Huis Doorn, dernière demeure de Guillaume II. Un manoir, situé aux Pays-Bas, qui a servi de lieu d’exil au dernier empereur d’Allemagne et un refuge où il a forgé de vains espoirs d’une restauration de la monarchie. Alors que ses héritiers continuent de réclamer au gouvernement fédéral de Berlin la restitution des biens de la maison impériale nationalisés en 1945 , le magazine « Der Spiegel » a révélé que les Hohenzollern avaient également tenté d’obtenir du musée batave, qui entretient la mémoire du Kaiser, que celui-ci leur rende tout le mobilier et objets ayant appartenu au souverain. Un monarque qui a plongé l'Europe dans une folie meurtrière et fratricide de 4 ans.
Lorsqu’il abdique le 11 novembre 1918, le Kaiser Guillaume II prend le chemin de l’exil et part s’installer à Doorn, aux Pays-Bas. Le gouvernement batave est contraint de devoir accepter cet hôte encombrant que les puissances Alliées du Traité de Versailles tentent de faire extrader afin de le juger. Le dernier empereur finira ses jours dans ce manoir aux allures de vaste maison bourgeoise, entouré d’une petite cour réduite et soigneusement choisie afin de ménager les frais de domesticité. Hier tout puissant et conquérant, Guillaume II a le visage d’un homme abattu, résigné et blessé. Huis Doorn va être son dernier royaume des illusions, le lieu de tous les complots et celui des espoirs d’un monarque qui espère que son peuple va le rappeler dans l'euphorie. Depuis son bureau, assis sur sa selle de cheval, il regarde avec amertume son pays, l'Allemagne, plonger dans une anarchie qui va bientôt mener les nazis au pouvoir. Il meurt en juin 1941 à l’âge de 82 ans, sous le regard de sa deuxième épouse, Hermine von Reuss zu Greiz.
Après la Seconde guerre mondiale, Huis Doorn est confisquée par le gouvernement néerlandais qui estime que la propriété a abrité durant des années des ennemis de l’état. En effet, longtemps gardée par des soldats nazis, la villa a reçu nombre de dignitaires du nouveau régime qui entretenaient la flamme d’un retour hypothtique, reçus toujours avec bienveillance par Hermine, une des financières actives du parti nazi, qui se révait en nouvelle impératrice. Transféré à une fondation en 1953, les administrateurs vont transformer le manoir en un vaste musée qui accueille aujourd’hui des milliers de touristes et nostalgiques du second Reich. C’est aussi ici que va se jouer un drame quasi sentimental. En 1952, le capitaine Sigurd von Ilsemann, qui avait accompagné l'empereur à Doorn, se suicide par désespoir dans sa guérite, ultime témoin des dernières heures de Guillaume II, qui avait une affection paternelle et ambigüe pour ce fringant officier et séduisant.
Dans le cadre des négociations en cours entre le prince Georg Friedrich von Preußen, l'arrière-arrière petit-fils du Kaiser, et le gouvernement fédéral, les journalistes du magazine « Der Spiegel » se sont intéressés à la liste des différentes demandes des Hohenzollern. Ils ont découvert qu’en septembre 2014, les avocats du chef de la maison impériale avaient effectué une demande de restitution officielle de tous les souvenirs de l'empereur qui font la richesse du musée. Hors si des discussions ont bien débuté entre les deux parties, sur « un ton agréable », le ton est rapidement monté. Faute d’accord, les avocats du prince ont fini par réclamer la jouissance entière de Huis Doorn et de deux fermes attenantes au manoir, exigeant même un inventaire des différents meubles et objets ayant appartenu à Guillaume II.
« Si Jet Bussemamker (ancienne) ministre néerlandaise de l’Education, de la Culture et de la Science rejette notre demande, le cabinet d’avocats est chargé d’intenter une action en justice » peut-on lire dans un document rendu public et qui prouve que la maison impériale a été au-delà des frontières allemandes pour récupérer ce qu’elle pense lui revenir de droit. Parmi les arguments avancés, le fait que le Kaiser n’ait jamais soutenu le parti nazi et qu’à ce titre, son fils avait demandé en 1946 que la maison impériale ne soit pas expropriée du manoir qu’elle avait légalement acheté. Demande de restitution qui a bien été rejetée en 2015 très « froidement » par la ministre qui a affirmé qu’elle « ne voyait aucune raison de se conformer à cette exigence » des teutons. Il ne semble pas que les Hohenzollern aient finalement mis leur menace à exécution et aient décidé de renoncer à toutes revendications pour se concentrer sur leurs seules propriétés allemandes. Ils ont toutefois conservé leurs droits sur un mausolée, la seule partie du manoir baignée par un parc de plusieurs hectares où le « Deutscher Kaiser » aimait à scier du bois et où il repose pour l'éternité.
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