La monarchie bavaroise s’exporte en Afrique. C’est au Kenya, dans la grande vallée du Rift que le prince Ludwig von Bayern a décidé de s’établir. Plus précisément dans le comté de Turkana qui possède un des plus beaux lacs du continent. Il est l’héritier d’une maison royale emportée par les affres d’une révolution en novembre 1918 et qui a décidé de mettre à profit tout l’esprit fantasque et d’ouverture des Wittelsbach. Devenu un des symboles les plus-en vus de la réussite allemande, cet arrière-arrière-petit-fils du roi Louis III de Bavière, qui incarne aujourd’hui tous les espoirs des monarchistes bavarois, a créé une start-up afin d’aider les jeunes kenyans en difficulté. Il évoque sans détour de tous les sujets : la religion, la monarchie de Louis II, ses soutiens à un parti politique bavarois, les droits des homosexuel(le)s en Allemagne et le but de son projet. Portrait de « Monsieur Bavière ».
Pour les monarchistes bavarois, il est son altesse royale le prince Ludwig. Lui préfère simplement et ironiquement qu’on l’appelle «Monsieur Bavière ». Il est né au château de Kaltenberg, situé non loin de Munich et toujours la propriété de la maison royale. Un lieu magique empreint d’’histoire qui semble tout droit sorti des rêves de Louis II de Bavière. D’ailleurs, ici, enfant, il a assisté à de nombreux tournois de chevalerie organisé par son père, le prince Luitpold. Que pense-t-il donc de ce roi tragiquement disparu dans le lac de Starnberg en 1886 avec lequel il partage le prénom ? « Il avait une grande affection pour son peuple et qui perdure encore aujourd’hui » déclare le prince Ludwig à « l’ Abendzeitung-muenchen » et qui regrette que ce souverain soit devenu « une icône de la culture pop » ou que le cinéma lui ait donné « une image trop caricaturale du monarque ». Quant au mythe qui entoure celui qui fut un amoureux transi de Richard Wagner et qui avait fabriqué un monde onirique autour de lui, le prince Ludwig souhaite qu’il « reste tel qu’il est, un mystère éternel et un héros ». Et pas question de réouvrir une enquête au sujet de sa mort entourée par de nombreuses théories encore moins de l’exhumer pour l’autopsier. Pour le prince, il s’agit d’un « suicide » et « chacun devrait être libre de continuer à faire sa propre opinion sur cette énigme non résolue ».
Le prince a pris conscience très tôt de ses devoirs. Il les assume même si quelque part, il est heureux d’être considéré comme un simple citoyen qui porte sur lui un lourd héritage qu’il se doit de perpétuer. « Je n’envie pas la position du prince William » déclare le prince qui a le même âge que lui, 37 ans.
Quel rôle souhaite-t-il jouer pour la Bavière ? « Notre chef de famille, le duc Franz, défend une sorte de philosophie qui nous explique qu’il est du devoir de tout citoyen responsable de s’engager pleinement pour son pays. De cette manière, il a contribué à développer et financer divers projets dans le domaine de la culture en Bavière ». Ludwig de Bavière a mis à profit cet enseignement. Et c’est en Afrique qu’il a choisi de développer ses projets sociaux. A 16 ans déjà, il démontrait ses talents dans l’informatique en ouvrant sa propre société de logiciels. C’est un prince qui se dit à la fois conservateur et ouvert au monde qui l’entoure. Il n’est pas marié, entend préserver sa vie privée (il refuse de se mettre sur les réseaux sociaux) mais a participé au débat sur le « mariage pour tous » en Allemagne. Ce catholique n’a pas hésité à prendre la défense des droits aux homosexuel(le)s à pouvoir se marier. « L'homosexualité n'est en aucun cas un problème pour moi. C'est une chose très naturelle qui a toujours existé. Je suis heureux que la société en Allemagne soit de plus en plus tolérante à leur égard ».
En 2014, il a pris la tête de la Hilfsverein Nymphenburg et a développé divers projets dont un qui lui tient à cœur, celui d’aider les jeunes africains à accéder aux technologies modernes dans les campagnes afin d’aider le Kenya à se développer. « Je pense que nous sous-estimons toujours l'ampleur du défi que représente le continent africain et que nous devons nous rappeler que nous verrons naître un milliard de personnes supplémentaires au cours des 30 prochaines années, avec un enfant sur deux né en Afrique ». Le prince, cheveux ondulés, demi-longs, une barbe taillée avec précision, entend partager le sort de ses protégés. Il vit dans une tente près du lac Turkana, environ 10 mois dans l’année. Coïncidence de l’histoire, ce lac avait été baptisé au XIXème siècle du nom de Rodolphe en l’honneur de l’héritier de l’empire austro-hongrois. Un prince qui avait du sang Wittelsbach dans les veines et qui devait rendre l’âme tout aussi mystérieusement que Louis II, dans un pavillon de chasse à Mayerling. Son projet est ambitieux mais il a le soutien du gouvernement bavarois qui a offert 500 000 euros à son prince. Il a même récemment organisé une marche à pieds de charité qui a été largement médiatisée en août dernier afin de pouvoir faire construire un vrai campus pour les jeunes kenyans qu’il parraine. Un vrai prince au service du bien commun. Et qui n’en oublie pas la Bavière pour autant qui le lui rend bien.
Le reste du temps qu’il ne consacre pas à l’Afrique, il le donne à son pays natal sous le regard du Christ, une religion à laquelle il est très attachée. Il a participé à quelques commémorations aux côtés d’associations monarchistes mais se garde bien d’évoquer publiquement le retour à l’idée monarchique soutenue par seulement 14% de ses concitoyens.
Il est proche de la CSU, la branche locale de la droite allemande. Tout comme le prince Ruprecht qui tenta d’être un rempart à la montée du nazisme et qui fut des bêtes noires du chancelier Hitler, le prince refuse de voir la montée de l’extrême –droite dans son pays.
Pour lui, être conservateur de droite « ne doit aucunement signifier que l’on doit imposer son style de vie traditionaliste à tous mais bien au contraire tout en restant fidèle à des normes traditionnelles ancrées, laisser de la place à la tolérance des idées neuves venues des uns comme des autres ». Ludwig von Bayern ? Un prince 2.0 de son temps qui tente de réunir tradition et modernité sous un seul blason, celui des Wittelsbach et qui pourrait un jour bien ceindre la couronne de son pays de contes de fées.
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Paru le 17/10/2019