Réélu il y a quelques semaines à la tête de l’association de la noblesse des Asturies, Francisco de Paula Enrique de Borbón y Escasany a annoncé le mariage de son fils héritier Francisco de Paula de Borbón y von Hardenberg avec Sophie Elizabeth Karoly. Membre de la famille royale d’Espagne et un des multiples Grand-maîtres qui se disputent la présidence de l'Ordre militaire et hospitalier de Saint-Lazare de Jérusalem, le duc de Séville serait entouré d'une petite coterie hispano et Franco-légitimiste qui le pousserait à revendiquer le trône de France, « conscient de ses responsabilités » selon les propos de son représentant qui a confirmé que certains royalistes avaient pris contacts en ce sens avec le prince. Une maison qui reste politiquement proche du parti Vox.
C’est une branche capétienne qui est presque méconnue tant elle fait peu parler d’elle et qui a été honorée du duché de Séville en 1823 à la naissance de l’infant Henri de Bourbon, petit-fils du roi Charles IV d’Espagne. Le jeune prince va vite se doter d’un caractère solide et déjà auréolé de la gloire de son père, le prince François de Paule de Bourbon dont le nom est brutalement entré dans l’histoire lors de l’invasion de l’Espagne par les troupes françaises en 1808. A cette époque, il a 14 ans quand il voit une foule se masser aux abords du palais royal. Venue le protéger d’un enlèvement par les soldats français, mal armés, les rebelles sont chargés par le maréchal Murat qui ne s’embarrasse de détails. Le « Dos de Mayo » va considérablement marquer François de Paule de Bourbon, contraint de prendre le chemin de l’exil et qui entend être indépendant. Sa vie est un roman, les ordres, l’armée, ses amours tumultueux qui font jaser tantôt avec une des filles du Premier ministre Godoy, tantôt avec la femme d’un de ses domestiques qui va largement profiter de la situation avant que Ferdinand VII n’intervienne et le fasse épouser la princesse Louise-Charlotte de Bourbon-Deux-Siciles. Un mariage qui sera couronné par la naissance de 11 enfants entre 1820 et 1834.
C’est de cette union mal assortie que descend en ligne droite l’actuel duc de Séville, Francisco de Paula Enrique de Borbón y Escasany, 77 ans. Diplômé en économie, c’est un administrateur d'entreprise et banquier qui a commencé sa carrière professionnelle en 1973 en tant que directeur chez Hill Samuel and Co. Limited. Une banque d'affaires londonienne qu'il a dirigée durant des décennies avant de devenir plus tard président et chef de la direction de la Miami National Bank et président du groupe Cannon Iberoamérica. Discret, il est aussi à la tête de l’association de la noblesse des Asturies qui demeure très fidèle à la couronne d’Espagne. Mais il est aussi pour certains un éventuel prétendant à la couronne de France. Depuis des mois, certains monarchistes, déçus par l’inaction du prince Louis-Alphonse de Bourbon et refusant de soutenir le prince Jean d’Orléans, tentent de convaincre le duc de se plonger dans la querelle dynastique qui frappe la succession au trône de France depuis 1883. « Il conscient de ses responsabilités « n’a pas hésité à déclarer son représentant sans préciser pour autant ce qu’il entendait faire. Rien qui ne serait surprendre les spécialistes du Gotha puisque ce n’est pas la première fois que les Séville se retrouvent au cœur d’intrigues royales.
L’infant Henri de Bourbon suit les pas de son père qui va conspirer contre la régence mise en place au décès de Ferdinand VII (1833). François de Paule est un absolutiste convaincu mais ses opinions modérées lui valent l’animosité de ses pairs qui l’accusent d’être un libéral. Tant et si bien que la reine Marie-Christine de Bourbon-Sicile lui demande de quitter l’Espagne. La famille ne reviendra qu’à la chute de la régence (1840) et va continuer de comploter entre deux nouveaux scandales sexuels (il est découvert en pleine orgie) qui achèvent de le discréditer. Henri de Bourbon a de qui tenir. Militaire de talent, il envisage d’épouser sa cousine Isabelle II. Ses idées révolutionnaires font horreur à son entourage qui presse la reine de convoler en justes noces avec le frère d’Henri, François d’Assise, lequel est plus intéressé par les fanfreluches et les hommes que sa femme dont il fait peu de cas. Exilé en France, il se passionne pour les événements qui mettent fin à la monarchie de Juillet (1848.) Il se rallie même à la République et tente de convaincre ses compatriotes de l’utilité de ce type de régime. Privé de ses titres, il est finalement pardonné. Lui aussi intrigue, rallie les libéraux et s’oppose au gouvernement comme aux ambitions du duc Antoine de Montpensier, fils de Louis-Philippe Ier qui tente de se faire couronne roi d’Espagne. D’exils en exils, son destin va connaître un tournant tragique. Provoqué en duel par le duc de Montpensier, ce dernier le tue le 7 mars 1870. Un scandale retentissant.
Un autre de ses fils va tenir haut le pavé de la tradition familiale. François de Paule de Bourbon y Castellví est né du fruit des amours inégaux de son père avec Elena María de Castellví y Shelly. Il faut attendre 1882, lors de son 29ème anniversaire, pour que le roi Alphonse XII ne signe un décret qui lui autorise à porter le nom de Bourbon. Sans doute en remerciement de son ralliement lors de la Troisième guerre carliste qui oppose le monarque à Don Carlos VII qui a va brièvement régner sur une partie de l’Espagne. Le chef de file des carlistes est aussi un prétendant au trône de France qui a mal à partir avec son représentant à Paris, le prince Henri de Valori. La rupture entre les deux intervient en 1889 lorsque Valori ironise sur les « saintes et nobles utopies du Pape Léon XIII » qui prône le ralliement des catholiques à la république. Don Carlos entend se soumettre à la volonté du Saint-Siège tandis que Valori accuse le « Charles XI » de la Légitimité d’être inactif en France. Congédié, le prince de Valori en conclu donc que la branche qui a recueilli les droits du comte de Chambord n’est plus apte à prétendre à la couronne de France et que la succession passe de facto aux Séville. Ce qui généalogiquement est imparable. Il va persuader François de Paule de Bourbon y Castellví qu’il est donc « le roi de France ». « Français puisque né à Toulouse » (ce qui ne l’empêche pas de siéger aux Cortès dès 1896), il s’approprie le titre de duc d’Anjou. C’est le début du « schisme sévillan ». Trainant les uns et les autres devant les tribunaux afin de faire valoir ses droits au port des armes de France avec autant d’échecs, la mort de Valori en 1897 mit un terme aux prétentions du duc de Séville qui finit par rentrer dans le rang. Gouverneur général des Baléares, il fut l’un des rares Bourbons à être autorisé à rester en Espagne après la chute la monarchie en 1931. Il finira ses jours à Madrid, mort de vieillesse, onze ans plus tard.
Il est probable que l’actuel duc de Séville ait des partisans en France mais il n’en demeure pas moins que la réalité d’un second schisme relève plus du fantasme et d’un sentiment de frustration autour de Louis-Alphonse de Bourbon qu’autre chose. Les Séville n’ont pas démérité pour autant. Le prince François de Paule de Bourbon (1882-1952) se range aux côtés des nationalistes du général Franco. C’est d’ailleurs lui qui occupe avec ses troupes la ville de Malaga en 1937 et devient une des personnalités importantes du mouvement monarchiste qui se créé à la proclamation du régime franquistes deux ans plus tard. Très influent, il est contacté par la Grande-Bretagne qui monte un complot contre Franco en 1945 visant à restaurer Juan de Bourbon, comte de Barcelone, et dont il fera partie d’après certains historiens. Ce sont finalement ses activités de marché noir qui feront tomber ce prince Bourbon, grand-père de Francisco de Paula Enrique de Borbón y Escasany.
La succession au duché de Séville est assurée. Le 24 août dernier, Francisco de Paula Enrique de Borbón y Escasany a annoncé que son fils, Francisco de Paula de Borbón y von Hardenberg, quadragénaire tatoué de la tête aux pieds, poche du parti Vox comme le montre son compte Twitter et passionné de sport automobile, allait épouser Sophie Elizabeth Karoly, une femme d’affaire hongroise avec qui il a déjà eu un fils Francisco Maximo, âgé de 3 ans. Marié lui-même trois fois, sa première épouse, la comtesse Beatrice von Hardenberg, qu’il a rencontré à Marbella chez le prince de Hohenlohe alors qu’il est étudiant à la Sorbonne, est décédée d’un arrêt cardiaque en 2020, Francisco de Paula Enrique de Borbón y Escasany a été de 1996 à 2008, le Grand-maitre d’une branche sécessioniste (dite de Malte et de Paris) de l'Ordre militaire et hospitalier de Saint-Lazare de Jérusalem. Une chaire disputée par le prince Charles-Philippe d’Orléans, titré duc d’Anjou par son oncle feu le comte de Paris, et par le prince Sixte-Henri de Bourbpn-Parme, auteur dans les années 80 du « schisme parmesan » au sein de la Légitimité. Ironie de l’histoire, autrefois possession des Séville, le titre de duc de San Ricardo (qui fut donné à un des fils du fondateur de cette maison) a été envisagé un temps par la monarchie espagnole pour le prince Louis-Alphonse de Bourbon.
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