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Louis-Alphonse de Bourbon et son héritage controversé

Près d’un demi-siècle après la mort du général Franco, la nostalgie franquiste demeure toujours un sujet sensible en Espagne. Si lc régime a considérablement marqué l’histoire contemporaine du pays, ses héritiers, le prince Louis-Alphonse de Bourbon en tête, cherchent aujourd’hui à préserver son héritage.

Chants militaires, photos du caudillo défilant sur un grand écran, ils ont été nombreux à répondre à l’appel de Fondation nationale Francisco Franco. Le 16 novembre 2024, l’organisme qui défend la mémoire du célèbre généralissime lui rend hommage chaque année. Parmi les nombreux invités réunis autour du général Juan Chicharro Ortega, président de la Fondation, divers membres de la famille Franco, héritiers d’un régime dont le bilan n’en finit pas de diviser le royaume. Une ombre indissociable de l’histoire espagnole qui a plongé le pays dans une violente guerre civile de trois ans, qui a mis fin à la Seconde République et qui a dirigé l'spagne d’une main de fer (1939-1975)

 

 

Une dynastie soudée derrière son prince bleu

Président d’honneur de la Fondation depuis 2019, le prince Louis-Alphonse de Bourbon (50 ans)  était présent aux côtés de son épouse, Maria-Margarita Vargas (41 ans), visiblement très à l’aise, discutant avec les convives. Dans le sillon de celui qui dirige le clan Franco, figure incontournable d’une dynastie inscrite dans le marbre de l’histoire, Cristóbal Martínez-Bordiú Franco et son fils Daniel, ainsi que Jaime Martínez-Bordiú Franco, habitués de cet événement mondain et très politique. C’est aussi une famille élargie qui a fait bloc derrière le prince Louis-Alphonse de Bourbon lorsque ce dernier s’est opposé au gouvernement qui avait pris la décision d’exhumer le corps de Francisco Franco de son mausolée. Situé la Vallée de Los Caïdo, son lieu de repos était devenu le point de rendez-vous des franquistes, nostalgiques en tout genre venus de toute l’Europe.

 

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Louis-Alphonse de Bourbon, avant-garde d'un franquisme décomplexé

« Quand on attaque Franco, on attaque les miens, plus de la moitié de l'Espagne, la monarchie et l'Église qu'il protégea », n’avait pas hésité à déclarer le prince Louis-Alphonse de Bourbon dès les premiers jours de son combat contre le gouvernement du Premier ministre Pedro Sanchez. Dirigé par une Coalition de Gauche, socialistes comme communistes étaient bien décidés à enterrer définitivement les oripeaux du franquisme. Une affaire qui a tenu en haleine le pays de Cervantès durant deux ans avec ses multiples rebondissements juridiques et des reportages choc. En descendant le parvis de la Cathédrale de la Vallée de Los Caïdos sous les bras tendus et aux cris de  « Tu es notre roi !» , entouré de ses fils aînés, le prince Louis-Alphonse de Bourbon a profondément marqué une partie des  Espagnols qu'une minorité voient en lui un monarque potentiel.

Louis-Alphonse de Bourbon a le sang vif, une généalogie éloquente. Descendant de Louis XIV, il est l’ainé de la Maison de Bourbon qui a régné sur une large portion de l’Europe du temps de sa splendeur. C’est aussi à ce titre qu’il est également un des prétendants au trône de France où il compte des partisans, les Légitimistes qui l'appellent Louis XX. Élevé dans le culte de Franco, le cousin du roi Felipe VI assume l’héritage qui est le sien.  « Le gouvernement espagnol actuel fait tout pour effacer son héritage. On abat des statues, on rebaptise des rues, et c’est regrettable. Franco a créé la classe moyenne en Espagne, il a créé des forêts, des lacs et des routes, il a empêché que le pays n’entre dans la guerre et que le communisme s’installe. Évidemment, il y a eu la guerre civile, mais il ne l’a pas voulue. Il ne faut pas gommer l’Histoire », plaide le prince. Conférences, livres, Louis-Alphonse de Bourbon n’hésite pas à venir défendre publiquement un héritage controversé et trouve de nombreux soutiens au sein d’associations diverses ou même parmi l’establishment militaire. En 2023, des officiers militaires en retraite n'avaient pas hésité à menacer de renverser par les armes le gouvernement de Pedro Sanchez.

 

 

La nostalgie de la dictature n'a pas disparu en Espagne

En 2019, c’est avec une certaine dignité, qu’il avait porté, avec les membres de sa famille, le cercueil de son arrière-grand-père maternel vers un simple cimetière madrilène. Les photos de cette cérémonie avait généré un buzz dans les médias des deux côtés des Pyrénées. Pour autant, le gouvernement n’en avait pas fini avec le prince et le duché dont il reste un des prochains détenteurs du titre. Créé au décès du Caudillo, le gouvernement a par la suite ciblé cet apanage franquiste et pointé du doigt son « existence hérétique », arguant que l’Allemagne n’avait pas érigé  de « duché d’Hitler »  dans une comparaison assez outrancière. Avec l’adoption de la Loi de Mémoire Démocratique (2022), le Premier ministre Pedro Sanchez a fini par le faire abolir avec d’autres titres de noblesse distribués par le général Franco, en récompense de leur fidélité durant la guerre civile. Un duché qui devait plutôt sa création au roi Juan Carlos que le Caudillo lui-même. 

 

 

Le combat du gouvernement espagnol aussi légitime qu'anachronique ?

Face à ces attaques répétées qui ont fini par lasser, les mouvements franquistes tentent de se repositionner. Certains, comme la Fondation Francisco Franco, se concentrent sur la défense de l'héritage culturel et politique du dictateur, en contestant les réformes mémorielles devant les tribunaux. Ils ont d’ailleurs changé leur statut afin d’éviter toute interdiction de leurs activités. D’autres, plus radicalisés, cherchent à infiltrer des mouvements nationalistes ou conservateurs, tentant de capitaliser sur le mécontentement social ou les craintes identitaires, fort du soutien officiel apporté par Louis-Alphonse de Bourbon au Parti Vox. « Nous continuerons à exppliquer ce que Franco a signifié en Espagne, peu importe de qui il s'agisse. C'est notre version de l'histoire et personne ne pourra nous en empêcher, encore moins un gouvernement qui agit de manière mesquine et indifférente aux sentiments d'une grande partie de son peuple », a d’ailleurs rappelé le général Juan Chicharro Ortega lors de la lecture de son discours. Debout sur une estrade, Louis-Alphonse de Bourbon près de lui, l’officier franquiste ne digère toujours pas la décision du gouvernement de vouloir dissoudre la fondation.  « Tant que l’État de droit persistera, la dictature sanchiste n’atteindra jamais ses objectifs. Et s’il réussit, la liberté sera morte en Espagne et la tyrannie marxiste sera instaurée.», assure l’ancien assistant du roi Juan-Carlos Ier. 

Une vaste nébuleuse réunie derrière l'héritier des Franco

Aujourd’hui, les héritiers du franquisme, que l’on retrouve au sein du Parti Populaire et du Parti Vox, ne se limitent pas aux figures politiques. Ils s’expriment également à travers des médias, des réseaux sociaux, les milieux religieux et des initiatives culturelles. Ces canaux servent à diffuser des récits qui idéalisent l’époque franquiste ou dénoncent les « dérives » de la société actuelle. Un néo-franquisme qui s'est même externalisé et qui à sa place dans les congrès de la Famille où le prince Louis-Alphonse de Bourbon est déjà intervenu à diverses reprises. Cependant, leur combat se heurte à un contexte international et national où les valeurs démocratiques et les droits de l’homme occupent une place centrale. La montée des mouvements antifascistes, notamment chez les jeunes générations, et l’engagement de la société civile dans la préservation de la mémoire des victimes compliquent la tâche de ces nostalgiques. Pour Jaime Martínez-Bordiú, il n’y a pas de discussions à avoir. Le général a sauvé l’Espagne, « était un grand homme, une bonne personne ». Exit les centaines de milliers de morts durant la guerre civile,  les opposants que la dictature a emprisonné,  les suspicions d’enrichissement personnel, il était « divin et très famille » comme l’expliquait il y a peu encore cle benjamin de la famille Franco au quotidien El Pais.  Les Franco, Louis-Alphonse en tête, balayent ces arguments et mettent en avant les réussites économiques du régime défunt. 

C’est une douzaine de messes de commémoration qui ont été organisées dans toute l’Espagne avec autant de contre-manifestations antifascistes. La nostalgie franquiste et les combats de ses héritiers révèlent une Espagne encore en quête d'équilibre entre passé et présent. Tandis que la société avance vers un avenir démocratique et pluraliste, ces mouvements rappellent que les cicatrices du franquisme incarnée dans la personne du prince Louis-Alphonsee de Bourbon, bien qu’atténuées, continuent d’alimenter les controverses et d’interroger le lien entre mémoire et identité nationale.

Copyright@Frederic de Natal

Date de dernière mise à jour : 21/11/2024

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