« Une minorité insignifiante, qui ne représente qu'eux-mêmes, qui recherche une publicité et un rôle de premier plan, et qui remet en question de manière irresponsable les fondements de la coexistence en Espagne, ne mérite que le rejet le plus absolu, en raison de leur intolérance, de leurs illusions et leur éloignement total des valeurs militaires ». Organisée tous les 6 janvier, la « Pascua Militar » est la traditionnelle revue militaire de la garde royale par le roi Felipe VI. Le souverain Bourbon s’est adressé aux nombreuses armes de son état-major et a solennellement averti les militaires qu’il ne tolèrerait aucune sédition au sein de l’armée. Allusion assumée à la lettre envoyée par des officiers retraités qui appelaient le roi à soutenir un coup d’état afin de protéger l’institution royale menacée par une large réforme à venir et qui divise tous les partis politiques. Le fils de Juan Carlos a également appelé chacun à respecter la constitution qui régit la monarchie espagnole depuis 1978.
Dans la salle du trône du palais royal, les officiers se sont rassemblés pour écouter la traditionnelle lecture du discours royal par le souverain espagnol. Instituée par le roi Charles III en 1782, la « Pascua Militar » est la revue des troupes, principalement celles qui composent les régiments de Garde royale que le roi Felipe VI a salueé très solennellement. L’occasion pour le monarque de faire le bilan de l’année écoulée et de dicter les lignes qui seront celles à tenir par son état-major. Sans réellement la nommer, Felipe VI est revenue sur la lettre que lui a adressée une centaine d’officiers à la retraite, la plupart venant du milieu franquiste, affirmant se tenir prêt à défendre la monarchie si celle-ci était menacée dans ses fondements par la coalition de gauche au pouvoir à Madrid. Une lettre qui avait ému les espagnols et les partis politiques alors que les plaies de la guerre civile ne se sont toujours pas refermées dans le subconscient des hispaniques. Une pression que n’a visiblement pas apprécié le fils du roi Juan Carlos qui a profité de cette occasion pour leur répondre.
« La Constitution reconnaît les libertés et les droits, met en exergue les valeurs et l'ordre démocratique, ainsi que les devoirs auxquels nous sommes tous soumis », a déclaré Felipe VI. « Nous y sommes tous inconditionnellement engagés car elle est à l'origine de la légitimité de tous les pouvoirs et de toutes les institutions de l'Etat, légitimité qui se renouvelle chaque jour en la respectant et en l'observant » a t-il ajouté devant une assistance galonnée et silencieuse. « Personne n'a le droit, encore moins ceux qui portaient autrefois l'uniforme des forces armées, de nuire à l'immense prestige de nos armées » a poursuivi le roi qui vise ici les propos d’une conversation Whatsapp révélée au public et tenus par différents militaires qui menaçaient de tuer 26 millions de personnes (approximativement le nombre de votants en faveur de la gauche socialistes et leurs alliés populistes et indépendantistes) aux dernières élections. « Une minorité insignifiante, qui ne représente qu'eux-mêmes, qui recherche une publicité et un rôle de premier plan, et qui remet en question de manière irresponsable les fondements de la coexistence en Espagne, ne mérite que le rejet le plus absolu, en raison de leur intolérance, de leurs illusions et leur éloignement total des valeurs militaires » a rappelé le roi Felipe VI qui le laisse pas de place à la sédition ni aux velléités de putsch, longtemps une tradition au sein de l'armée espagnole.
Remerciant les militaires pour leur engagement dans la lutte contre le Covid-19, le roi Felipe VI souligné que 2020 avait été une année très difficile, rendant hommage aux milliers de victimes que la pandémie a enlevé à tant de familles muées par la douleur et la tristesse. Il a félicité les Forces Armées pour le « travail extraordinaire » réalisé pour lutter contre le coronavirus, « avec efficacité, en procédant à des désinfections, en créant des hôpitaux de campagne, en transférant les défunts ou en traquant les infections dans toute l'Espagne ». « La société espagnole s'est sentie très proche de vous et a pleinement confiance en vos capacités, votre professionnalisme et votre enthousiasme », a déclaré Felipe VI devant les officiers de l’armée qui ont approuvé les différentes réformes dont la « graande muette « fait récemment l’objet.
Le discours du roi a eu moins d'impact politique que celui prononcé à la veille de Noël mais sans évoquer directement son intervention, les dirigeants du Parti Populaire, Pablo Casado, et Vox, Santiago Abascal, ont fait l'éloge du roi sur les réseaux sociaux. En revanche, le parti Catalunya en Comú-Podem, la branche catalane d'Unidas Podemos, partenaire du gouvernement, a sévèrement critiqué le discours du monarque en posant la question de la pertinence de la monarchie au XXIème siècle avant d’être rejoint par les indépendantistes catalans qui ont pointé du doigt les « attitudes antidémocratiques des forces armées et leurs approches particulièrement hostiles à l'égard de la Catalogne ».
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