aux habitants du Mustang-ndlr] de choisir celui qu’ils préfèrent. Je joue un rôle neutre dans les élections », rappelle le prince Jigme Singhe Palbar Bista. Il reste attaché au principe monarchique. « Je pense que la monarchie du Népal aurait dû être transformée en monarchie constitutionnelle et aurait dû être maintenue. Je suis triste que nous n’ayons pas pu la conserver. C’était comme notre protecteur. », ajoute-t-il.

La dynastie est confortée. Il y aura une succession en temps voulu et il régnera encore un roi au Mustang dans les prochaines années. Jigme Singhe Palbar Bista a trois enfants. Une fille qui fait des études de médecine aux États-Unis, un fils qui a obtenu un master en commerce et qui s'occupe de leur maison d'hôtes, et enfin un second qui est devenu un lama en Inde. Une monarchie qui continue d’intriguer et qui demeure encore secrète, incarnation réussie de ce Shangri-La imaginé par l’écrivain James Hilton en 1933 dans son roman « L’Horizon perdu ». Un royaume perdu où le temps est « suspendu dans une atmosphère de paix et tranquillité ».

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 17/01/2025

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