C’est un revers inattendu pour les héritiers du Sultanat de Sulu. Située à l’extrême-sud des Philippines, c’est en 1917 que les Américains ont aboli cette monarchie dont une partie est actuellement occupée par la Malaisie. En octobre 2022, une substantielle compensation a été accordée aux membres de cette maison royale grâce à un jugement prononcé en leur faveur par un tribunal espagnol. Saisie par le gouvernement de Kuala Lumpur, la Cour d’appel de Paris a décidé de faire annuler cette décision.
C’est un contentieux juridique qui dure depuis une décennie entre la Malaisie et les héritiers de l’ancien sultanat de Julu. Situé à l’extrême-sud des Philippines, cette monarchie musulmane a déjà cinq siècles d’existence lorsque les américains décident de mettre fin à son indépendance en 1917. Réputée pour sa culture perlière, elle a également bâti sa fortune sur l’esclavage. Une richesse qui a su attirer toutes les convoitises dont celle de la Malaisie, désormais accusée par les héritiers de cette maison royale d’avoir violé les accords commerciaux signés entre les deux Etats (1878). Les descendants de cette royauté méconnue ont porté l’affaire devant la cour européenne de Justice afin de réclamer des dommages et intérêts à la Malaisie qui occupe une partie de l’ancien sultanat, l’île de Sabah, depuis 1963.
Les héritiers du sultanat de Sulu obtiennent une forte compensation
En octobre 2022, un juge espagnol avait réussi à obtenir un arrêt en leur faveur attribuant à huit descendants du sultan Jamalul Kiram II, le dernier monarque, une substantielle somme se chiffrant à plusieurs millions d’Euros. En dépit du verdict, Kuala Lumpur n’a cessé de tergiverser pour payer la somme due. En février dernier, un tribunal arbitral français avait ordonné au gouvernement malaisien de payer les millions d’euro dévolus aux héritiers de Sulu. Membre de la convention internationale sur l’arbitrage, la Malaisie n’a pas tardé à contre-attaquer dans ce qui est pour elle un véritable enjeu national et qui a déchaîné les passions au sein de cette monarchie constitutionnelle. D’autant que les princes de Sulu ont parallèlement tenté de faire appliquer la sentence en faisant saisir plusieurs actifs malaisiens, y compris ceux des filiales européennes de la société pétrolière et gazière d'État Petronas.
Paris fait annuler la décision de justice
Le 6 juin, la Cour d'appel de Paris a de nouveau jugé l’affaire et décidé que le juge espagnol n’avait pas compétence pour trancher sur ce cas, annulant tous les paiements prévus aux héritiers actuels de la maison royale Sulu. Des princes qui n’ont pas caché leur irritation et pointé du doigt une Malaisie « qui ne cesse de sauter de juridictions en juridictions » pour obtenir un jugement en sa faveur. À l’annonce de ce nouveau verdict, la ministre malaisienne de la Justice a déclaré que les héritiers de Sulu ne peuvent plus chercher à faire appliquer ce qu'elle a décrit comme une « attribution fictive ». « Cette décision, qui est définitive et contraignante, est une victoire décisive pour la Malaisie dans sa recherche continue de recours juridiques, dont la Malaisie est convaincue qu'elle entraînera une défaite complète pour les héritiers et de leurs bailleurs de fonds. Le gouvernement malaisien continuera de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris d’autres actions en justice, pour mettre fin à leurs revendications et garantir ses intérêts» a ajouté Azalina Othman Said qui a fait le déplacement à Paris. Signe de l’importance de ce dossier unique en son genre comme le rapporte le magazine The Diplomat.
Un des prétendants au trône de Sulu, le sultan Muedzul Lail Tan Kiram, a rappelé sur sa page Facebook que l’île de Sabah était occupée illégalement. « Le monde entier sait qu’elle appartient au sultanat de Sulu et non à la Malaisie et non aux Philippines. Nos compatriotes ne doivent pas prêter attention à la propagande noire de la Malaisie (…). L'attribution de cette somme ne peut être annulée par aucun tribunal. N'oublions pas qu'Allah est toujours du côté du juste et de la vérité » a déclaré le prince royal. En 2013, les monarchistes avaient vainement tenté de reprendre le contrôle de l’île de Sabah au cours d’une expédition militaire qui avait été repoussée.
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