« Plus que jamais nous devons renforcer notre unité nationale face aux attaques dirigées envers les leaders de l’UÇK (et) être fiers de nos héros de guerre (…) ». Dans un message adressé aux albanais lors des célébrations de la fête nationale, le prince Leka II a demandé à ses compatriotes de faire preuve de cohésion face à la pandémie de Covid-19 et de faire bloc derrière les membres de l’Armée de libération du Kosovo, une unité paramilitaire très controversée, accusant la Serbie d’avoir planifié un génocide contre la communauté albanophone.
Le 28 novembre est un jour important pour l’Albanie. C’est précisément ce jour, en 1912, qu’Ismaël Quemali Bey, un des leaders de la révolte contre l’occupant ottoman, a décidé de proclamer l’indépendance de ce pays des Balkans. L’histoire est en marche et elle va d’abord s’écrire en allemand, très brièvement, avant que n’émerge-la figure tutélaire du roi Zog Ier, grand-père du prince Leka II. L’actuel prétendant au trône a décidé de s’adresser à ses compatriotes et a publié un communiqué aux accents très nationalistes sur sa page officielle Facebook.
« Après le tremblement de terre dévastateur du 26 novembre [2019-ndlr], la pauvreté profonde à laquelle nous faisons face, la crise sanitaire persistante du Covid-19 et les conflits politiques persistants... il est difficile de regarder avec confiance notre avenir ! Mais le mal doit être défié et nous ne devons pas abandonner, au moins pour toutes ces générations qui naîtront et vivront dans notre belle patrie, l'Albanie ». Le ton est donné. Plusieurs fois conseiller gouvernemental, le prince Leka II se pose en futur chef d’état et entend rassembler. Il a redoré le nom des Zogu, longtemps malmené sous le régime pro-soviétique, reste une voix suivie par des centaines de milliers de personnes sur les réseaux sociaux, avec une presse locale qui scrute chaque évènement lié à la maison royale, la seule de confession musulmane en Europe. Très critique vis-à-vis de la gestion de la pandémie par le gouvernement, le prince royal a appelé les différents dirigeants albanophones du Kosovo et de Macédoine du Nord à tout mettre en place afin de protéger la vie de ses compatriotes.
Le choix de ces deux noms n’est pas anodin pour Leka II qui n’a jamais caché, tout comme son père avant lui, sa volonté de réaliser la Grande Albanie. A savoir, réunir en une seule entité toutes les composantes historiques et linguistiques d’Albanie, sacrifiées sur l’autel des grandes puissantes européennes qui se sont déchirées lors des deux guerres balkaniques, prélude à la Première guerre mondiale, et qui fait de la Mitteleuropa, une poudrière constante alimentant de nombreux conflits diplomatiques. Encore aujourd'hui. Dans son communiqué, le prétendant s’est d’ailleurs félicité des résultats électoraux obtenus par la minorité albanaise dans deux villes de Macédoine du Nord, un pays qui a connu un soulèvement armé au début des années 2000. « Plus que jamais nous devons renforcer notre unité nationale face aux attaques dirigées envers les leaders de l’UÇK (et) être fiers de nos héros de guerre (…) » a écrit Leka II en référence à l’Armée de Libération du Kosovo et celle de l’Armée de libération nationale de Macédoine. « Nous devons rappeler à la Cour spéciale que sur le banc des accusés, il faut aussi regarder du côté de ceux qui ont vraiment planifié et exécuté des crimes contre les Albanais » a renchéri le prince qui pointe du doigt l’ancienne entité territoriale de Yougoslavie.
« Il faut absolument réclamer justice pour toutes les actions criminelles et le génocide mis en place par l'envahisseur serbe, le gouvernement de [Slobodan] Milosevic et ses collègues, dénoncer fortement leurs actes criminels, afin de rendre hommage à nos victimes qi doivent retrouver la paix. Parmi elles, je voudrais absolument insister et rappeler que nos sœurs et mères au Kosovo ont subi des violences et qu’elles n’ont reçu aucune excuses de la part de ceux qui aujourd'hui sont dans l'arène politique et évoquent avec cynisme l’importance des valeurs humaines » . Le prince ne mâche pas ses mots et accuse Belgrade et ses milices paramilitaires serbes d’avoir orchestré un génocide contre ses compatriotes du Kosovo, oubliant au passage que l’UÇK et l’UC?K-M sont également accusés de crimes contre l’humanité, d’épuration ethnique et de trafic d’organes humains. Après un long imbroglio diplomatique qui a même causé des tensions entre la France et la Serbie, le président du Kosovo, dont le prince Leka II est proche, Hashim Thaçi a dû d’ailleurs démissionner le 5 novembre dernier et se rendre à La Haye afin d’y être détenu.
« J’ai ce sentiment d’une profonde blessure surtout ces dernières années, où des milliers de familles, de jeunes et de jeunes ont été contraints de quitter leur patrie pour une vie meilleure vers les pays d'Europe de l’Ouest. Il est inexcusable de nourrir cette blessure, en particulier de la part de ceux qui dirigent actuellement le pays et de ceux qui prétendent changer et assumer de hautes responsabilités dans le futur ». Appelant également l’Union européenne a accéléré le dossier d’adhésion e l’Albanie et du Kosovo, le prince Leka entend reprendre la main sur un dossier qu’il connaît bien pour avoir conduit les accords de négociation entre Bruxelles et Tirana (2012). Pour le prétendant au trône, les conditions imposées par l’Europe sont inacceptables en l’état mais il fustige aussi le manque de réformes, notamment sur le plan judiciaire, entrepris par son pays et un gouvernement qui fait peu pour améliorer les conditions de vie des albanais Un prince qui se pose plus que jamais en alternative possible pour son pays.
Né en 1982, le prince Leka a vécu une grande partie de sa vie en exil. Revenu dans son pays en 2002, cet amateur de judo bénéficie du soutien de deux mouvements monarchistes qui ont quelques élus au parlement. Marié à Elia Zaharia, il est depuis quelques semaines le papa d’une fille prénommée Géraldine, en hommage à sa grand-mère, la dernière reine d’Albanie. Il est très impliqué dans divers projets caritatifs et de protection de l’environnement.
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