Un vent de modernité souffle sur la monarchie danoise. Moins d’un an après son accession au trône, le roi Frederik X a procédé à une modification historique des armoiries royales du Danemark. Une décision qui résonne autant sur le plan symbolique que géopolitique.
Les emblématiques trois couronnes, symboles de l’ancienne Union de Kalmar entre le Danemark, la Norvège et la Suède, ont été retirées pour faire place à des représentations plus affirmées du Groenland et des îles Féroé : un ours polaire et un bélier. Ce changement, annoncé après une recommandation d’un comité royal, a été officialisé début janvier 2025, marquant un tournant dans l’identité visuelle de la monarchie danoise.
Une réponse aux tensions géopolitiques
Cette décision, validée par le roi Frederik X, 56 ans, intervient dans un contexte de tension croissante autour du Groenland. Les relations entre cette région autonome et le Danemark se sont récemment tendues, notamment à la suite des accusations du Premier ministre groenlandais, Múte Egede, qui a évoqué un « génocide » en lien avec le scandale des contraceptions forcées des années 1960 et 1970. Múte Egede a également intensifié les appels à l’indépendance, dénonçant les « entraves de l’ère coloniale ». Selon un sondage daté de 2019, 68% des 60 000 habitants de cette partie de l’Arctique souhaiteraient prendre son destin en main.
Ces évolutions interviennent alors que l’ancien président américain Donald Trump a ravivé l’idée d’acheter (ou annexer) le Groenland, qualifiant le territoire « d'endroit incroyable » sur son réseau Truth Social. Brièvement occupé par les Américains durant la Seconde Guerre mondiale, le Groenland recèle des nombreuses ressources minières et énergétique qui suscitent bien des convoitises. Un projet jugé provocateur par Copenhague et qui a renforcé la volonté du roi Frederik de préserver l’unité du royaume. Une proposition que n’a pas non plus apprécié le Premier ministre groenlandais. « Le Groenland est à nous, nous ne sommes pas à vendre et ne le serons jamais », a déclaré Mute B. Egede, en guise de réponse.
Un symbole revisité pour préserver l’unité du royaume
« Nous sommes tous unis et chacun d’entre nous s’est engagé pour le royaume du Danemark », a déclaré le roi Frederik dans son discours du Nouvel An. Ce message inclusif souligne l’importance des territoires autonomes dans l’identité danoise, alors que les armoiries rénovées visent à mettre en avant l’importance stratégique et culturelle du Groenland et des îles Féroé.
Pour l’historien Sebastian Olden-Jørgensen, cette révision envoie un message clair. « Lorsque les Groenlandais, et dans un certain sens aussi les Féroïens, envisagent une indépendance totale, la maison royale montre qu’elle soutient la politique de l’État, qui est de préserver l’unité du royaume », a-t-il expliqué au journal Berlingske.
Une rupture avec un symbole séculaire
Le retrait des trois couronnes a néanmoins surpris de nombreux historiens. « C’est un évenement historique », a déclaré Dick Harrison, professeur à l’université de Lund en Suède. « Ce symbole a survécu aux guerres contre la Suède, à la perte de la Norvège, et même à l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Le voir disparaître est une rupture majeure », affirme t-il. Cependant, pour Lars Hovbakke Sørensen, cette décision reflète avant tout une volonté stratégique. « Le gouvernement danois ne veut pas que le Groenland et les îles Féroé quittent le royaume. Cette mise à jour des armoiries envoie un message fort : ces territoires font partie intégrante de notre nation. », explique ce spécialiste des affaires royales.
Depuis 1819, les armoiries royales danoises ont été modifiées à plusieurs reprises pour refléter les évolutions historiques. Toutefois, la version actuelle marque une transition unique, symbolisant non seulement le lien entre la monarchie et ses territoires mais aussi les enjeux géopolitiques du XXIe siècle. En intégrant des symboles du Groenland et des îles Féroé au cœur de son blason, le roi Frederik X affirme sa vision d’une monarchie moderne, capable d’évoluer tout en préservant l’unité du royaume.
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