«Nous sommes heureux que ce jour soit devenu une réalité». Largement réhabilitée à l’arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (l’AKP) en 2003, dirigé par Recep Tayip Erdogan, la maison impériale des Osmano?lu demeure un des soutiens à la politique (dite «ottomane») du gouvernement. En dépit des protestations internationales, le président turc a décidé de rendre à la basilique Sainte-Sophie le statut de mosquée qui toujours été le sien de la conquête de Constantinople en 1453 à la chute de la monarchie en 1924. Co-leader du parti Refah, l’arrière-arrière-petit-fils du sultan Abdul Hamid II, le ?ehzade Abdulhamid Kay?han Osmano?lu a accordé un entretien-choc au journaliste Dilly Hussain, spécialiste de l’islam, où il se félicite de cette décision et ne fait pas mystère de son panturquisme.
La décision du président Recep Tayip Erdogan de re-transformer la basilique Sainte-Sophie en mosquée a cristallisé les passions au sein de la communauté internationale. En dépit des protestations, y compris celle du Haut-clergé orthodoxe et catholique, la plus belle prise de guerre du sultan Mehmet II en 1453 a retrouvé pleinement le statut qui fut le sien sous la monarchie impériale. Un pied de nez à Mustafa Kemal Atatürk, le tombeur des sultans ottomans en 1924, qui n’est pas pour déplaire au ?ehzade (prince) Abdulhamid Kay?han Osmano?lu. Pour le descendant du sultan Abdul Hamid II (1842-1918), la décision du président Erdogan est d’une grande importance politique. «La reconversion d'Aya Sofya en mosquée a démontré aux yeux de tous que la Turquie a retrouvé son indépendance nationale. Aya Sofya est d'une grande importance pour les musulmans car elle traduit la puissance de mon ancêtre Mehmet II» a déclaré le prince impérial. «Aya Sofya a été agrémentée de minarets, elle est devenue célébre et a traversé plusieurs siècles de règnes sans tomber une seule fois» précise Abdulhamid Kay?han Osmano?lu. «Ici reposent également les sultans Selim II, Murad III, le Mehmed III, Mustafa I et ?brahim » poursuit le prince qui confesse avoir toujours été indigné de devoir payer un billet d’entrée pour se recueillir devant les restes des membres de sa famille. «Nous sommes heureux que ce jour soit devenu une réalité» se félicite-t-il.
« Des millions de musulmans à l'intérieur et à l'extérieur de la Turquie pensent que la restauration de Aya Sofia en mosquée est un signe positif pour le renouveau islamique dans la région. Partagez-vous ce sentiment ? » lui demande alors Dilly Hussain. Aucun doute en ce sens pour ce prince impérial, nostalgique d’une époque où la Turquie dominait l’Europe et une partie de l’Afrique du Nord. «Je suis d'accord, bien sûr. Tout le monde peut constater que les musulmans du monde entier sont persécutés et qu’il n’y a que la Turquie pour défendre ici leurs droits et les protéger ». « Alors que les Juifs sont protégés par des lois, il semble qu’attaquer les musulmans soit devenu un comportement presque normal. Maintenant, avec ce geste symbolique, nous leur avons démontré qu’il existe un puissant «toit» sous lequel ils peuvent trouver refuge» surenchérit un brin nationaliste Abdulhamid Kay?han Osmano?lu. A 41 ans, cet ancien journaliste co-dirige désormais le parti Yeniden Refah Partisi (ou du «Bien-être») qui se distingue par son idéologie conservatrice et europhobe.
Pour le prince, il est important que la Turquie retrouve le rôle qui fut le sien autrefois. «La république a décidé de l’ignorer alors que notre pays détient une mission historique entre ses mains» affirme le ?ehzade qui est persuadé que les gouvernements précédents ont tout fait pour retarder cette échéance. «Mais l’ordre des choses a changé avec les récentes politiques nationales » mises en place par le gouvernement rappelle Abdulhamid Kay?han Osmano?lu et qui confirme le soutien apporté par la maison impériale à l’AKP qui a même produit en 2012 un super production intitulée « Fetih 1453 » et qui a connu un grand succès dans le pays. A coups de grands effets spéciaux, le film glorifie la prise de Constantinople. Non sans controverses. A la sortie du film, au Liban et en Grèce, les communautés chrétiennes s’étaient offusquées de cette interprétation donnant le beau rôle à Mehmet II alors que le Basileus Constantin XI était présenté sous un jour plus sombre.
«Notre nation a toujours aidé et pris le parti des opprimés contre les oppresseurs. Ils ont été leurs gardiens» poursuit le prince ottoman. «Les Turcs, tout au long de l'histoire, ont été des exemples de gouvernance juste et miséricordieuse» n’hésite pas à prétendre Abdulhamid Kay?han Osmano?lu avant d’ajouter que les «turcs ont toujours fait preuve de tolérance, de justice et ont accordé la liberté de foi et de pensée aux membres de différentes races et religions.». Exit le massacre des arméniens en 1915 pour ne citer que celui-ci. Le prince se fait provocateur et pense savoir «qu’un vaste complot de christianisation orchestré par l'organisation terroriste Fetullah Gulen (FETÖ)» est en cours. «Les musulmans ne tomberont jamais dans ce piège» martèle le prince qui croit en la justice divine. Récemment, il a d’ailleurs réaffirmé le caractère musulman du Haut-Karabakh, «occupé par des gangsters arméniens» et averti les concernés que son pays n’hésiterait pas à intervenir pour «aider leurs frères azéris» traduisant ainsi la volonté d’expansion politique de ce qui fut autrefois la «Sublime Porte».
Lors de la réouverture de la basilique-mosquée Sainte-Sophie, les membres de la famille impériale des Osmano?lu ont été invités par le gouvernement à venir inaugurer la première prière. Sur sa page Facebook officielle, suivie par 150 000 personnes, le prince Abdulhamid Kay?han Osmano?lu a publié, vidéos, interviews de la présence des différents membres de la maison impériale, signant ici leur grand retour depuis l’abolition de la loi d’exil en 1974. Le ?ehzade a également demandé que le gouvernement rapatrie le corps de Mehmed VI, avant-dernier calife de Turquie, qui repose encore en Syrie depuis mai 1926.
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