« Ceux qui ne savent pas d'où ils viennent ne savent pas où ils se dirigent, car ils ne savent pas où ils se trouvent ». Lors de son soixantième anniversaire, le 11 janvier dernier, le prétendant à la double couronne austro-hongroise a jeté les bases de cette nouvelle Europe qu’il appelle de ses vœux. Karl de Habsbourg-Lorraine est aussi le président de la section autrichienne du mouvement paneuropéen, dirigé entre 1972 et 2004 par son père, l’archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine. Réclamant un élargissement de l’Europe à tous les pays de l’Est, le prince impérial a également critiqué la pression exercée par la Russie sur certains états membres et le peu de coordination de l’Union européenne en matière de politique étrangère, appelant chacun à combattre la montée des extrémismes et faire preuve d'unité face à la crise économique qui frappe à la porte de l'Union européenne. Esquisse d'un programme politique ? C'est toute la question qui se pose.
« En Europe, plusieurs tentatives ont été faites au cours du siècle dernier afin de créer le paradis sur terre - nationalisme, national-socialisme, communisme - toutes ces idéologies ont échoué. Ils ont conduit des millions de personnes vers une mort violente et ont causé d'énormes dégâts économiques ». Dès le début de « son discours sur l’avenir », Karl de Habsbourg-Lorraine, tout jeune sexagénaire, a dénoncé la montée des extrêmes au sein de l’Union européenne (UE). « En Europe, mais pas seulement ici, nous tenons pour acquis, ou voulons prendre pour acquis, la paix et la prospérité dont nous jouissons depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (…).Nous excluons les crises par principe. Et quand elles surviennent, néanmoins, parce que les crises surviennent même dans les moments les plus paisibles, nous comptons sur l'État providence qui a été établi en Europe à partir des années 1970 dans la moitié ouest du continent » poursuit le prince. « L'évolution de cet État-providence, dans l'ombre de la guerre froide, a également été la raison pour laquelle notre politique étrangère s'est considérablement relâchée. Une évolution que nous avons observée à la fois pendant les guerres dans les Balkans et la désintégration de la Yougoslavie,plus récemment avec l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Les politiciens européens ont trouvé très pratique de laisser les décisions vraiment importantes en matière de politique étrangère aux États-Unis, y compris les politiques de sécurité » regrette toutefois le petit-fils de l’empereur Charles, quand même bien il reconnâit l'importance de l'OTAN.
Citant la France du général de Gaulle au président Valéry Giscard d’Estaing en exemple, l’archiduc Karl de Habsbourg-Lorraine a pointé du doigt ces gouvernements qui « ne surmontent plus les crises et qui ne semblent pas préparer à gérer le gigantesque surendettement dans lequel ils sont plongés avec la pandémie de Coronavirus » constate le prince impérial. L'année 1918 « a vu la fin de l'idée d'États supranationaux. On a décidé de démembrer non seulement un espace culturel, mais aussi économique. Chaque État a essayé de résoudre ses problèmes par des politiques isolationnistes, le protectionnisme et ou a succombé aux sirênes du nationalisme, mais en réalité, cela n’a fait qu'empirer les choses » et ces états sont devenu sle jouet de la Russie et des Etats-Unis » rappelle l’archiduc. « L'idée centrale de l'unification européenne est la création d'une zone commune de liberté, de sécurité et de justice. Cette idée centrale s’applique naturellement à l’ensemble de l’Europe, elle repose donc sur le principe que chaque pays européen doit avoir le droit de rejoindre l’Union européenne » plaide Karl de Habsbourg-Lorraine qui souhaite désormais un élargissement à d’autres pays. « On ne peut pas reprocher aux Slovaques, aux Ukrainiens ou aux Kosovars d'avoir été coupés de la culture européenne par un rideau de fer » rappelle le prince impérial. « Aujourd’hui, l'accent est mis sur l'intégration des six pays de l'Europe du Sud-Est qui ne sont pas encore membres de l'UE. Dans ses derniers rapports sur l'élargissement, la Commission européenne déclare à juste titre que l'admission de l'Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, du Kosovo, de la Macédoine du Nord, du Monténégro et de la Serbie à l'UE est un investissement géostratégique dans la paix, la sécurité et la croissance économique dans toute l'Europe» poursuit Karl de Habsbourg-Lorraine devant ses invités virtuels, covid-19 oblige.
« Nous devons aussi nous tourner vers l'Est, où un pays comme l'Ukraine où la soi-disant Révolution de la dignité (2014), a clairement indiqué que ses citoyens voyaient leur avenir au sein de l' Europe plutôt que sous la domination russe. C'est pourquoi je préconise également de transformer la politique actuelle de voisinage vis-à-vis de l'Ukraine en une politique concrète de perspective d'adhésion. Même si la perspective européenne n’a aucune importance réelle dans le mouvement démocratique en Biélorussie il est aussi de notre devoir de soutenir ce mouvement démocratique, dans la mesure du possible » affirme l’archiduc Karl de Habsbourg-Lorraine qui est très impliqué politiquement dans ces deux pays de l’ancienne Union Soviétique (il a fondé une radio de la liberté qui émet en Ukraine) et qui ne cache pas son aversion pour la Russie de Poutine. « L'idéal européen est la liberté. L'histoire européenne est une lente lutte pour la liberté personnelle, spirituelle, nationale et sociale. L'Europe existera aussi longtemps qu'elle continuera dans ce combat. Dès qu'elle abandonnera cette idée et qu'elle deviendra infidèle à sa mission, elle perd son âme, son sens et son existence. À ce stade, son rôle historique dans l'histoire aura pris fin » affirme l'ancien député eurpéen qui paraphrase les propos du comte Richard Coudenhove-Kalergi, fondateur du mouvement paneuropéen.
« L’Europe est un processus marqué par des progrès et des revers. Ce qui est important ici, c'est de ne pas oublier ses fondements, mais de veiller à ce qu'ils se reflètent encore et encore dans notre politique au quotidien. Et il est tout aussi important de prendre les bonnes mesures pour être capable de relever les défis spécifiques (notamment par) une politique étrangère européenne commune et non une politique où chaque pays peut bloquer une position européenne sur des questions importantes comme celle des droits de l'homme en Chine. Une politique économique commune qui nous permettra de réduire nos dettes » plaide Karl de Habsbourg-Lorraine et qui demande des actions concrètes afin d'empêcher la crise financière à venir. « Si nous, Européens, ne prenons pas notre destin en main, d'autres le feront à notre place. Ma priorité ici est assez claire. Nous devons prendre en main l’avenir de l’Europe » assure prétendant au trône d’Autriche qui entend jouer un rôle de premier plan et placer l’aigle bicéphale sur un nouveau piédestal. Celui de la présidence européenne ? La question se pose désormais.
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