Une héritière d’Oldenbourg à l’assaut de la Bundesrepublik Deutschland ! Députée fédérale au Bundestad (Parlement), vice–présidente de l’Alternative für Deutschland (AfD), duchesse d’Oldenbourg, la princesse Béatrix von Storch est la nouvelle pasionaria de l’extrême-droite allemande. Prises de positions controversées, ce membre éminent du Gotha teuton, qui a fédéré autour d’elle un mouvement de sympathie de la part de mouvance monarchiste, n’a qu’un crédo : Deutschland über alles ! (l'Allemagne au-dessus de tout).
Lors des dernières élections législatives en octobre 2017, l’Alternative für Deutschland a créé la surprise avec l’arrivée dans son hémicycle de 94 députés, devenant ainsi le 3ème parti politique de l’Allemagne. Parmi lesquels, Béatrix von Storch. Elle ne passe pas inaperçue et son pédigrée parle autant pour elle qu’elle l’assume totalement. Dans son sang coule celui d’une maison qui a régné sur l’Oldenbourg jusqu’à la chute de aigles en 1918, celui du prince Josias de Waldeck et Pyrmont, chef d‘état-major des Sections de Sécurité (SS) d’Heinrich Himler et surveillant du camp de concentration de Buchenwald ou encore celui du comte Johann Ludwig Graf Schwerin von Krosigk, le ministre de finances du chancelier Adolf Hitler. Son dernier combat en date ne manque pas de piquant. Cette climatosceptique qui nie totalement le réchauffement climatique, se contente de « blâmer le soleil » pour expliquer la montée des températures et celle des eaux, allant jusqu’à ironiser sur le sujet au début de son mandat. « Nous devrions porter plainte contre lui » avait-elle alors affirmé froidement, se tenant à contre–courant du mouvement porté par « Sainte Greta [Thunberg-ndlr] de Suède », qui a la côte parmi les jeunes allemands, mais qui reste exécrée publiquement par l’AfD.
Elle n’a pas froid aux yeux et incarne avec assurance la ligne dure de son parti. Volontairement anti-immigration, elle s’oppose directement à la chancelière Angela Merkel, se déclare fermement contre le mariage pour tous et accuse même « le lobby de la LGBT et autres lettres de l’alphabet » de « sexualiser à outrance la société » notamment parmi les étudiant(e)s de tous poils et « de faire l’apologie de la théorie du genre ». Fervente partisane de l’abstinence sexuelle afin d’éviter les grossesses non-désirées, provie (elle a participé à diverses marches anti-avortement), anti-euthanasie, la princesse n’a pas la « langue dans sa poche » quand elle déclare que « rien ne devrait interdire les policiers à tirer sur les migrants pour les stopper d’entrer en Allemagne » (2015). Banquière et avocate, mariée à Sven von Torch, cette héritière d’une maison prestigieuse est perçue dans son pays comme une lobbyste active au sein des milieux de conservateurs de droite.
« Je considère Béatrix comme une personne très intelligente et réfléchie mais pour le moment, cependant, il me semble qu’elle joue tout simplement dans un mauvais navet ». Les idées de la princesse ne font pourtant pas l’unanimité dans sa famille. Son cousin, le prince Alexander de Schaumburg-Lippe a critiqué par voie de presse son radicalisme et le leadership qu’elle incarne au sein de la mouvance d’extrême-droite. Une position qui n’est pas non plus du goût du chef de la maison impériale allemande des Hohenzollern qui lui-même refusé que le nom de sa famille comme l’idée monarchique ne soit mêlée aux idées de l’AfD.
Un mouvement qui l’adule comme la craint. La princesse, ce « modèle de vie familiale » selon les cadres du parti, est pourtant en conflit avec une partie de l’AfD qui lui reproche son ultra- « archi-conservatisme » (je cite). La duchesse n’en démord pas et assume. A la BBC, elle avait déclarée en 2017 que « l’islam n’appartenait pas à l’Allemagne ». Avant d’ajouter que parti était en « en faveur de la liberté de religion bien sûr, mais que l’Islam revendiquant le pouvoir politique, c’était inacceptable » (elle a réclamé dernièrement l’interdiction des activités du Hezbollah). Le discours fait mouche, ses résultats électoraux (entre 8 et 15%) caracolent en tête de ceux que l’AfD obtient nationalement. Et si ses détracteurs lui ressortent le passé nazi de sa famille, celle qui a fondé à Bruxelles, le groupe des « Amis de la Judée et de la Samarie » rétorque : « L’antisémitisme et l’antisionisme sont très forts dans la communauté islamique, ainsi qu’à gauche. Ils rejettent le fait que les fondements judéo-chrétiens de la civilisation européenne ont contribué à son succès. Nous reconnaissons la menace qu’ils représentent pour Israël et la communauté juive d’Allemagne et leur sécurité est une priorité élevée pour nous ». « Israël préserve sa culture et ses traditions uniques … et Israël est une démocratie qui a une société libre et pluraliste » n’hésite-t-elle pas déclarer à ses contradicteurs.
Pasionaria monarchiste, 49 ans, l’« Herzogin » d’Oldenbourg, « dont l’arbre généalogique croise celui des royautés danoise, norvégienne et britannique » écrivait alors pour la présenter le journal Libération, est une fervente opposant à l’actuelle chancelière Merkel, qu’elle accuse d’être « responsable des maux que vit l’Allemagne » comme elle l’a encore déclaré sur les ondes de la ZDF, le 2 juin. « (…) La pire chancelière depuis 1945 (qui) entraîne le pays à la catastrophe ». N’avait-elle pas hésité à dire au magazine Challenge en 2016. Quant à l’Europe, inutile de lui en parler. Ancienne députée à Bruxelles (2014-2017), elle a « pleuré de joie » à l’annonce du Brexit. Elle ne cache pas son euroscepticisme (« Si la voie actuelle de la centralisation et de l’harmonisation continue, le résultat sera la désintégration ») mais ne prône pas pour autant un rapprochement avec tous les mouvements nationalistes ou populistes comme avec le Rassemblement de Marine Le Pen, « trop à gauche économiquement» selon elle. Ses préférences vont nettement au premier ministre néo-horthyste, Viktor Orban, dans une Hongrie qu’elle connaît parfaitement. Sa cousine Elika a épousé l’archiduc Georg de Habsbourg-Lorraine. Mais ici, pour la princesse, seule compte l’Allemagne et la « défense d’une vision d’un patriotisme qui favorise la paix et le bon voisinage». En somme tout ce que résume l’hymne national allemand : « Einigkeit und Recht und Freiheit für das Deutsche Vaterland (Unité et loi et liberté pour la patrie allemande) ».
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Paru le 15/06/2019