« Je n’ai jamais cessé de conspirer. Je défends une cause qui est celle de tous les espagnols » Les communiqués succèdent aux interviews qui succèdent aux communiqués. A l’heure ou le prince Sixte-Henri de Bourbon –Parme entame le dernier chapitre de sa vie, la guerre fait rage au sein du carlisme. De sa gloire passée, il ne reste que quelques milliers de membres dans un mouvement qui reste divisé idéologiquement. Si les partisans de Charles- Xavier naviguent à bâbord toute, ceux de Sixte-Henri de Bourbon-Parme sont à tribord et incarnent le côté le plus traditionnaliste de cette mouvance. A 80 ans, sans enfants, la Communauté traditionnaliste carliste (CTC) attend encore qu’il désigne son successeur. Carlisme, monarchie, Vox..., il a décidé de prendre la parole et répondre aux questions du journal « El Espanola ».
Sixte-Henri de Bourbon-Parme est une figure haute en couleur et qui continue de marquer le monarchisme des deux côtés des Pyrénées. C’est un double Bourbon par le sang et un des derniers Capétiens à l’arbre généalogique éloquent. Il n’a jamais cessé de croire en ses chances de monter sur le trône d’Espagne qu’il revendique depuis la mort de son père. Il se veut l’héritier d’un carlisme traditionnaliste qui puise ses origines idéologiques au XIXème siècle. Les Parme ont hérité des droits à la couronne au décès du dernier prétendant, le prince Alphonse-Charles de Bourbon en 1936, renversé par une voiture. Sa vie a tout du roman d’aventure. C’est un ancien de la Légion étrangère expulsé après que le général Franco ait découvert qu’il s’y était engagé sous un faux nom. Montejurra en 1976, une blessure au sein du carlisme qui voit l’affrontement des deux mouvances et « dont il garde un souvenir indélébile », une tentative d’assassinat à Paris par un parachutiste, sa participation à la guerre d’Angola..,. Sixte-Henri de Bourbon-Parme « ne prétend pas », il « défend une cause qui est celle de tous les espagnols, un carlisme social mais pas libéral, fédéral et traditionnaliste » affirme-t-il au journaliste.
Les temps sont durs pour Sixte-Henri de Bourbon-Parme qui a dû vendre des biens de famille, certaines propriétés reçues en héritage. « J'ai consacré ma vie au carlisme et, plus largement, au traditionalisme. Pour le premier, j'ai essayé de le développer avec succès en Amérique latine, peut-être moins en Espagne, Pour le second, je l’assure par une présence intense en France, ou je réside, mais aussi au Portugal ou en Russie. Et au Moyen-Orient. Sans oublier les affaires de Rome, au Saint-Siège. Bien que moi, contrairement à mon père qui était un ami proche et un confident de Pie XII, je ne l’ai jamais été d'aucun pape » explique-t-il. Il n’a aucune relation avec son neveu, Charles-Xavier. Tout au plus en mars dernier au décès de sa sœur Marie-Thérèse, une des premières victimes du coronavirus sur laquelle il jette un regard nostalgique. Il est diminué physiquement depuis un accident en 2001. La pandémie a considérablement réduit ses activités politiques et militantes. Il est de tous les combats, fréquente des organisations sulfureuses qui vont de la dissidence de l’Action française aux identitaires, livre ses souvenirs de guerre contre les rebelles angolais aux côtés des miguelistes, les partisans du traditionalisme portugais. Il évoque Salazar, le dirigeant du Portugal qui appréciait particulièrement les Parme.
« La nature de la monarchie exige un service total de ceux qui l'incarnent, au-delà de leurs goûts ... ou de leurs caprices ». Pour ce descendant de Louis XIV, la maison royale actuelle qui dirige l’Espagne « a mis de côté les vraies traditions qui étaient l’essence même de son existence pour prendre un autre chemin ». Il ne le dit pas mais le mariage du roi Felipe VI avec la journaliste Letizia Ortiz, divorcée, l’a ulcéré. « Je n’ai jamais cessé de conspirer ». Son combat, il le puise dans celui qu’a mené le prince Charles de Bourbon, éphémère roi Carlos VII, durant la troisième et dernière guerre carliste (1872-1876). « L'Espagne, comme tous les pays, a des traditions. Dans notre cas, elle est catholique et monarchique. Quand il y a été fidèle, tout s’est bien passé. Et quand elle a décidé de s’éloigner de ce chemin, nous avons vu ce qui s’est passé » poursuit Sixte-Henri. « L’avantage du carlisme, c’est sa capacité à renaître à chaque fois » précise le prince qui avoue n’avoir rencontré le roi Juan Carlos qu’une seule fois dans sa vie, au palais de la Zarzuela. Et qui redoute que les derniers scandales qui touchent la monarchie ne soient « le début de sa fin et la dénaturation du principe monarchique ». « Les autres sont les conséquences qui l'accompagnent dans son effondrement » ajoute t-il. « Sans catholicisme, il n'y a pas d'Espagne » martèle Sixte-Henri qui dénonce « cette ploutocratie démagogique et sans morale qui a envahi toutes les démocraties », fustige ces lois qui ont autorisé le mariage gay et l’avortement et qui s’agace de ces « incessantes attaques contre l’église, gardienne de nos lois naturelles et championne de la défense de la vie ».
Un carlisme dont il est la proue, qui entend combattre le « marxisme de Pablo Iglesiais [leader de Podemos-ndlr] » et le premier ministre Pedro Sanchez dont il affirme qu’il a été membre des phalanges dans sa prime jeunesse, au début de la transition post-franquiste. Quant au député Santiago Abascal, le leader de Vox, il ne le connaît pas plus que cela mais refuse qu’on le situe à l’extrême-droite. « C’est un parti conservateur qui a parfois un ton belliqueux et pittoresque » auquel il ne semble pas adhérer. Il reproche à ce « transfuge du Parti Populaire » de soutenir la constitution « qui n’a fait qu’aggraver la situation depuis son adopation et permis la montée des séparatismes ». Abascal tente « de copier le Front national mais il n’a ni la force ni la verve de Jean-Marie Le Pen » tranche Sixte-Henri de Bourbon-Parme qui surprend toujours là où on ne l’attend pas. « Son projet ne peut aboutir et je regrette que des traditionnalistes soient mêlés à ceci, là où il y a peu, finalement, de gens de bonne volonté ». Il n’évoque pas sa succession, une question qui crispe les carlistes et Sixte-Henri de Bourbon-Parme qui entend tout faire pour que la CTC ne rejoigne pas les troupes de son neveu encore moins ne désigne celui qui serait le plus proche de la lignée carliste, le prince Louis-Alphonse de Bourbon, duc d’Anjou, qu’il exècre littéralement. Dernièrement, son secrétariat a publié un communiqué incisif réclamant que les « Franco se mettent à réfléchir de la responsabilité que leur patriarche porte en n’ayant pas remis le pouvoir entre les mains de la branche la plus dynaste d’Espagne avec toutes les conséquences que l’on peut voir aujourd’hui ». La plus dynaste ? Celle de Sixte-Henri de Bourbon-Parme naturellement.
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