La presse est unanime dans ses titres. Au sein de la coalition marxiste népalaise, c’est la confusion qui règne. Des dizaines de milliers de royalistes ont manifesté à travers Katmandou, capitale de la république fédérale du Népal, et réclamé le retour immédiat de la monarchie renversée en 2008. Acculée et divisée, en proie à de fortes divisions internes, la coalition marxiste au pouvoir depuis deux ans pourrait s’effondrer et annoncer d’éventuelles élections anticipées qui pourraient favoriser les partisans du roi Gyanendra Shah. Un souverain qui se tient prêt à remonter sur le trône de ses ancêtres pour la troisième fois de son histoire.
Après avoir tenté de faire interdire les manifestations pro-monarchies en menaçant de les réprimer durement, le ministre de l’Intérieur de la coalition marxiste a changé soudainement son fusil d’épaules en demandant aux organisateurs de … respecter les consignes de restrictions anti-covid 19 et aux forces de l’ordre de prévenir tout « incidents fâcheux de nature à remettre en cause la paix civile ». Au sein de la coalition marxiste népalaise, c’est l’hallali. La multiplication des manifestations monarchistes, ces derniers jours, a surpris les communistes et les maoïstes dépassés par les événements et qui se déchirent entre deux factions. Samedi 5 décembre, ce sont des milliers de royalistes qui ont déferlé sur la capitale et qui ont réclamé le retour du roi « afin de sauver la nation ». Un échec pour les anciens rebelles, tombeurs du roi Gyanendra Shah en 2008, un succès pour le Rastriya Prajatantra Party (RPP) qui revient en force après sa défaite électorale, il y a deux ans, lors des dernières élections législatives.
Si on est loin des manifestations de 2015 où les royalistes avaient envahi le parlement contraignant le gouvernement à les associer aux affaires de l’état, l’idée d’un retour de la monarchie comme alternative est désormais une option qui gagne du terrain parmi la population épuisée. Y compris parmi les partis qui ont pourtant contribué à participer à la chute de Gyanendra Shah, ombre omniprésente de la vie politique népalaise. Aux côtés du RPP, le puissant parti du Congrès népalais,qui a fait la pluie et le beau temps durant des décennies au Népal, mais aussi des groupuscules de la gauche radicale qui n’ont pas manqué de critiquer vertement la gestion désastreuse du pays par la coalition marxiste du Premier ministre Sharma Oli. « Le roi Gyanendra n'a aucun autre parallèle dans l'histoire du monde. C’est un monarque qui a discrètement abandonné le trône pour donner une chance à d’autres dirigeants. Mais quand on voit ce qu’ils ont faut au cours de ces 14 dernières années, livrant l’état à une corruption endémique, il est clair que son retour est inévitable » explique Keshar Bahadur Bista, leader d’un parti nationaliste qui s’est joint à la manifestation. « La monarchie doit revenir et sauver le pays » ont scandé une nouvelle fois les manifestants qui arboraient des portraits de la famille royale, du roi Prithvi Narayan Shah (fondateur de l’état et de la dynastie) et l’ancien drapeau de la monarchie. « Beaucoup de gens sont mécontents du fonctionnement du gouvernement actuel. Ils considèrent sa gestion du Covid-19 comme catastrophique, lui reproche son échec face à lamontée de la corruption et la mise en place du fédéralisme. Donc, il y a une désillusion générale parmi eux et cette manifestation exprime aussi leur désarroi » explique Biswas Baral, journaliste.
Le compte Facebook du roi Gyanendra Shah a été inondé de photos résumant l’ampleur de la manifestation royaliste tandis que les médias annonçaient que le Premier ministre avait été conspué dans sa ville de naissance. Depuis l’Inde, les nationalistes observent les manifestations avec intérêt. New Delhi ne cache pas qu’elle souhaite le retour de l’institution monarchique afin de reprendre son influence perdue au profit de la Chine. Sur son compte twitter, le Major-général Gagan Deep Bakshi, un officier de haut-rang de l’armée indienne, en retraite, à lui-même réclamé le retour du roi sur son trône, affirmant « que la chose la plus stupide que son pays ait fait, c’est d’avoir autorisé les maoïstes à venir au pouvoir ». Kamal Thapa, leader du Rastriya Prajatantra Party et ancien vice-premier ministre en est persuadé. Sur son compte twitter, il n’a pas hésité à dire que « ceux qui souhaitent le retour d’un état hindou avec une monarchie à sa tête, ne peuvent que se rallier au RPP ». Selon lui, la question d’un retour de la monarchie n’est plus qu’une question de temps.
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