Rien ne va plus dans le royaume d’Isabelle la Catholique et de Ferdinand d’Aragon. Malmenée par le séparatisme catalan et la crise du Covid-19, la monarchie Bourbon du roi Felipe VI doit aussi fait face au scandale financier qui a frappé en plein cœur la maison royale et contraint le roi Juan Carlos à s’exiler. Mis sous pression par son turbulent allié Podemos qui ne cache pas son souhait de voir s’installer une troisième république, le Premier ministre Pedro Sanchez est venu défendre le principe monarchique sur les plateaux de télévisions de Télécinco le 9 décembre dernier tout en demandant que la royauté se réforme drastiquement et qu'elle condamne l'extrême-droite si elle veut survivre.
«Le gouvernement espagnol défendra toujours le pacte constitutionnel. Nous devons respecter la monarchie parlementaire. Nous entendons des choses qui n'ont rien à voir avec les préoccupations des citoyens. Je le répète, la monarchie en Espagne n'est pas en danger ». Devant la caméra, le Premier ministre Pedro Sanchez est venu défendre tant bien que mal l’institution royale alors que la droite et l’extrême-droite ne cessent d’accuser sa coalition gouvernementale de saper les fondations constitutionnelles mises en place par le roi Juan Carlos en 1978 et de tenter de réduire les prérogatives du roi Felipe VI. Invité de Télécinco, Pedro Sanchez (qui est au pouvoir depuis deux ans) cache mal son irritation. «Il n'y aura pas de régime bolivarien prosoviétique en Espagne, et nous ne reviendrons pas au régime de Franco non plus » avertit le leader du Parti socialiste (PSOE). « L’unité de l’Espagne n'a pas été brisée, les bolcheviques ne dirigent pas et nous n’installons aucune dictature comme certains le disent. Ils seraient bon que ceux–ci se concentrent sur les vrais problèmes » s’agace Pedro Sanchez qui évoque les « discours de haine » propagée par l’opposition auto-proclamée défenseur de la monarchie. «Si je comprends bien, le Parti Populaire (PP) au gouvernement serait légitime mais quand c’est nous, de suite on parle d’une conspiration judéo-maçonnique qui amènera une dictature bolivarienne. Ce sont des suppositions insensées » se plaint le Premier ministre
« La démocratie en Espagne fonctionne bien » affirme-t-il. Interrogé sur cette lettre adressée au roi par 271 anciens officiers de haut-rang qui demandaient au souverain d’intervenir dans la crise politique qui divise le pays voir de soutenir un coup d’état qui permettrait à la royauté de retrouver ses régalia, Pedro Sanchez a répondu qu’il « n’avait que du mépris pour ces gradés à la retraite ». «Ces personnes ne représentent pas l'armée de l'Espagne du XXIe siècle. Je regrette que l’esprit de Franco habite encore ces gens mais cela me paraît grotesque » renchérit Sanchez qui évoque cette minorité qui s’agite dans l’anti-chambre de la monarchie et qui réclame un autre prince [ici Pedro Sanchez pointe du pointe le général juan Chicharro, président de la Fondation Francisco Franco, un proche de Louis-Alphonse de Bourbon, qui serait à l’origine de cette lettre comme le signale dans une de ses éditions le quotidien El Pais-ndlr]. « Mais le plus grave n'est pas cette lettre, qui ne représente pas l'armée, mais plutôt ces politiciens qui légitiment ce genre de discours » ajoute-t-il. « La présidente de la Communauté de Madrid [Isabel Díaz Ayuso-ndlr] a déclaré qu'elle soutenait ce courrier. Cela montre à quel point cette pensée est légitimée. Ce qu'il y a, c'est un discours de haine irréel qui est soutenu par certaines tribunes politiques et propagés dans les médias qui affirment que nous allons mettre en place un régime bolivarien. Ils distillent la peur chez nos concitoyens alors qu’il n y a pas une once de réalité dans cette hypothèse. Ce gouvernement défend la Constitution du premier au dernier article » se défend le Premier ministre.
« Nous avons un chef d'État moderne qui représente la diversité territoriale de notre pays. Il parle catalan, il connaît la réalité basque, également andalouse. L'engagement du chef de l'État pour une meilleure transparence de la Maison royale est incroyable ». La partie est loin d’être gagnée par le Premier ministre. Du côté du mouvement d’extrême-gauche, Podemos, on reste binaire. Puisque Vox soutient la monarchie, c’est la preuve que la monarchie est bien fascisante et qu’il est temps de changer de régime. Vice-premier ministre, le leader de Podemos, Pablo Iglesias n’a pas hésité à « vanter les valeurs de la république et rendre hommage à ceux qui se sont battus pour cette idée durant la guerre civile [1936-1939-ndlr] » en avril dernier. Avec ses 30 députés, Podemos maintient une pression constante sur les socialistes qui ne peuvent gouverner sans ce parti très turbulent et qui n’hésite pas à organiser des manifestations anti-monarchiques. Et si Pedro Sanchez se refuse toujours à mettre en place un référendum sur ce sujet, en dépit des demandes répétées de ses alliés, le Premier ministre pousse, quant à lui, le roi d'entreprendre des réformes afin de pérenniser l’institution royale.
A commencer par le remboursement intégral des sommes « détournées » par le roi émérite Juan Carlos qui a déjà fait un geste dernièrement en transferant la somme de 680 000 euros au fisc espagnol. On est encore loin de ce qui est attendu par la monarchie qui pourrait tirer un trait sur les frasques du souverain en lui retirant tous ses privilèges et titres (la Maison royale a toutefois nié l’existence d’une telle négociation). Juan Carlos simple citoyen et justiciable alors que le monarque est constitutionnellement inviolable ? De quoi irriter l’opposition qui accuse le gouvernement de vouloir réduire le roi à un simple élément décoratif et de l’emprisonner comme l'a fait remarquer le député Sanatiago Abascal, leader de Vox. « Une réforme qui doit être consensuelle et satisfaire à la fois le gouvernement et le principal parti d’opposition » plaide Pedro Sanchez et comme le rapporte la revue Equinox. Mais qui reconnaît que le roi Felipe VI ne semble pas enclin à le suivre et qui a été récemment accusé de « financer en sous-main l’opposition du PP à Vox ». D’après certaines sources, le Premier ministre aurait déjà demandé au souverain d’inclure dans son prochain discours de Noël, un texte où il réaffirme son rejet des idées d’extrême-droite. « Pour que le monarchie puises survive » répète Pedro Sanchez. Ou pour éviter que l’Espagne ne sombre de nouveau dans le chaos d'une guerre civile ?
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