Il porte un nom prestigieux, vit au Kenya et dans ses veines coule le sang d’une dynastie qui a compté plus d’un personnage fantasque, tous indissociables de l’histoire de l’Allemagne. Le prince Louis de Wittelsbach est l’arrière-arrière-petit-fils du roi Louis III, le dernier monarque de Bavière dont le trône a été emporté par les affres d'un conflit mondial. Résidant en Afrique de l’Est, il a fondé « Learning Lions », une école d’informatique dans la région de Turkana au Kenya, près de la frontière soudanaise et éthiopienne. Chaque année, il organise une récolte de dons dans son land natal et nous raconte aujourd'hui son aventure aux accents d’« Out of Africa ».
C’est un prince engagé qui n’hésite pas à revêtir le costume traditionnel bavarois dès qu’il revient dans son land natal. A 39 ans, Louis de Wittelsbach appartient à une dynastie, une des plus veilles d’Europe, qui fait encore rêver aujourd’hui grâce à ses nombreux personnages truculents, génies ou fous. Il porte le même nom que le dernier souverain de Bavière contraint à l’abdication en novembre 1918, une famille qui a été une des rares à s’opposer à Adolf Hitler et en avoir payé le prix. Aujourd’hui les Wittelsbach comptent de nombreux partisans dans cette partie sud de l’Allemagne et ils sont presque plus de 14% à souhaiter le retour de leur monarchie défunte. Lui, il a préféré s’exiler au Kenya et se rendre plus utile en créant dans la région de Turkana, au Kenya, une école d’informatique pour adultes qui compte 650 élèves.
Jambo bwana ! (« Bienvenue monsieur » en swahili). Chaque année, il revient organiser une randonnée, baptisée « marche des lions », qui part du château de Kaltenberg vers Hohenschwangau, et dont le but est de récolter des dons afin de financer cette institution scolaire de la chance. Pour le prince, il est important d’aller aider les pays en voie de développement à la source même. « Notre campus informatique est maintenant opérationnel, le bâtiment principal est terminé et les cent premiers étudiants sont déjà là. Nous ne pouvons pas accueillir plus pour le moment, nous devons d'abord créer plus d'espace de vie. À l'heure actuelle, il y a six étudiants par chambre, cela devrait s'améliorer à l'avenir. Il faut donc continuer à récolter des dons » explique le prince Louis de Bavière qui multiplie les interviews dans la presse teutonne. La crise de coronavirus est passée par là avec ses contraintes similaires à celle de l’Europe. « En raison du covid-19, je ne peux en prendre plus d'élèves mais nous avons également des inscrits pour des sessions plus courtes » se félicite le prince royal et qui reconnait que le Kenya gère très bien la crise de coronavirus.
La région de Turkana est l’une des plus arides de l’Afrique de l’Est et les nombreuses ethnies qui y cohabitent en paix sont essentiellement pastorales, utilisées un temps comme supplétifs de l’armée britannique lors de la Seconde guerre mondiale contre les Italiens qui occupaient l’Ethiopie. « Comme nous sommes loin des grandes villes, nous pouvons bien nous isoler et en même temps, nous sommes suffisamment approvisionnés en vaccins. Nous avons mis des règles de distanciation stricte et faisons nos propres tests » précise Louis de Bavière dont la vie se calque sur celle de Karen Blixen. Une aristocrate danoise qui nous a livré son expérience kenyane de 17 ans dans son roman à succès, « Out of Africa » (1937) et adapté plus tard au cinéma avec dans les rôles principaux, Robert Redfort et Meryl Streep. Ce missionnaire du numérique a également une croisade qui le tient à cœur, celui de pouvoir éduquer les filles du lac de Turkana qui souffrent d’un manque d’éducation, la plupart du temps à cause des traditions qui les contraignent à se marier très jeunes. Et le coronavirus n’a rien arrangé. « C'est presque tragique quand on regarde les régions rurales où la culture tribale est encore plus répandue. La seule façon d'arrêter tous ces mariages précoces est de les ramener sur le chemin de l'école. En raison du confinement, beaucoup ont dû rentrer chez elles et je constate qu'au cours des deux dernières années, elles se sont mariées. Rendez-vous compte, certaines sont déjà enceintes. Pour moi, c'est l'un des aspects les plus tristes de la pandémie au Kenya » regrette le prince. Il a d’ailleurs une solution, la création d’une garderie afin qu’elles puissent venir étudier en parallèle.
Kenya yetu, Hakuna matata ! C’est un optimiste de nature, toujours le sourire aux lèvres. « [Mon projet] est une excellente occasion pour les gens de réseauter ensemble. De cette façon, l'économie locale pourrait utiliser les habitants du pays sans les arracher à leurs foyers, sans que cela ne les mènent sur les chemins de l'incertitude. Il est aujourd’hui plus facile de télétravailler depuis son domicile, cela va créer plus d’opportunités pour le futur. L’une des choses que nous enseignons est la création de sites web » ajoute le prince qui ne cache pas son amour pour le pays des masaïs. « Je suis très heureux de voir comment ce petit endroit dans le désert a émergé de nulle part. Comment nous avons construit un grand campus en très peu de temps, là où il n'y avait rien avant. Avec sa propre électricité, avec de l'eau, avec sa propre agriculture » poursuit Louis de Bavière. « Il y a un potentiel incroyable ici, mais il est peu exploité » renchérit Louis de Bavière qui se réjouit d’avoir reçu le parrainage de Mélanie Huml, ministre (CSU) des Affaires européennes et internationales de Bavière. Cette année, c’est presque 700 personnes qui ont accompagné le prince royal dans sa marche d’une centaine de kilomètres et dont le succès ne se dément pas.
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