Le retour des Shinawatra à la tête du gouvernement royal thaïlandais
Le retour des Shinawatra à la tête du gouvernement royal thaïlandais
La Cour constitutionnelle de Thaïlande a annoncé démettre de ses fonctions le Premier ministre Srettha Thavisin. Une décision qui intervient dans un contexte de crise politique croissante, marquant un nouvel épisode de l'instabilité qui secoue le royaume depuis plusieurs années, avec en fond de toile, le retour des Shinawatra au pouvoir. Une famille qui cristallise les tensions chez les ultra-royalistes.
Depuis le 14 août 2024, le royaume de Thaïlande se retrouve une nouvelle fois en pleine tourmente politique. Nommé il y a un an à la tête du gouvernement, l’homme d’affaires Srettha Thavisin a été démis de son poste par la Cour constitutionnelle de suite à une violation de l’éthique requise par la loi.
Une nomination qui fait tomber le gouvernement royal
C’est la nomination controversée de Pichit Chuenban à un poste de ministre qui a provoqué cette décision. En dépit d’une peine de prison (purgée) pour avoir tenté de corrompre un fonctionnaire de la Cour, le chef du gouvernement avait décidé de maintenir la nomination de cet avocat réputé pour avoir défendu l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, opposant à la junte militaro-royaliste. Face à la polémique, Pichit Chuenban avait dû finalement renoncer à sa charge en mai dernier, un mois après être entré en fonction. Une destitution qui intervient à peine une semaine après la dissolution du parti Move Forward par cette même Cour constitutionnelle. Acteur clé de l'opposition thaïlandaise et largement soutenu par la jeunesse thaïlandaise, Move Forward a été accusé d’avoir voulu abroger la loi sur les crimes de Lèse-majesté, une promesse de campagne. Le parti, qui a obtenu le plus grand nombre de voix lors des élections générales de 2023, a depuis été rebaptisé Parti du peuple, mais son influence reste affaiblie par les décisions judiciaires.
Une monarchie où l'armée et l'élite conservatrice sont omniprésentes
Ce nouvel épisode s'inscrit dans un contexte historique complexe où la démocratie thaïlandaise est souvent mise à mal. Le pays, dirigé jusqu'en 2023 par le général Prayut Chan-o-cha (il a pris le pouvoir lors d’un coup d'État organisé neuf ans auparavant), a toujours oscillé entre régime militaire et tentative de retour à une gouvernance civile. Le parti Pheu Thai de Srettha, arrivé en deuxième position lors des dernières élections, avait réussi à former un gouvernement en s'alliant avec des partis proches de l'ancienne junte militaire. Ce qui avait suscité de fortes critiques quant à l'influence persistante de milieux ultra-royalistes, dans la vie politique du pays. D'autant que les tribunaux thaïlandais, et en particulier la Cour constitutionnelle, sont souvent perçus comme des instruments au service de l'establishment royaliste, utilisés pour affaiblir les opposants politiques. Pour certains analystes, il s’agirait ici d’une manœuvre orchestrée par les élites conservatrices proches du roi Rama X et qui tenteraient de consolider leur influence. La pétition mise en ligne contre Srettha Thavisin, également à l'origine de sa destitution, aurait été d’ailleurs initiée par d'anciens membres du Sénat, eux-mêmes proches de l'armée.
Le retour des Shinawatra au pouvoir : pour combien de temps ?
Afin d’éviter une nouvelle crise politique qui déboucherait sur le retour des militaires à la tête du pays, le parlement a décidé de se limiter aux candidats présentés par les partis politiques représentés à l’assemblée. C’est finalement l’inexpérimentée Paetongtarn Shinawatra qui a été choisie comme prochain Premier ministre. A 37 ans, elle devient la plus jeune dirigeante du royaume et le troisième membre de de la famille Shinawatra, après son père Thaksin (2001-2006) et sa tante Yingluck (2011-2014). Le premier renversé par les militaires, la seconde par la Cour Constitutionnelle. Une nomination qui confirme la domination politique de ce richissime clan basé à Chiang Mai que l'on disait pourtant affaibli. Les partisans de la monarchie (qui restent dans la coalition) ayant eu l’assurance qu’aucune tentative de réforme contre l’institution n’aurait lieu, en dépit de certaines inquiétudes palpables, le choix de Paetongtarn Shinawatra a été validé par le roi Rama X. Un souverain calfeutré dans son palais de Bangkok.
Le roi Maha Vajiralongkorn (Rama X), âgé de 72 ans, souvent décrit comme un monarque controversé, l’un le plus riche du monde avec une fortune estimée à plus de 30 milliards de dollars, reste une figure centrale et adulée dans ce paysage politique fragmenté. En dépit d’une succession qui demeure incertaine, il reste un symbole révéré qui est régulièrement consulté. Proche de l’armée et de l’élite conservatrice, le monarque pourrait toutefois bien revenir sur sa décision si Paetongtarn Shinawatra ne parvient pas à gouverner et apaiser les tensions politiques.